Une grande tirée au portant,avec les
alizés, jusqu'à Caracas pour récupérer les
enfants
Venant de Trinidad, et après avoir embarqué
Richard, le fils aîné de Gérard, premier arrivé,
à Puerto la Cruz, nous irons d'une traite ou presque jusqu'à
Caraballeda qui est une marina située à une demi heure de
voiture de l'aéroport de Caracas. Là, nous avons quatre enfants
à récupérer, à deux jours d'intervalle. Nous
préférons donc éviter la répétition
des voyages en bus depuis Puerto la Cruz (2 fois 6 heures à chaque
fois). Le prix à payer sera de revenir vers l'est contre le courant
et le vent dominant sur environ 150 milles nautiques.
La proximité de l'aéroport est bien le
seul agrément de Caraballeda. La côte autour, est peu accueillante
aux voiliers. Dans un rayon de 50 milles, on ne trouve aucun mouillage
et les quelques marinas que l'on peut trouver sont privées et n'acceptent
pas (plus???) les bateaux étrangers... On peut lire ça
et là, quelques récits de comportements grossiers et aberrants
de navigateurs européens qui peuvent justifier cette attitude.
90 milles plus à l'ouest, le parc national de
Morrocoy est sans doute un but de croisière estimable, mais
comme cela ne fait qu'aggraver le problème du retour vers l'Est,
nous ne connaîtrons pas.
Après avoir fait le plein des soutes et de l'équipage,
nous irons au nord, vers les Roques qui nous apparaissent alors comme une
promesse de paradis. La promesse sera tenue et nous avons décrit
le paradis, dans le dernier numéro.
Le sort s'acharne sur notre
pauvre moteur d'annexe.
(ou bricolages annexes....)
Le seul problème à déplorer durant cette
période nous viendra du moteur de l'annexe. Le jour de l'arrivée
du gros de l'équipage à Caraballeda, un axe du système
de propulsion se rompra et le moteur n'acceptera plus de fonctionner qu'en
marche arrière. L'embarquement de tout ce monde et de ses bagages
devra donc se faire à la rame, en pleine nuit, entre un ponton
délabré et le bateau qui est mouillé à deux
cents mètres à l'extérieur de la marina. Ah, ca tombe
bien!
Deux tentatives de réparation par des mécaniciens
locaux, (un à Caraballeda, l'autre à Gran Roque.) avec soudure
de l'axe, ajout de rondelles et autres imprécations vaudou censées
remplacer la pièce de rechange qui n'est pas disponible, ne résoudront
pas le problème. Cela permettra malgré tout à
Gérard de mieux comprendre le fonctionnement du système et
d'imaginer une réparation provisoire. Trois jours plus tard il procédera
à un ultime démontage et remplacera l'axe par un boulon
judicieusement choisi.Et ca marche :
-
le système est bloqué en marche avant,
-
il n'y a plus ni point mort, ni marche arrière, mais
ca propulse en avant.... Et quand on a sept équipiers à transporter,
ça parait génial !
C'est assez amusant de constater comment le sort s'acharne
par période sur des organes particuliers. Avec sa réparation
de fortune, ce moteur nous donnera satisfaction jusqu'en octobre. On pourra
alors se procurer l'axe fautif et procéder à la réparation
définitive.
Quinze jours plus tard, encore aux Roques, c'est cette
fois la goupille de l'hélice qui nous laissera choir. Et sans rechange.
Encore un bricolage provisoire à imaginer. Quand enfin, un mois
plus tard on aura trouvé des goupilles neuves et que tout sera à
nouveau rentré dans l'ordre, c'est carrément l'arbre de transmission
qui cassera, faisant suite à une tentative de Gérard de jouer
à saute mouton sur les rochers avec l'annexe. Et là, pas
de réparation de fortune imaginable ni d'arbre de rechange disponible
au Venezuela. Nous quitterons donc le Venezuela avec un moteur en panne,
que nous espérons pouvoir réparer plus loin dans les caraïbes.
En fait, juste avant de partir, nous avons acheté un petit moteur
de 2cv. Il ne permet pas à Gérard de pratiquer l'aquaplaning
qui séduit les minettes, mais il remplace avantageusement les rames
pour faire l'avitaillement au mouillage.
Retour de
l'archipel des Roques.
Un retour des Roques au près contre
l'alizé jusquà Puerto la Cruz...
Nous y trouverons la trace de
corsaires français...
Notre équipage s'est organisé pour rentrer
à la maison dans le désordre et sur une période de
3 à 4 semaines. Nous avons donc l'intention de regagner la région
de Puerto la Cruz, d'où nous pensons pouvoir les réexpédier
sans trop d'effort. Nous maîtrisons mieux, maintenant l'organisation
des bus et des avions vers Caracas.
En retournant des Roques vers Puerto la Cruz nous aurions
aimé faire escale à l'île de "La Tortuga". Mais un
long bord nocturne, au près bâbord amure, nous amènera
au petit matin sur la côte , à l'abri du cap Codera dans l'anse
"Del Corsario". (Tortuga sera pour une prochaine fois. Pas de doute, à
ce bord c'est le vent qui commande).
L'anse où nous atterissons est ainsi nommée,
parce qu'à l'époque de la flibuste, un corsaire français
y avait établi son camp de base et s'y embusquait, dans l'attente
du passage des bateaux ennemis. (Un peu comme les corsaires de St Malo
le faisaient en Bretagne, sous le fort la Latte, à l'abri du cap
Fréhel). Aujourd'hui, c'est toujours un assez bon mouillage et l'on
y trouve, comme presque partout, quelques campements de pêcheurs.
Et nous assisterons à
la grande parade des oiseaux de Carenero.
Carenero se trouve à quelques milles au sud de
l'anse "del Corsario". C'est un mouillage (un port???) très abrité,
genre trou à cyclone. Il est niché au creux d'immenses
marécages marins couverts de mangrove et sillonnés de passages
qui forment un réseau de canaux. Un peu comme les marais vendéens.
On y trouve quelques hôtels résidentiels dotés de marinas
privées. Celles ci sont occupées par des dizaines de bolides
puissamment motorisés comme on les aiment ici. Ces derniers sont
stockés hors d'eau, sous des hangars où ils sont empilés
sur 3 ou 4 niveaux d'étagères à l'aide de gros chariots
gerbeurs. C'est une curiosité.
Mais, pour nous, l'intérêt du site se trouve
ailleurs:
La mangrove environnante est l'habitat nocturne de milliers
d'oiseaux. Ces mêmes oiseaux vivent ailleurs leur vie diurne et les
levers et couchers de soleil provoquent des mouvements migratoires massifs.
C'est alors un spectacle fantastique.
Les vedettes incontestables en sont les Ibis Rouges.
On est toujours époustouflé quand on voit ces oiseaux pour
la première fois. Leur couleur est si éclatante qu'on
n'y croit qu'après les avoir vus. Ils peuplent les arbres et le
ciel de grosses taches vermillon quasi fluo.
Les second rôles sont tenus par les ibis blancs
et noirs, qui sont aussi nombreux, mais visuellement plus discrets. Et
puis le gros de la figuration est tenu par des milliers de perroquets
verts qui volent par couple et semblent tenir une conversation permanente.
La mise en scène de ce spectacle est très
précise et nous y assisterons un soir, installés dans l'annexe
et dotés du nécessaire à apéritif ainsi que
de notre meilleur équipement anti moustiques.
Vers 18 heures, à un quart d'heure du coucher
de soleil, on distingue quelques ibis rouges, installés au sommet
de grands arbres ou voletant deci delà entre les cimes. Passé
le premier émerveillement devant la couleur, nous épuisons
l'approche à la jumelle. Le spectacle ne nous parait pas si foisonnant
et nous attaquons vigoureusement l'apéro.
Le soleil commence à disparaître derrière
les arbres. Et tout à coup, un invisible metteur en scène
doit donner un signal:
De tous les points de l'horizon, on voit soudain converger
des centaines d'Ibis volant par groupes d'une dizaine d'individus. Les
rouges, bien visibles, mais aussi des noirs et des blancs. Ils communiquent
par des cris stridents qui forment la bande sonore du spectacle.
Et puis tout a coup, le niveau sonore s'amplifie et tout
l'horizon se couvre de points criards. C'est l'arrivée des perroquets
verts. Des milliers de perroquets verts qui reviennent par couple de leur
journée de "travail", qui se la racontent cette journée et
qui s'interpellent entre couples. Le vacarme est assourdissant.
Toute ces oiseaux s'acheminent chacun, de manière
très déterminée, vers un arbre particulier. Il semble
y avoir peu de vols de promenade entre les arbres. Ainsi tout le monde
est bientôt arrivé et, les oiseaux installés pour la
nuit, les vols se tarissent. Le silence se réinstalle progressivement.
C'est fini.
La séance aura duré un bon quart d'heure
et la nuit est maintenant complètement tombée. Nous sommes
émerveilles et abasourdis. Nous nous remettons en reprenant
le cours de l'apéritif et encore sous le charme, nous entamons le
retour vers le bateau.
Borracha ou un air de ballade
écossaise...
La météo locale le long du littoral vénézuélien
présente une caractéristique intéressante. Le vent
d'Est, souvent assez fort l'après midi, disparaît généralement
sitôt le soleil couché. On peut ainsi profiter de la
nuit pour remonter vers l'Est assez confortablement. (Enfin la plupart
du temps, car quelquefois le vent reste, toute la nuit, installé
et fort. Notre deuxième retour de Carenero à Puerto la Cruz
se fera au louvoyage, avec deux ris et l'aide de François à
la manoeuvre. Cela nous prendra alors 24 heures.)
Cette première fois, avec notre équipage
nombreux et après une nuit de navigation confortable, au moteur,
le long de la côte depuis Carenero, nous arrivons à l'aube
sur Borracha.
La fin de la nuit s'accompagne de grains très
pluvieux et l'approche finale se fera sans visibilité, au radar
et en ciré (c'est d'ailleurs la seule fois, en un an, où
nous les sortirons de leur placard).
Située à quelques milles au large de Puerto
la Cruz, Borracha est une île montagneuse, de la taille de Houat
(Ndlr : petite île au large de la Bretagne sud). Au dernier moment,
comme on dit dans les romans, les nuées se déchirent un peu
et nous apercevons à une centaine de mètres, éclairées
par le soleil levant, les falaises de l'île et la passe étroite
vers laquelle nous nous dirigeons. Ces falaises sont surmontées
d'une végétation rase mais très verte et tout y est
fumant d'humidité. L'instant est grandiose et on imagine l'entrée
dans un fjord écossais. Derrière la passe, le mouillage est
calme et solitaire. Juste un campement de pêcheurs sur la plage,
au fond.
Plus tard, nous y reviendrons un week-end. Ce sera un
changement de décor complet, avec une quinzaine de lanchas mouillées
les unes contre les autres, devant la plage. Ambiance kermesse.
C'est généralement le cas, le week end,
dans la plupart des mouillages autour de Puerto la Cruz.
Le parc national
de Mochima
Encore quelques bords de près, contre
l'alizé, pour une récompense: " le Parc National de Mochima
La solitude du golfe de Santa
Fe et des îles Caracas.
L'Est
de Puerto la Cruz est constituée par une zone industrielle, où
les raffineries de pétrole le disputent aux cimenteries, pour
détruire le paysage. Mais cette zone, assez limitée,
laisse vite la place à une autre, immense et très sauvage
qui constitue le parc national de Mochima.
On y trouve d'abord le golfe de Santa Fe.
Nous hésiterons longtemps avant d'y pénétrer
car c'est un endroit auquel la rumeur prête mauvaise réputation,
du point de vue de la sécurité. Totalement désert,
il est entouré de côtes abruptes, à la végétation
impénétrable. On y trouve quantités de petites baies
très abritées, dont le seul inconvénient est d'être
assez profondes et de nécessiter un mouillage bahaméen. (A
l'avant, l'ancre dans les profondeurs et à l'arrière, un
bout à terre). Et comme c'est le cas de tous les golfes et lagunes
de la région, l'eau, très végétale n'est pas
claire.
Nous y passerons deux nuits et chaque matin nous y serons
réveillés par une dizaine de barques de pêcheurs qui
viennent capturer là, d'un grand coup de senne, une espèce
de sardine. Ce sera l'appât qu'ils se partageront, avant de partir
pour leur journée de pêche au large.
Au bruit qu'ils font, nous nous apercevrons à
cette occasion que les pêcheurs vénézuéliens
sont extrêmement bavards.
A l'extérieur et à la sortie du golfe se
trouvent les îles Caracas. Ce sont d'immenses collines rocheuses,
désertes et quasiment sans végétation. On y trouve
quelques mouillages bien protégés dont celui d'El Coral.
Situé entre deux îles de l'archipel, c'est une jolie plage
au bord de laquelle se trouve un petit cimetière marin. Quelques
croix dans les cailloux et les cactus. Une épidémie ?. Un
ancien campement ?.
Sous l'eau, de chaque coté de la plage, des pentes
tapissées de corail multicolore plongent vers les profondeurs. Et
toujours des colonies de poissons coralliens de toutes les couleurs. Richard
y découvrira de petites langoustes (que nous ne mangerons pas).
Comme partout par ici, la fréquentation des mouillages
est faible et nous n'y verrons passer que deux ou trois voiliers, mais
régulièrement des barques de pêcheurs.
Puerto Mochima la vallée
engloutie ...
A quelque milles des îles Caracas, nous découvrons
Puerto Mochima. C'est comme une immense vallée qui aurait été
submergée lors d'un énorme affaissement du terrain (L'activité
sismique est très forte par ici...). Elle s'enfonce, tel un fjord,
de 3 à 4 milles dans la terre, entourée de collines de terre
rouge couvertes d'une végétation très dense et verte.
C'est un abri parfait et partout autour on trouve de
petites criques au fond desquelles s'isoler. On est alors très loin
de la mer du large.
Au fond du fjord se situe le petit bourg de Mochima devant
lequel mouillent quelques bateaux.
Nous y rencontrerons Pierre, un dessinateur de bande-dessinée
Belge. Il navigue en solitaire dans cette zone depuis un an, sur un First
30 acheté ici et qu'il a baptisé "le p'tit blanc"
Il nous raconte sa faiblesse pour le vin blanc et sa participation à
l'équipe de Gotlieb dans la rubrique à brac. Il s'est fait
une spécialité de dessiner les cormorans et il gagne sa vie
ici en peignant les murs de restaurants et de boites de nuit.
Et la boucherie cachée...
Pierre nous donne aussi quelques clés indispensables
à Mochima. Par exemple, il nous indiquera où acheter de la
viande.
Il faut dire qu'en arrivant à Mochima, on ne sait
pas très bien qui fait commerce de quoi, ni où. Devant la
façade de maisons particulières, quelques alignements de
légumes, diversement entourés d'objets comme des boites d'allumettes
et des rouleaux de papier hygiénique, indiquent une proposition
de vente. Quelques épiceries s'affichent aussi comme telles. Mais
pour la viande, rien.
Pierre nous indique dans le centre du village, la maison
à laquelle nous adresser. Enfin, pour la trouver, il nous faudra
redemander plusieurs fois en chemin, mais cette fois ça y est. Un
homme nous en montre l'entrée et nous y pénétrons.
Un long couloir longe un grand salon décoré de photos
familiales et confortablement meublé de canapés. Désert.
On passe et on débouche dans une autre pièce du genre salle
à manger. Déserte aussi. On continue le couloir et on arrive
dans une espèce de grand séjour-cuisine où, enfin,
on trouve la famille rassemblée, à discuter et à regarder
la télévision :
- C'est bien ici qu'on peut acheter de la viande????
- Bien sur, que désirez vous???
- Vous avez du poulet???
Notre interlocutrice se dirige vers un grand congélateur
situé dans un coin de la pièce, en extirpe un superbe poulet
congelé , le pèse et en annonce le prix avec un grand sourire.
- Avez vous aussi du "bisteque" ?
Elle replonge dans le meuble et en ressort un seau plein
de tranches de boeuf congelées dont elle détache le nombre
demandé...
Elle finira en demandant « si nous souhaitons aussi
du lait et des yaourts ». Puis, payée, elle retournera à
la télévision pendant que nous repartons à travers
la maison dans l'indifférence générale.
Il faut quelques clés vous dis je.
Avant le golfe de Cariaco,
les fonds coralliens de l'anse de Manaré.
Pierre nous a indiqué cette anse qui est située
juste à la sortie de Puerto Mochima. L'eau y est claire et les fonds
magnifiques. Nous nous y arrêtons donc.
L'endroit est en effet superbe et impressionnant.
Superbe par sa plage de sable blanc, ornée de
3 cocotiers, qui s'étend au fond de l'anse au pied de la colline.
Ne l'occupe que l'inévitable campement de pêcheurs devant
lequel flottent deux ou trois pineiros.
Impressionnant par les falaises lisses et verticales
qui encadrent la plage. D'une centaine de mètres, elles plongent
directement dans la mer.
Quelques barques de pêcheurs viennent de
temps en temps s'abriter là, en attendant l'heure d'aller au large.
Quelques touristes s'y font transporter en barque depuis Mochima pour y
passer l'après midi. Peu de voiliers mouillent là. Nous y
avons été le plus souvent tout seul et jamais plus de trois
bateaux.
Mais le secret de Manaré, ce sont les fonds.
L'eau y est limpide, sur un platier de coraux peuplés
de petites anémones de mer multicolores. On dirait un tapis de fleurs
séchées. Et partout, un grouillement de poissons de toutes
couleurs. Sous le soleil, c'est magnifique.
Quelques murènes aussi s'abritent dans les trous
du platier.
Les murènes et les barracudas, c'est bon pour
l'adrénaline.
Le golfe de
Cariaco.
On entre dans le repaire des dauphins.
C'est le golfe de Carialco.
Profond d'environ 35 milles et large de 8, ce golfe ouvert
à l'ouest forme un bassin de croisière extraordinaire. Normalement
venté par l'Est, la mer y est toujours assez plate. Clapoteuse
quelquefois, mais jamais vraiment formée.
La
rive sud du golfe est très verdoyante et parcourue par une route
traversant des villages. La rive nord, formée par la péninsule
d'Arayat est sèche, désertique et quasiment sans accès
routier.
La navigation à la voile y est agréable,
bien que quasiment toujours au louvoyage pour pénétrer dans
le golfe. Les mouillages y sont nombreux et jamais éloignés.
A la tombée du jour, on peut toujours trouver un endroit protégé
et atteignable avant la nuit. Le rêve.
Et puis la navigation n'y est jamais solitaire. A peine
entrés dans le golfe, les dauphins nous rejoignent chaque fois,
Et puis pas deux ou trois dauphins. Non, des dizaines, qui viennent batifoler
en bande autour et devant le bateau. Ils s'éloignent pour aller
chasser un peu et puis reviennent nous saluer de cabrioles et de trajectoires
fusantes le long de la proue. C'est à chaque fois l'émotion.
Gérard aurait bien aimé plonger et nager avec eux, mais dès
que l'on arrête le bateau, les dauphins s'éloignent. Et comme
depuis Fortalezza, Gérard ne quitte plus volontiers le bateau en
route, il n'y aura pas de séquence natation avec les dauphins. Dommage.
Cumana, dernière station
avant la nature sauvage.
Cumana, au sud de l'entrée du golfe est une ville
de pêcheurs et d'industries de conserves de poissons. Elle est équipée
d'une petite marina où l'on peut faire de l'eau, du carburant et
passer une nuit, le temps de faire l'avitaillement et de consulter nos
E-Mail. Les ressources de la ville sont sobres et plutôt rustiques
mais nombreuses. Nous y trouverons même le seul café à
terrasse et à usage "ethnique" de toute la côte. Plutôt
sympa.
C'est à Cumana qu'un matin, mon bus fut pris dans
un tel embouteillage que je préfèrai le quitter et continuer
à pied. Bien m'en prit, car quelque cent mètres plus loin,
la rue était occupée par des groupes de majorettes représentant
les écoles privées Saint et Sainte quelque chose, des groupes
de fanfares militaires et un service d'ordre. Le tout se situait en face
d'un monument dédié au général SUCRE. C'est
un héros national qui fut le vainqueur de la célèbre
bataille de Carabobo. (Sans doute contre les Espagnols). Tout autour du
monument, des chaises étaient disposées et une foule de notables
attendait manifestement le début d'une cérémonie.
Au milieu de cette foule, un général comme on ne les imagine
qu'en Amérique latine (quand on a lu « l'oreille cassée
» ) : plutôt jeune, très virilement moustachu, bardé
d'or et de décorations de la casquette à la ceinture, les
yeux cachés derrière une superbe paire de Ray Ban, s'entretenait
en lui tenant le bras, avec un évêque comme on ne les imagine
qu'à St Nicolas du Chardonnet: Un certain âge, l'air patelin,
soutane noire, petite calotte et ceinture violette. Avec tous ces notables
autour, j'ai eu l'impression d'une image en raccourci de la vie politique
de l'Amérique latine. (Ce général finira t il lanceur
de couteaux comme le général Alcazar?).
Par inclination, nos étapes dans le
golfe se situeront plutôt sur la côte nord désertique
et solitaire.
Le petit village de Puerto
Réal.
Nous
venons de quitter Cumana et après quelques bords de près
serré, la nuit va tomber sur le golfe. Le mouillage le plus proche
est Puerto Real. Nous y entrons vers 17 heures 30 et nous mouillons dans
un excellent abri, devant une plage ou un groupe d'enfants jouent au basket.
(C'est remarquable, d'habitude c'est plutôt au "Baisebole" qui
semble être ici le sport national). L'ancre mouillée,
l'équipage nombreux débarque en deux voyages pour saluer
et visiter le village. Objet d'une vive curiosité, comme d'habitude,
la première vague entame la visite et trouve un pêcheur pour
lui vendre un seau de poissons. Le barbecue de ce soir est assuré.L'équipe
réunie au complet se met alors à la recherche d'un endroit
où boire une bière. Rien ne se présente. Renseignements
pris, ça existe et c'est là bas, de l'autre côté
du monticule. En passant entre les maisons (il n'y a évidemment
pas de rues ni de plans d'urbanisme) nous arrivons sur la côte au
vent du village, et là on nous indique une maison. Toutes fenêtres
closes et lumières éteintes.
- Mais c'est fermé!
- Non non, on vient.
Et effectivement, arrive un femme avec une clé
qui ouvre la porte de la maison et allume la lumière. On appercoit
ainsi une grande pièce vide, seulement meublée de caisses
de bières, et nous demande ce que nous désirons.
Ce seront 5 bières glacées, servies depuis
le congélateur et qui nous coûterons chacune 1 Franc 50. Nous
les boirons sur la terrasse, au clair de lune, sous le regard curieux des
enfants qui jouent plus loin.
Allez, les poissons sont vidés et écaillés,
mais il est temps d'aller allumer le barbecue.
Nous rentrons au bateau.
Laguna Grande: On nous
avait prévenu, ça coupe le souffle.
Creusée
dans la côte nord du golfe, c'est une sorte de mer intérieure,
accessible par une passe de quelque trois cent mètres de large.
Largement ramifiée en bras et en criques, elle est parsemée
de quelques îles et est entourée de tous cotés par
des montagnes s'élevant jusqu'à quelques 400 mètres.
C'est quasiment un désert de végétation, totalement
vierge de construction et d'habitation. La solitude et la majesté
de l'endroit sont saisissantes.
Le souffle est coupé.
Les mouillages sont pléthore et il pourrait y
avoir ici plusieurs dizaines de bateaux sans qu'aucun s'entr'aperçoivent.
Enfin presque.
Nous reviendrons plusieurs fois mouiller ici, pour faire
une cure de silence et de majesté.
Quelques pêcheurs passent de temps en temps relever
des filets ou des casiers.
Nous en voyons un, en particulier, qui semble récupérer
dans ses casiers de petits crabes, comme des étrilles. A notre demande
d'achat, il en remplit notre seau, en nous signifiant que c'est gratuit
et qu'il n'en a pas l'usage. Nos propositions d'alcool ou de cigarette
sont rejetées. L'homme ne fume ni ne boit. Il repartira tout de
même avec un billet de 5 francs et notre gratitude.
Un autre vient au bateau pour nous demander: «
vous avez du café??? ».
Nous lui en trouvons un demi paquet,
- Et du sucre ???
Un fond de paquet aussi...
- Et des pâtes????
Alors là, non....
- Du riz alors????
- Ah, non plus...
Il s'en va, grognon, en pensant visiblement que, vraiment,
cette épicerie n'est pas terriblement achalandée...
Nous verrons passer quelques bateaux aussi.
Un surtout, par une fin d'après midi pluvieuse,
où nous sommes occupés à jouer au rami.
Il doit y avoir trois bateaux dans tout Laguna Grande.
Celui là arrive près de nous, catamaran
de location habité par un équipage de jeunes Italiens.
"Il visite les mouillages possibles et va en choisir
un plus loin.... Sûrement" pense-t-on,
Eh bien non !
Il mouille son ancre juste à notre arrière
et tout le monde au bain !
Comme à Rimini.
Encore un peu et cette nuit, nos bateaux auront des problèmes
de coexistence.
Nous sommes suffoqués et décidons de secouer
notre torpeur. Partir. Alors qu'il pleut. Humeur.
Bien nous en prendra. C'est ainsi que nous découvrirons
Punta Cangrejo (La pointe du crabe).
Punta
Cangrejo et la rencontre de Kike et de T-Bone
Punta Cangrejo, notre « foyer »
Venezuelien.
La découverte de l'endroit
C'est un peu par hasard que nous découvrirons l'endroit.
Nous sommes sortis un peu tard de Laguna Grande et nous voulons aller mouiller
avant la nuit, quelques trois milles plus à l'Est où notre
guide nautique situe trois criques voisines, et désertes. Il montre
aussi une photo assez séduisante de l'une d'elles.
Nous y arrivons à la nuit tombante.
Il faut se presser.
Dans la première, la plus grande, un gros bateau
de pêche mouillé en travers occulte quasiment l'entrée.
Nous continuons vers la seconde et là, nous apercevons deux voiliers
déjà présents. C'est la concorde à dix huit
heures! La troisième enfin est déserte. C'est celle de la
photo du guide. Mais on y distingue, dans le fond, l'épave brûlée
d'une vedette en plastique dont l'effet est assez sinistre à la
nuit tombante. Les enfants refusent carrément de passer la nuit
là.
Retour donc dans la deuxième crique où
on va tenter de trouver une place dans la "foule". On y découvre
un joli petit appontement auquel sont déjà amarrés
les deux bateaux présents. Deux hommes nous interpellent et nous
proposent d'accoster là et de prendre nos amarres arrières.L'un
des hommes nous annonce en même temps que le ponton et la musique
sont gratuits. Effectivement nous entendons des échos de blues depuis
une sorte de hutte qui doit en fait être un bar. A la question de
Gérard, il est répondu que « le bar, lui n'est pas
gratuit ». Rien n'est parfait.
Nous débarquons donc à la nuit tombée,
avec Marine, Laurent et Richard.
La soirée sera inoubliable.
Nous
trouvons le bar au bout d'une petite allée illuminée. Deux
guitaristes s'y déchaînent. T-Bone Fisher (photo de couverture)
et Ed Teja. Il se trouve qu'Ed est le propriétaire-occupant du gros
bateau de la première crique. Ils sont là tous les deux à
préparer un week end de blues qui doit avoir lieu ici dans une quinzaine.
Ils en seront les deux musiciens. Vers 19 heures, Ed regagne son bord.
T-Bone, resté seul, nous fera un concert in vivo toute la soirée
pendant que nous nous noierons quasiment dans la bière. (Il faut
dire que ce soir là, lui est déjà noyé depuis
longtemps).
T-Bone est un bluesman américain retiré
ici depuis environ un an. L'un des deux bateaux de la crique est le sien.
Dans la journée, il tient le bar (3 clients par semaine), plante
des fleurs et des légumes, bricole sur des pineiros en chantier
et prépare la construction de sa propre "churuata" (sorte de hutte
indienne couverte de palmes tressées et ouverte sur tous les cotés).
Pour l'instant ses affaires sont sur son bateau et il dort sur une table
du bar. Après avoir bourlingué pendant dix neuf ans dans
les Caraïbes il a été amené ici par Kike et il
a décidé qu'il avait trouvé ce qu'il cherchait. Il
ne repartira plus. Sa maison ici est son grand projet.
Kike
c'est le patron. Venezuelien de pure origine espagnole (la race noble),
il a la cinquantaine joviale derrière sa moustache. Pas vraiment
bavard, son discours paraît toujours très pertinent et surtout
chaleureux. Il est en retraite d'une activité où il a pas
mal voyagé et il parle couramment anglais. Je le soupçonne
de parler assez bien le français aussi et en tous cas de le comprendre
parfaitement.
Il a tout fait ici. Avec un peu d'aide locale.
Seule la "churuata" qui abrite le bar a été faite par des
indiens de la côte. Les indiens "Cumanagoto". Cela fait six ans
qu'il a commencé à aménager la crique:
-
Le ponton d'accostage avec ses corps morts.
-
Un chemin d'une centaine de mètres, pavé et
éclairé, qui mène le long de la berge du ponton au
bar.
-
Trois maisonnettes aux toits de palmes et les fondations
de deux bâtiments qui devraient abriter plus tard une école
et une église.
Eh oui, Kike veut faire ici un village. Dans tous les sens
du terme. Avec Restaurant-Pousada.
Mais comme ils font tout eux même, quand ils ont
le temps. Les divers chantiers commencent, s'arrêtent , reprennent
et se termineront plus tard.
"Mañana" On a le temps au Venezuela. De toutes
façons il est préférable de s'armer de patience, car
les matériaux nécessaires aux constructions ne se trouvent
pas sous le sabot du premier cheval venu.
D'ailleurs, il n'y a pas de cheval ici.
Pas de route non plus.
Seul le pineiro de Kike nous met à 1 heure de
mer de Cumana. Quand le moteur ne tombe pas en panne.
Alors, Tranquilo.
Mais ils y arrivent.
Kike construit ici des bateaux, des maisons, les meubles
nécessaires à sa crique. Il y paraît très heureux.
Gladys, sa femme fait son apparition de temps en temps.
Elle aussi rayonne de joie de vivre.
Entre Août 99 et Janvier 2000, nous reviendrons
moult fois ici. Des rites finiront par s'instaurer. Quand T-Bone est seul,
nous l'invitons à dîner sur le bateau, ou bien nous apportons
à manger pour tous au bar. Quand Kike est là, nous allons
au "pub" tous les soirs. Quelquefois nous y dînons. (Pas trop souvent,
car les tarifs y sont élevés. Mais la paella cuisinée
par Kike est extraordinaire).
Nous y inviterons , si l'on peut dire, tous nos enfants
et connaissances.Jean Michel y viendra parfaire son éducation bluezy
puis François. Plus tard, Francis et Anne Marie de "Bon Vent"
ainsi que François et Françoise d' "Altaïr" nous y
rejoindront pour les fêtes de fin d'année.
Punta Cangrejo, un Noël
familial "muy sympatico".
Ce sera un Noël dans le calme et la bonne humeur.
Kike sera là avec sa femme et deux de leurs enfants. Nous serons
dix gringos : les équipages de Getaway, Bon Vent et Altaïr
et deux couples d'Allemands venus comme nous sur leur bateau.
Après un apéro échauffement sur
Getaway, nous rejoignons le bar où T-Bone et son copain Ed font
un boeuf.
Ils sont déjà bien chauds. Enrique, le
fils de Kike nous sert un punch maison pour nous mettre au diapason. Nous
ne tarderons pas à l'être. Au menu: Dinde farcie (excellente)
cuite au four à bois, Pain au jambon, Fromage. Le tout arrosé
de vin chilien rouge et blanc puis de champagne. Entre deux bouchées,
on va danser sur la piste du bar. Rocks lents, merengue. Très sympa
tout ça. On se couchera vers 2 heures.
Le lendemain, le réveil sera “ clair ” et un bain
dans la crique finira de remettre les idées en place.
Il faut dire que nous devons préparer notre expédition
montagne.
En conclusion de notre navigation vénézuélienne,
nous passerons le début de l'an 2000 à 3000 mètres
d'altitude.
Eh oui, la décision a été prise de
passer "El fin de año" dans les Andes. Nous avions initialement prévu
cela pour Noël, mais des événements majeurs nous ont
arrêtés. Des pluies diluviennes sur la côte et surtout
autour de Caracas ont entraîné des inondations, la rupture
d'un barrage et surtout d'énormes glissements de terrain. Des milliers
de morts, toutes les routes côtières coupées, aéroports
fermés. Tous les bus et les vols vers Caracas sont annulés
dans la semaine précédent Noël.
A Punta Cangrejo, les informations que nous avons sur
l'état actuel des transports sont souvent contradictoires. Les aéroports
semblent fermés au trafic et réservés aux secours,
les bus sont peut être rétablis, mais pas sur leur trajet
habituel. Le mieux c'est de partir à Cumana, et d'aller voir sur
place au "Terminal de Pasajeiros". C'est ce que nous ferons, en utilisant
Getaway et en laissant Bon Vent et Altaïr à la garde de T-Bone.
Ce voyage en bus sera une sorte
d'aventure mémorable.
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