LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
Trinidad, Tobago et Venezuela - Journal de bord
N°11 - Janvier 2000


Introduction

La route vers Trinidad et Tobago

Une traversée sans histoire...
Nous sommes donc partis des îles du Salut, en Guyane, le 26 juin 1999, en annonçant une traversée sans difficulté particulière. 
Eh bien, nous n'avons pas eu de difficulté!
Nous avions choisi de naviguer à une bonne centaine de milles des côtes d'Amérique du Sud et nous ne rencontrerons que très peu de bateaux et quasiment pas de pêcheurs. Le vent n'a pas été très présent durant cette navigation, mais le courant nord équatorial nous a aidés puissamment à 2 ou 3 noeuds jusqu'à l'arrivée sur les côtes de Trinidad.
Ca aura donc été une période de farniente diurne avec, malgré tout, des nuits assez vigilantes. Le souvenir de Galapiat et de Méaban nous hante un peu et cela nous aura sûrement aidés plusieurs fois à dominer le sommeil et à rester éveillés.
Les activités traditionnelles de pêche en traversée ne donneront pas beaucoup de résultat, et nous ne verrons ni baleines ni orques. C'était sans doute un privilège  réservé à nos amis d'Anabé.
Pour s'intéresser à  celle des autres...
Justement parlons en d'Anabé. 
Durant notre petite étape vers Trinidad, ils ont eux, entrepris leur traversée vers les Acores et l'Europe. Après être arrivés en Jamaïque, ils ont passé quelques jours à souder et faire du plastique pour réparer une avarie de safran qu'ils ont découverte en train de se préparer. Sans doute un souvenir laissé par la baleine du trajet aller.
Juste à la veille de la grande traversée retour, ça n'était pas vraiment nécessaire pour entretenir le moral.
Et puis ils sont partis tout de même pour une traversée qui se révélera peu ventée mais pas complètement exempte d'émotions.
Ils n'avaient pas encore dépassé les Bahamas, quand le premier cyclone de la saison est né. Quelques jour plus tard, il était passé très à leur Est et ne les menacerait plus. Mais comme le remarquait un soir Anaïck à la BLU: « Ce soir, il est juste à l'endroit où nous devrions être dans une petite semaine. J'espère qu'il ne va pas être suivi trop vite par un deuxième! »
Quelques jours plus tard, Benoît annonce à la BLU que trois ou quatre câbles de son gréement dormant ont quelques brins de cassés et qu'il aimerait bien les remplacer aux Açores. Ce sera l'occasion d'une liaison exceptionnelle de Anabé vers Jacky (de l'association MER d'écoute radio) au Portugal, via Getaway. L'objet: Passer une commande précise de bastaques, bas étais et galhaubans (câbles en acier définis par leur section, leur longueur exacte et l'équipement de leurs terminaisons...) pour qu'un équipier les ramène de France à l'occasion du rendez vous qu'ils ont à Horta (aux Açores. Ndlr) Une bonne demi-heure d'épelage forcené, de hurlements répétés  et de répétitions hurlées, à travers un bruit intense de parasites. La propa n'était pas terrible ce soir là. Il semblerait que cela ait marché malgré tout. 
Je sais qu'ils sont finalement arrivés comme prévu au Crouesty. J'imagine la hâte qu'ils devaient avoir d'être enfin à destination.

Tobago

Une arrivée épique

Comment prendre des vessies pour des lanternes...
Mais revenons à nos moutons, c'est à dire à vos navigateurs favoris. Eux, à part un frigo assez poussif, n'ont pas d'ennuis matériels graves ni urgents. Ils peuvent donc passer leur temps à rêvasser en regardant la mer.
Un soir particulièrement, Gérard discerne loin derrière, la silhouette d'un bateau vu par le travers, en train de croiser la route de Getaway. C'est assez curieux, car nous sommes en face de côtes inhabitées et sans port pour accueillir un quelconque cargo... Plus curieux encore, la silhouette du cargo semble grossir. Et être accompagnée d'un deuxième bateau !!! 
Comment font des bateaux que nous voyons par leur travers  pour se rapprocher de nous ? 
Quelques minutes plus tard, le phénomène s'amplifie encore et alors vient la réponse: Ce que nous voyons n'est pas la silhouette du travers de deux cargos, mais celle de l'avant des deux plus gros pétroliers qu'il nous ait été donné de voir. Ils doivent bien mesurer chacun  80 mètres de large. Ils nous rattrapent et nous dépassent à deux milles sur notre bâbord. Ils paraissent identiques et  sont absolument monstrueux. Deux  navires continents pour une route collision!
Et profiter d'une arrivée un peu mouvementée....
Les jours passent et les côtes de Tobago se rapprochent. 
En ce 1er juillet qui devrait être le dernier jour de cette traversée, le temps se gâte un peu. Les grains se succèdent et le vent forcit pas mal. La mer aussi évidemment. Tout cela nous précipite assez inconfortablement vers la côte de Tobago et le port de Scarborough, vent et mer de l'arrière. 
A la nuit tombante, on commence à percevoir la silhouette de l'île. Si c'était un port connu, d'entrée facile et bien abrité, la perspective d'être à l'abri vers les 22 - 23 heures nous comblerait d'aise. Mais voilà, nous n'avons pas de carte de détail de l'approche de Scarborough (ni du port évidemment). Sur notre carte à petite échelle, qui couvre Tobago mais aussi Trinidad et tout l'est du Venezuela, il semble y avoir quelques dangers à éviter. Ils paraissent balisés et le livre des feux nous dit qu'ils sont éclairés. Mais les feux aux Antilles ont mauvaise réputation.
Et puis surtout, ce qui inquiète Gérard, c'est que le vent et la mer sont très sud et exactement dans l'axe de la baie qui abrite Scarborough des vents dominants qui sont habituellement d'est nord est. Les vagues sont limite déferlantes au large. Alors avec la remontée des fonds, l'accès au port risque d'être sportif. Ca rappelle un peu, mais de nuit, l'arrivée sur Fortalezza.
La nuit est tombée et voilà que le courant se met de la partie. Pas vraiment prévu par le capitaine, il inflige près de la côte une dérive d'au moins 20 degrés vers le sud ouest. Bien que le phare d'atterrissage se laisse apercevoir, on est enclin à ne plus croire ni compas, ni GPS.
Vers 22 heures, nous sommes à environ 4 milles de l'entrée du port et on ne voit toujours aucune des lumières censées signaler les dangers de l'approche. La mer a de plus en plus tendance à vouloir remplir le cockpit. 
Enfin bref, on se dégonfle. 
Trop près de la côte et des dangers sur lesquels porte le vent pour mettre à la cape et attendre le jour, on renonce à Scarborough et on laisse porter au sud ouest avec le courant. On suit la côte de l'île vers sa pointe sud, puis vers Trinidad qui se trouve à 80 milles de là, à l'ouest sud ouest. Comme la météo nous annonce une onde tropicale assez active en train d'arriver, la traversée vers Trinidad promet d'être sportive.
Si près du but. Le moral n'est pas très haut.  Mais avec ce vent fort portant à la côte.
Le capitaine, pour se consoler, va donc se coucher.
Réveil vers 3 heures. Il n'y a presque plus de vent et la mer s'est largement calmée.
Et si on remettait le cap sur Scarborough?  Voile et moteur ?  On arriverait vers cinq - six heures avec le lever du jour.
Et c'est reparti vers le port.
Recherche des feux signalant les dangers et acte de foi en Saint GPS et son copain Saint-Radar. Mais rien de rien. Aucune lumière. Pourtant ça devrait être là, pas loin. Et puis soudain, noire sur noir, à quelques dizaines de mètres, on distingue l'ombre d'une tourelle. Eteinte. Heureusement, c'est une tourelle sud et nous la cherchons par le sud. Pour la prochaine, même scénario.
Enfin, assurance d'entre les assurances, Gérard identifie au milieu des lumières de la ville, des feux verts des pharmacies et des feux rouges des b...(*), l'alignement de deux feux clignotant qui conduit à l'entrée du port. Guidés par ce dernier, nous passerons avec beaucoup d'assurance et à les frôler, trois bouées ou tourelles qui devraient éclairer le chenal et qui sont toutes éteintes.
Enfin nous arrivons dans le bassin du port où nous distinguons deux autres voiliers à l'ancre dans un coin derrière le môle. A six heures, nous serons le troisième. 
Le jour n'est pas encore levé et Gérard médite l'axiome qui dit "qu'on n'entre jamais de nuit dans un port douteux"... 
Mais enfin maintenant, l'onde tropicale peut toujours se pointer!!!

* Je suggère Bureau de tabac, mais d'autres solutions sont possibles.

Tobago ou le retour dans les Tropiques.

Certains diront que nous ne sommes jamais sortis des tropiques. C'est vrai,
Mais là, je parle des tropiques de l'imagerie populaire et des fantasmes de voyageurs. De ces tropiques dont les Antilles sont souvent synonymes. 
Ici, à Scarborough la capitale de Tobago, nous retrouvons l'ambiance et les odeurs de ces Antilles noires que nous aimons particulièrement. Les gens y sont charmants et pas du tout envahissants, ni collants ni agressifs (ce qui n'est pas nécessairement le cas partout aux Antilles). Nous nous sentons plutôt bienvenus, avec malgré tout cette distance de contact plutôt british que nous trouvons assez agréable.
Les formalités d'entrée nous consommeront deux petites heures sans trop demander d'efforts. 
Agréable je vous dis.
La ville est assez petite et sera vite découverte.
Son marché est assez classiquement tropical. Bien fourni en fruits et légumes. En poisson aussi. Mais nous mettrons quelque temps à trouver la viande: nous découvrirons une petite porte, dans un coin, derrière laquelle on trouve une grande salle climatisée, pleine d'étals de bouchers. Et là, la viande est plutôt bien présentée et donne envie d'être mangée. Le contraire des espaces viande des marchés du Brésil. Eux nous auraient plutôt rendus végétariens.
Un parc public - Jardin botanique pas très documenté mais assez joli et  sympathique, qui permet un repos  agréable aux gens d'ici, pendant la pause déjeuner. On y trouve même quelques bancs publics que n'aurait pas reniés Brassens.
Deux rues commerçantes sont dotées de quelques restaurants. Celui que nous utiliserons était manifestement destiné aux ouvriers locaux. Il nous permettra de goûter à la cuisine ethnique pour un prix plus que modique.
Tobago s'oriente résolument vers le tourisme. 
Nous le découvrons à travers quelques opuscules et plaquettes que nous trouvons ici et là. Une des spécialités locales est le mariage minute. Comme à Reno et à Las Vegas.
C'est surtout la pointe sud de l'île qui est exploitée touristiquement. Elle est plus plate; son littoral est corallien et se prête assez naturellement au développement hôtelier. Il s'y trouve déjà plusieurs hôtels, un golf et un aérodrome international au trafic assez soutenu. Le nord est assez montagneux, abrupt, couvert de forêt et plus difficile d'accès. Il est donc naturellement plus préservé et c'est vers là que se porteront nos projets de visite.
Dans le port, un des bateaux au mouillage est un Sud Africain  déjà rencontré à Fortaleza. L'équipage, un couple de vieux de notre âge, nous fait l'éloge de Tobago, en nous racontant qu'ils en ont fait le tour en bus et en taxi; que c'est très beau et aussi agréable qu'en bateau "avec le stress en moins". Ils nous permettront malgré tout de photocopier la carte de l'île à grande échelle et donc d'entreprendre une partie du tour de l'île que nous, nous souhaitons quand même faire en bateau.
Nous passerons une nuit sous la pointe sud, en compagnie d'une trentaine d'autres bateaux, bien abrités sous le vent de la côte et de barrières de coraux, face à quelques hôtels et à une plage manifestement bien exploitée.
Nous découvrirons ensuite la côte nord-ouest. Nous la découvrirons même à loisir: toute une journée au louvoyage contre un vent de nord-est assez fort, à environ deux noeuds sur la route. Mais la récompense nous viendra sous la forme de deux très jolis mouillages. 
Le premier: Englishman bay est une crique déserte, bordée d'un petite plage à cocotiers et surmontée d'une forêt très dense sur une pente abrupte et sans route. Nous y passerons une nuit très calme et très seuls.
Le deuxième est l'immense rade de Charlotteville, dans laquelle nous rencontrerons cette fois une quinzaine de bateaux, dans une eau très claire, avec rochers et poissons. Le petit bourg de Charlotteville est un village de pêcheurs, un peu orienté vers le tourisme local. Cela en fait un lieu de séjour "ethnique ", calme et agréable avec tout de même quelques ressources alimentaires et de loisirs.
Notre séjour à Tobago sera assez court, car nous avons toujours en ligne de mire notre rendez vous avec Richard le 27 juillet à Caracas. Nous avons eu aussi, à la BLU, des nouvelles de Francis et Anne-Marie que nous avions quittés à Sao Nicolao au Cap Vert. Après leur descente des petites Antilles, ils sont actuellement en panne de moteur à Trinidad. Nous aimerions les revoir un peu avant de continuer vers le Venezuela. Quelques dommages dans le Génois réclament aussi une escale technique;et comme Trinidad est réputé être le paradis des voiliers pour tout ce qui est technique et approvisionnement, Gérard aimerait en profiter pour voir ce que l'on peut faire avec le frigo. "Nous serons sept à bord dans quelques semaines.... Ce serait bien que ce machin fonctionne".

Trinidad

Un endroit où la navigation gagne, malgré tout, à rester vigilante

Nous partirons le soir du 5 juillet, de Charlotteville pour Chaguaramas. Une traversée sans histoire, d'une nuit, au moteur et sans vent.
Enfin si! On trouvera quand même une histoire:
C'est le matin. Il doit être dans les 7 heures et le jour est complètement levé. Toujours sans vent, la mer est tout à fait plate. Anyvonne prépare le petit déjeuner. 
Gérard est de quart et règle depuis une ou deux heures la route du bateau selon le profil de la côte qui est maintenant toute proche. Il règle la route du bateau depuis le cockpit et il lit aussi un polar qu'il semble trouver passionnant. La fin d'un chapitre se présente opportunément pour lui permettre de relever la tête et de suivre la route du bateau.
Et là, HORREUR!!!!
Une falaise d'au moins 50 mètres de haut s'élève à environ deux cents mètres droit devant. Et sous la conduite du pilote automatique, Getaway s'y précipite à 5 noeuds. Dans une volée de jurons bien sonores, (sans doute pour masquer sa culpabilité et sa honte), le capitaine se précipite sur la barre et remet le bateau sur le cap d'un avenir plus serein.
La fin du chapitre moins de trois minutes plus tard, et le voyage s'arrêtait là.  Au pied d'une falaise accore et sans danger particulier...
Quand je pense à toutes ces pages que nous avons lues sur les manières d'aborder un atterrissage sur une côte dangereuse, par mauvaise visibilité et avec des difficultés de localisation. Ici, nous savons parfaitement où nous sommes, il n'y a pas de dangers et la visibilité nous permettrait de voir sans jumelles un animal à longues oreilles brouter l'herbe sur la côte. Mais voila, nulle part dans toutes ces pages on ne met en garde contre les polars trop passionnants.
Si nous en avions réchappé, je nous vois bien expliquer la perte totale du bateau aux assureurs.
C'est vrai que l'on s'est tous fait peur bien des fois en voiture. Mais en bateau, ce genre d'incident laisse des souvenirs aux couleurs plus intenses.

Port of Spain

Capitale de Trinidad...
Malgré autant d'adversité, nous arriverons tout de même à Chaguaramas vers 11 heures, accueillis au ponton des douanes par Francis et Anne-Marie avec qui nous étions en contact VHF. 
Les formalités d'arrivée nous prendrons une petite demi-heure avant de nous laisser déguster le pastis des retrouvailles et de nous raconter mutuellement toutes ces émotions que, pour ce qui nous concerne, vous connaissez déjà.
Assez proche de Port of Spain qui est la capitale de l'île, Chaguaramas est une sorte de marina - mouillage où l'on ne trouve que des activités orientées vers le bateau ainsi qu'un petit super marché plutôt luxueux et assez cher. 
Un service de minibus assez fréquents permet de rejoindre le centre de Port of Spain et c'est là que l'on fait son marché. C'est un marché plutôt bien achalandé, mais il est situé très à l'écart du centre ville, au milieu de rien et accessible par une marche d'une bonne demi heure, le long de ce qui pourrait être une sorte de route à quatre voies. Il nous faudra demander notre chemin  quatre fois pour le trouver.
L'atmosphère de Port of Spain est plutôt bon enfant. Les gens n'y semblent pas trop pressé et on y trouve un commerce assez actif de petites choses, de quincaillerie et de tissus. Gérard y suivra patiemment Anyvonne qui est toujours à la recherche de nourriture pour sa machine à coudre....
On y achètera aussi une faucille qui sera détournée de sa destination, solidement fixée au bout d'un manche à balais, graissée et stockée dans les fonds. prochain L'engin servira à couper le prochain orin de casier ou de filet qui se prendrait dans les safrans. Le conseil nous vient de Jean Michel, rencontré en Guyane sur Pégase, qui le tenait lui même des gardes côtes anglais. Ces derniers sont équipés de cet engin pour patrouiller dans la Manche et libérer les bateaux piégés par les orins de casier dans le clapot. Peut être un moyen, pour nous, d'éviter de plonger dans le clapot et de reproduire les émotions vécues lors de l'approche de Fortaleza. (Cf gazette N° 9  BRESIL II)
Dans le centre ville, la sécurité semble assurée. De jour en tous cas. Pourtant, l'organisation des buvettes et des bars, soigneusement barricadés derrière des barreaux impressionnants et accessibles seulement par un guichet tout petit font penser que tout, dans ce pays, n'est peut être pas fait pour les timides.
La population est surtout constituée d'une majorité de noirs et d'une très forte minorité d'indiens ( des indiens des Indes...). Quelques blancs complètent très minoritairement l'ensemble. Nous lirons sur des quotidiens locaux des échos qui  témoignent de la croissance d'une lutte, au moins politique, entre les deux principaux groupes ethniques.
et de la maintenance des bateaux...
Chaguaramas est un endroit très industrieux. Pour le tourisme nautique, c'est plutôt Tobago. Ici on  vient pour travailler sur son bateau et/ou pour le mettre au sec. Hors de portée des cyclones, des terres pleins couverts d'une forêt de mâts constituent l'horizon du mouillage. Beaucoup de gens laissent leur bateau ici durant un voyage d'été en Europe. 
C'est un mouillage au confort moyen. Courants tournants et vents capricieux y rendent les voisinages plutôt délicats. Nous nous y reprendrons à 3 fois avant de trouver l'endroit convenable pour mouiller notre ancre, parmi les autres bateaux. Et surtout, il y fait chaud et il y pleut beaucoup.
L'essentiel du commerce et des activités orientés vers les voiliers est dirigé par des Blancs et des Indiens. Cette économie assez florissante fait des envieux dans la population locale. On commence à entendre parler de permis d'activité qui ne seraient pas renouvelés à des étrangers blancs installés ici.. Espérons qu'ils sauront préserver le niveau de compétence et d'esprit d'entreprise qui vaut sa réputation à cet endroit.
Nous passerons ici deux semaines plutôt laborieuses. Démontage complet du frigo avec changement d'évaporateur, essais de compresseur. Enfin, on repartira avec un frigo qui paraît marcher, mais que l'on nous conseille de changer à la première occasion.
On repartira aussi avec le génois non réparé. Deux jours avant notre départ programmé le voilier à qui nous l'avions confié et  qui devait nous le réparer dans la semaine, n'a pas encore commencé le travail. On le remontera donc en l'état.
C'est le paradis de la maintenance des voiliers, mais c'est seulement un paradis terrestre. Et tropical.

Le Venezuela

Cap sur les vacances de nos enfants et les côtes Venezueliennes.

Que de bateaux, que de bateaux.
Sur notre route vers Caracas, nous prévoyons d'entrer officiellement au Venezuela à Puerto La Cruz. De là, nous comptons aller chercher Richard en bus, à Caracas. Cela nous permettra de reconnaître un peu le pays et ses moyens de transport, avant que le gros de notre troupe d'enfants n'arrive.
De Chaguaramas à Puerto La Cruz, nous ferons deux escales d'une nuit. Une aux Testigos, petit archipel réputé sauvage et seulement peuplé par un petit groupe de familles de pêcheurs; et une autre à Margarita , grande île réputée pour être la perle du tourisme Venezuelien. Chaque fois, nous trouverons énormément de bateaux au mouillage (une cinquantaine aux Testigos et plus d'une centaine dans la baie de Porlamar à Margarita) et chaque fois l'envie de fuir nous prendra très vite. Ce n'est plus en groupe de bateaux que nous voyageons, c'est en caravane. Gérard a l'impression que sa présence ici ne fait qu'ajouter à la nuisance.
Nous arriverons finalement le 24 juillet à la tombée du jour sur les îles Chimana qui sont situées à 4 milles au large de Puerto La Cruz,. Peut être trouverons nous ici un peu de calme avant d'affronter la multitude probable du mouillage devant la ville.?
Mais quelques zones désertes, ou les bons côtés de l'insécurité.
Et là, surprise.!!!.Au sud de Chimana Segunda, nous découvrons une minuscule crique de rêve pour nous tout seuls. Elle s'appelle El Faro et effectivement un phare la surplombe. Une petite plage plantée de quelques parasols en palmes et dotée d'un bar-restaurant à terrasse. Un jeune homme seul, nettoie et range le bar. Nous débarquons pour le saluer et il nous assure qu'ici, la sécurité est totale. (Côté sécurité, nous sommes encore très paranos, suite aux avertissements et conseils qu'on nous a prodigués). 
Anyvonne exerce enfin son espagnol, bafouille un peu, ne trouve pas ses mots. C'est clair, les phrases de l'assimil ne sont pas casables telles que.
Le lendemain nous rejoignons Puerto La Cruz, pour faire notre entrée officielle dans le pays.
Puerto la Cruz est une grande ville touristique et après ce que nous avons vu jusqu'ici, nous nous préparons à affronter un mouillage surpeuplé et dangereux ainsi qu'une marina bondée.
Surprise, la marina est quasiment vide et au mouillage devant la plage on compte au plus 5 voiliers. 
Qu'est ce que cela signifie?
Nous comprendrons, quelques temps plus tard, que la plupart des voiliers, dont beaucoup de français, viennent ici pour passer la saison des cyclones. Ils ne vont sur la côte que pour travailler sur le bateau dans un chantier et/ou pour faire leurs provisions. Dans ce dernier cas Margarita, qui est plus ou moins une zone hors taxe, a la préférence. L'essentiel du temps, ils restent dans les îles "off shore": Tortuga, La Blanquilla, Les Roques, Les Aves et les Testigos. Les conversations sur le réseau BLU situent massivement les bateaux dans ces lieux et aussi à Trinidad. Très peu sont sur les sites de mouillage de la côte.
L'explication nous parait se trouver dans les questions de sécurité. Celle-ci est réputée meilleure, voire totale, dans les îles et extrêmement précaire dans les mouillages côtiers. Nous profiterons ainsi entre Margarita et Cap Codera de conditions de mouillage très séduisantes sur une côte magnifique où les abris sont excellents et très nombreux. Nos incursions dans les îles nous confronteront chaque fois  à une densité importante de bateaux. Ce n'est pas la foule de Houat le dimanche de Pâques, mais c'est très loin de l'idée que l'on se fait des mouillages sauvages.
 Il n'en reste pas moins que le littoral Venezuelien forme un bassin de croisière extraordinaire. Nous nous y promènerons trois mois d'affilée, guidés par l'envie de découvrir, et les arrivées et départs de nos nombreux enfants.
Quelques sites privilégiés produiront nos meilleurs souvenirs de croisière. 

L'anse d'El Faro sur l'île de Chimana Segunda

Nous y reviendrons de nombreuses fois. 
Chimana Segunda est une île du domaine côtier, située à 4 milles au large de Puerto La Cruz. Elle ne possède qu'un seul abri: l'anse d'El Faro, qui est totalement inhabitée. La seule construction est un bar restaurant, construit en bois sur la plage d'El Faro, qui n'est ouvert que le jour.
Le matin, les touristes arrivent ici pour passer la journée sur la plage. Il viennent surtout de Puerto la Cruz et traversent en "Pineiro" (barques utilisées par les pêcheurs locaux) ou en "Lanchas " (Sorte de petites vedettes très prisées des bourgeois d'ici et propulsées par des moteurs hors bord énormes. Fréquemment deux fois 250CV). C'est une  sortie « plage » très prisée des Venenezueliens aisés.
Le soir tout le monde repart et l'endroit reste désert jusqu'à 10-11 heures le lendemain . 
Pour savourer El Faro, il faut donc y arriver vers 17 heures.  Le mouillage vous appartient. A vous seul.
Vous débarquez boire une bière au bar avec Fernando. C'est le jeune homme que nous y avons rencontré la première fois. Il a 22 ans et travaille ici, nuit et jour depuis 4 ans.
Une vie animale très intéressante...
Il vous présente alors ses compagnons de solitude. Des iguanes qui pour l'heure sont perchés dans les arbres. Et puis aussi: après un bon moment de recherche en l'air, sur les poutres du bar, sous les tables. Il vous appelle et vous montre une composition de pierres, de sable, de branches  et d'un crâne de chèvre gratté, qui est constituée sur le coin du bar. On s'approche et on tombe nez à nez avec un jeune boa. Droit dans les yeux. Recul instinctif. La bête elle ne cille pas!!!!
Si vous montrez de l'intérêt pour la faune locale, il vous invitera à revenir le lendemain matin, vers 9 heures, pour assister au repas des iguanes. Nous le ferons régulièrement et à mesure que nous le connaîtrons mieux, il deviendra plus loquace et nous apprendra  plein de choses sur les bêtes qui peuplent son île. 
A chaque fois le spectacle varie. 
Le plus souvent, les iguanes arrivent jusqu'à vos pieds, pour leur repas de morceaux de choux et de rondelles de bananes. D'autres fois, il a plu suffisamment pour que les bêtes aient assez de verdure sauvage pour se nourrir et alors on ne les voit pas, ou alors juste les plus familiers.
Ces jours là, on peut en revanche quelquefois assister au repas d'un jeune boa. On le distingue, semblant dormir, le long de l'extrémité d'une petite branche, de même couleur que sa robe. Fernando qui l'a découvert, prévient qu'en fait il est en train de chasser à l'affût. Et effectivement, quelques minutes plus tard on le voit se détendre et attraper, du bout des dents, un petit passereau qui volait à 30 ou 40 cm de sa tête. Il dépose calmement l'oiseau qui se débat, au sein d'une boucle qu'il vient de faire avec son corps et il commence à serrer (c'est un boa constricteur...). Rapidement l'oiseau s'immobilise et meurt étouffé. Le serpent l'ingurgite alors tout entier et se remet en position d'affût/digestion. Il en mange ainsi 3 ou 4 par jour.
Le plus gros boa de l'île mesure 4 mètres et vient régulièrement près du restaurant attraper un rat ou un iguane. Celui là, nous ne l'avons pas encore vu.
Il semblerait que nous ne courions aucun danger car nous sommes trop gros pour eux. Fernando m'a expliqué que : "C'est comme avec les femmes, il faut être doux et caressant avec eux; ils ont horreur de l'agressivité et de la brusquerie. Sinon ils vous mordent. Leur morsure n'est d'ailleurs pas dangereuse, sauf s'ils sont malades...
Et une vie religieuse plutôt joyeuse.
C'est à El Faro que nous assistons le 8 Septembre à la fiesta de la "Virgen del Valle", protectrice des pêcheurs et des bateaux.
Le matin, nous voyons apparaître, quittant la côte, un imposant cortège de bateaux (Dont une énorme vedette et un bateau pompe en action.). Chaque bateau semble prêt à couler sous le poids de la grappe humaine qu'il a embarquée. Avec force musique et coups de trompe, ils se dirigent droit sur notre petite crique, déjà bien remplie avec 3 voiliers, quelques vedettes et plein de pineiros. A une centaine de mètres de l'entrée, le cortège vire à 90 degrés et disparaît. Ouf!!! On a eu peur.
Renseignements pris, il sont seulement passés prendre la vierge d'El Faro, qui les a rejoints pour la bénédiction. Quasiment tous les campements et villages de pêcheurs abritent une statuette de la "Virgen"  dans une petite niche, sur le rivage, face à la mer. Le jour de la fête, toutes les vierges sont placées dans un "Pineiro" décoré de fleurs, lumières et guirlandes pour aller se faire bénir par l'évêque de Puerto la Cruz.
Sur le trajet retour,  la procession doit s'arrêter à Chimana Grande pour s'abreuver une première fois, et revenir  ici, à El Faro  pour s'abreuver encore vers les 11 heures.  Avec une précision toute vénézuélienne, les "Virgens" et leurs accompagnateurs arriveront vers 14 heures 30... D'une vingtaine de pineiros décorés et colorés, on débarque 7 vierges  sur leur socle, et on les aligne sur une table devant le bar, sagement  tournées vers la mer. Les agapes peuvent alors commencer. Au vu de leur air allumé, pour beaucoup, continuer serait plus juste. Le bar arrose gratuitement tous les présents,  en bière et en "guarapito" (une sorte de punch local avec pas mal de jus de fruit.). La crique est maintenant pleine de bateau qui vont, qui viennent. Le niveau sonore est à son maximum. L'ambiance est chaude.
Vers 16 heures, la "Virgen" d'El Faro est remise dans sa niche. Ses consoeurs reprennent chacune leur Pineiro et repartent vers leurs villages respectifs (mais sans fiesta supplémentaire nous rassure Fernando). C'est le seul jour de l'année où le restaurant d'El Faro est fermé ( comprendre: le personnel du bar est là, mais il a le droit de boire autant que les clients).
C'est l'occasion pour nous, bretons, de rassembler nos souvenirs de fêtes et de pardons dans les années 50 -60. L'ambiance y était nettement moins festive et jubilatoire. L'air était plus saturé de componction. Mais comme le rappelle Gérard, les buvettes étaient nombreuses et ne désemplissaient pas non plus.
Nous ferons à cette occasion la connaissance de Pedro, un jeune venezuelien de Mérida. C'est une ville située loin à l'intérieur et très haut dans les Andes. Il est en vacances sur la côte pour la première fois et a atterri ici par hasard. Il est aussi étonné que nous de l'ambiance de cette fête religieuse. Chez lui, dans la montagne, la religion implique beaucoup plus de retenue et les fêtes religieuses sont moins joyeuses. Ce qui l'étonne le plus est la présence au sein des "Virgens", d'une vierge noire. Il l'a prise en photo pour la montrer à son grand père qui, selon lui, n'en reviendra pas.
Une fois tout le monde parti, nous dînerons à bord avec Fernando et Pedro. Poulet BBQ, Caïpirinha et roulis accentué achèveront Pedro, peu habitué à l'alcool. Son lendemain sera difficile.

Un paradis sur terre : Los Roques

C'est comme ça, le paradis?

Ces îles sont situées à 90 milles nautiques de Caracas et à 150 de Puerto la Cruz.
Ce sont des îles coralliennes où il est nécessaire de naviguer avec le soleil haut derrière le dos. Il convient donc de ne pas y arriver de nuit, ni même tard dans la journée. On y accède généralement après une nuit de navigation depuis Caracas. C'est ce que nous ferons, avec le bateau chargé d'un équipage nombreux et fraîchement débarqué de l'avion. Traversée ventée, rapide et sans histoire pour une entrée dans le lagon au petit matin. Juste à l'arrivée et pour la première fois pour tous, la découverte d'un lagon turquoise sous un soleil montant. Le souffle coupé ils disent.

L'annexe du paradis, pour les oiseaux...
Prenons le guide Arthaud sur le Venezuela qui le qualifie mieux que nous: "Oasis marine, Plages de sables blanc, Récifs coralliens, Lagons bleus, verts, turquoise..."
Classées Parc National, ces îles merveilleuses sont très protégées. Certaines sont mêmes interdites. C'est un parc payant aussi: 150 francs par personne plus 250 pour le bateau. Cela  donne le droit d'y séjourner quinze jours. Autant dire que les formalités d'entrée sont difficiles à éviter: l'administration veille. Les administrations, en fait; car ce ne sont pas moins de cinq organismes que le skipper doit visiter en arrivant. Ca lui prendra pas loin d'une demi journée.
Mais ensuite, vous avez droit au farniente; au snorkelling, au spectacle des centaines de pélicans gris qui pêchent. Ce sont de curieux oiseaux, qui volent en formation au raz de l'eau, tels des escadrilles de bombardiers. Et puis soudain, comme en un suicide collectif, ils plongent comme des pierres. Et cela toute la journée. On suppose qu'à chaque fois ce doit être pour du très petit poisson ou bien alors qu'ils ratent souvent leur proie. Ils ont un air de cocker qui attendrit tout le monde.... 
Les oiseaux ici sont un spectacle permanent. Vous aurez compris qu'ils remplacent avantageusement la télé.
Les mouettes à tête noire ont le ventre vert. Vert de la couleur du lagon que reflètent leurs plumes blanches. Les frégates, majestueuses, snobent tout ce petit monde très haut dans le  ciel en de longs vols planés....(Il parait qu'elles ne se posent jamais. Même pour dormir.)
Dans l'île de Bequevé, nous avons pu assister en août à la couvée des "booby gammets". Les mères pondent quelques oeufs, à même le sol dans l'herbe rase, si possible dans une petite dépression qui fait office de nid. L'île est ainsi couverte des dos noirs des mères couveuses. Ne pas trop les approcher car elles deviennent très nerveuses et agressives.Ce sont des oiseaux de la même famille que les fous de bassan, qui eux même sont des pélicaniformes (comme les frégates d'ailleurs). Fin novembre, nous y sommes retournés pour découvrir une foule de jeunes, autour des traces des nids de couvaison. Les mères beaucoup moins attentives et présentes qu'en août nous laissent nous promener au milieu d'une foule de jeunes tout blancs et duveteux, hauts de 20cm. Un peu effrayés, ils s'acharnent à essayer de voler. Sans succès. Ils se réfugient alors sur des pierres de 30 cm de haut et de là, ils tentent de nous effrayer en battant des ailes. Séquence attendrissement.
Et aussi pour les poissons et les voiliers
Sous l'eau aussi, le spectacle est permanent. Le snorkelling sur les massifs de coraux laisse voir une quantité impressionnante de poissons multicolores. De toutes les tailles. Et puis quelquefois, rodant autour de vous à distance respectueuse, la silhouette d'un grand barracuda qui semble vous observer. Frisson. Richard, le plus assidu de nous tous, passera là des heures entières; jusqu'à régulièrement nous inquiéter sur son sort.

Chacun vit ainsi ses passions

Laurent, c'est la barre. Il barre tout le temps. Au soleil. A l'ombre. Avec vent. Sans vent. A toutes les allures. Il concurrence sérieusement le pilote électronique et nous économise beaucoup d'électricité. Mais il lui faut la voile. Au moteur, il refuse. C'est comme un  régulateur d'allure finalement.

Le paradis, pour tout le monde, à sa façon...
Jean Michel, c'est les croquis. Il croque sans arrêt et dans  toutes les positions. Il croque tout ce qui bouge et tout ce qui ne bouge pas. Oiseaux, paysages, poulies, lampes, etc. Après il se baigne et le reste du temps, il jongle. Dommage qu'il n'y ait pas eu la place, il nous aurait aussi dansé le Tango.
Quant à François, il ne barre que quand il fait du vent. Mais il fait toutes les manoeuvres et ca repose bien le skipper. Et puis il fait aussi toutes les tartes aux poireaux. Délicieux (cf. La cambuse. Ndlr). A part ça, il dévalise la bibliothèque du bord et lit un bouquin par jour.

Mais comme partout, l'enfer c'est les autres...

Pour nous tous, les Roques resteront un souvenir de longues plages de sable blanc, de dunes léchées et d'eaux cristallines pour nous tous seuls. Enfin presque pour nous seuls.... Un matin Richard est seul au bout d'une langue de sable déserte non loin de laquelle est mouillé le bateau. Il vient de terminer ses exercices de "Vo" et il se repose en méditant, face à la mer. Il ne voit pas arriver derrière lui, de l'autre côté de la langue de sable, un gros catamaran surchargé de promeneurs en quête de plage. Il est enfin alerté par un homme d'équipage qui vient poser une ancre à terre, juste à ses pieds. Surpris, il se lève d'un bond et se retourne pour se trouver face à une meute d'une cinquantaine de personnes en train de prendre possession de son domaine. Séquence écoeurement. Et fou rire général sur le bateau.
Heureusement, ces groupes ne s'attardent que quelques heures, et la journée s'avançant, la plage redeviendra notre domaine particulier....

Et le paradis des hommes n'est pas de ce monde
Le Venezuela est aussi le pays qui a la plus forte densité de Miss monde, de Miss univers etc.. du globe. 
Nos hommes espèrent donc légitimement croiser quelques silhouettes de rêve, à chaque afflux de touristes. Et chacun d'observer les groupes de passage, en espérant avoir le choc de sa vie. En fait, ils seront déçus. Il semblerait même que ce ne soit pas mieux qu'en France. Moins bien diront certains. Heureusement, ils sont largement consolés par la présence à bord de Marine et Nadia; qui, elles,  provoqueront régulièrement des « bonjours » charmeurs dans les rues. Comme les appellera Gérard pendant un mois: "nos créatures de rêve à nous qu'on en a...."

Les Roques seront aussi, pour nous, une école de logistique

Notre premier séjour aux Roques s'est déroulé avec l'équipage maximum. Nous étions sept à bord! Le ravitaillement et les repas ont donc souvent été à l'ordre du jour. Avant de partir, on nous avait dit que nous ne trouverions rien aux Roques. On avait donc avitaillé en remplissant 7 caddies au supermarché de Caraballeda, près de Caracas. Le rangement de tout cela dans le bateau reste un moment d'histoire. En fait on trouvera sur Gran Roque, l'île principale, deux épiceries qui nous permettront de renouveler nos stocks. Heureusement, car au bout de 6 à 7 jours, les vivres frais vinrent à manquer.... Face à la pénurie et pour éviter d'être dévoré, David (12ans), le jeune mousse de l'équipage a dû mettre son imagination à l'épreuve. Alors que tout le monde cherchait comment survivre en utilisant nos conserves, David suggère très sérieusement de faire un poulet...
- Un poulet? Comment ça?
- Ben, un poulet NORMAL quoi...
- Un poulet normal? Mais comment ça?
- Ben oui, cuit au four... Avec des Frites. Et après, on pourrait faire une tarte aux abricots...
C'est ainsi que le poulet "normal" restera l'expression favorite du bord pour parler de pénurie de viande....

Et l'occasion de quelques rencontres

La plus sympa sera celle d'un toubib autrichien, en croisière pour trois mois avec sa famille sur le voilier d'un ami. Elle se produira à l'occasion d'une panne d'alimentation de gas oil pour laquelle il viendra demander de l'aide, en pensant que son démarreur était en panne. Ca permettra à Gérard de briller (de sueur et de gas oil.) Il lui réparera son moteur en lui abandonnant la pompe du moteur hors bord de notre propre annexe, lequel de toutes façon ne marchait plus depuis deux jours. 
Echange de bons procédés, une semaine plus tard c'est lui qui, avec force piqûres, dépannera Nadia en état de "tourista" gravissime, sans doute à cause de l'eau locale.
Nous ne verrons ni sa femme, ni ses deux filles. Elles ne parlaient qu'autrichien et ne voulaient pas quitter leur bord. En revanche, lui parlait un excellent anglais et nous avons passé avec lui un apéritif très joyeux. (Pardon à Nadia qui souffrait au fond de sa couchette et ne buvait que le Coca Cola chaud que lui avait prescrit le médecin).

LENNIE, de passage dans le coin, nous saluera de loin.

C'est aux Roques que nous assisterons au passage de l'ouragan Lennie. C'est un ouragan peu classique, car né très tard dans la saison, autour du 15 novembre, dans la mer des Caraïbes au sud de la Jamaïque et surtout se déplaçant plein Est. Manifestement tout le monde dans la région, et nous avec, retenait son souffle en s'attendant tous les jours à le voir faire résolument du nord. Mais non, il a persévéré Est Sud Est jusqu'à quelques centaines de milles à l'Ouest de la Martinique. Ce n'est qu'alors qu'il a commencé à faire vraiment du nord.
Enfin pour nous, tant qu'il ne faisait pas trop de Sud, c'était acceptable. Tous les bateaux présents aux Roques s'étaient repliés sur le mouillage de Francisqui. Bien protégés, dans un mouillage bien connu. mais nombreux!!! Au moins trente bateaux. Le skipper de Getaway a préféré essayer d'être original et a finalement élu le sud d'Agustin pour attendre le passage de la tempête. Le choix s'est révélé judicieux. Nous avons compensé la profondeur du mouillage (12 mètres) en étalant toute la chaîne et nous avons attendu, bien à l'abri. Et seuls en plus!!! En fait la nuit où Lennie est passé, à environ 200 milles à notre Nord, nous étions deux bateaux sous Agustin. Et tout s'est bien passé pour nous. Avec tout de même des vents d'environ 40 noeuds et l'instauration de quarts de surveillance du mouillage pour pouvoir dormir à l'aise. Enfin à cette période, nous n'avons pas manqué d'électricité.
Le lendemain Lennie était sur Saint Martin. Il y restera, quasi stationnaire pendant 48 heures. Sur le réseau BLU, on parlait d'une centaine de bateaux coulés ou à terre à St Martin. 
La houle levée par Lennie, a ensuite ravagé les côtes sous le vent, mal préparées à ce type de mer,  dans toutes les  Antilles jusqu'aux rivages du Venezuela.
Quelques bateaux se seront perdus en mer et nous avons suivi avec émotion les messages de sécurité émis sur le Navtex, à l'occasion de la recherche des bateaux en détresse. 
Pour notre part, nous aurons eu beaucoup de chance d'être aux Roques. La barrière de corail nous a bien protégés de la houle et le seul vrai inconvénient aura été que durant ce séjour, l'eau était assez opaque et le snorkelling plutôt inconfortable et sans grand intérêt.
L'ouragan passé, nous repartirons vers la côte Vénézuélienne où nous constaterons quelques dégâts occasionnés par la houle de Lennie. Entre autres, le ponton d'accostage de la plage d'El Faro qui a été arraché et coulé. Nous y avons rencontré Kike, qui était revenu de Punta Cangrejo pour le reconstruire. 
Nous avons finalement l'intention de passer au Venezuela les fêtes de fin d'année. Pour Noël, nous irons probablement faire un tour à Mérida dans les Andes, tâter un peu de la montagne. Pour le 1er de l'an, nous pensons faire la fête à Punta Cangrejo, dans le golfe de Cariaco. Cet endroit a été le lieu de plusieurs séjours, avec tous les enfants. C'est un endroit magique, ou l'accueil est chaleureux et musical. Mais nous vous raconterons tout cela et le reste dans le prochain numéro.

Joyeuses  fêtes et Bonne Année...

Notre devise pour l'an 2000 sera: 

"L'aventure est un moment; non un endroit"
John Irving. L'épopée du buveur d'eau.