Chroniques
Galapagosiennes
Contre temps et altérations: ainsi
vont la musique et la vie des marins...
Après notre tentative avortée vers l'île
de Pâques, nous nous sommes installés à Isabella un
petit mois, dans l'attente des moyens de réparer l'étai de
Getaway. Le début fut idyllique, nous étions seuls dans la
baie de Puerto Villamil, avec juste deux fois par semaine un peu d'animation
pendant les arrivées et les départs de la petite navette
Isabela - Santa Cruz. Partout autour, seuls les fous et les otaries.
Majestueuse visite
Un
soir apparaît une superbe goélette à phares carrés
(je crois que c'était une brigantine) qui arrive au mouillage
à la voile. Et pas au chiqué: on voit bien les gabiers
là haut, sur les vergues, à amener les voiles... Au matin
nous nous approchons pour en faire le tour en annexe et nous trouvons
invités à monter à bord pour une visite.
C'est un superbe bâtiment en bois, d'origine scandinave
et battant pavillon anglais.
Mené par un équipage anglais d'une dizaine
de personnes, il embarque dans une croisière autour du monde une
trentaine de passagers. Aucun ne fait le tour complet, mais le bateau en
embarque et débarque à chaque étape. En général
pas "tout jeunes" les passagers. Souvent anglais ou canadiens.
Le capitaine nous fait visiter son bâtiment et
nous montre fièrement le GPS obligatoire, encapuchonné
à demeure, pour laisser le plaisir d'une navigation à l'ancienne,
aidée du seul sextant et du soleil. Superbes vernis refaits en permanence
par le charpentier du bord; antique et énorme moteur choyé
par le mécanicien et que côtoie, dans la salle des machines,
un désalinisateur de belle taille...
Leur prochaine étape se trouve être l'île
de Pâques. Nostalgie nostalgie...
Un tel bateau requiert 3 mois par an de maintenance à
terre. Ils prévoient de caréner dans le radoub de Papeete.
Peut être les reverrons nous à cette occasion.
Le rush sur l'autoroute.
Subitement la population de la baie de Puerto Villamil s'est
mise a croître exponentiellement. Cela a commencé un jour
avec l'apparition quasi simultanée de trois bateaux scandinaves
arrivant de Panama et voguant vers les Marquises. Depuis, le flot n'a plus
cessé. Très vite quinze à vingt bateaux occupent la
rade. Beaucoup d'américains et de canadiens mais aussi quelques
européens, Allemands, Suisses et Français. Le trafic moyen
est de 5 à 6 arrivants par semaine et autant de partants. (Plus
tard, nous apprendrons par la radio, qu'en mai il y avait plus de cinquante
bateaux à l'ancre à Puerto Villamil...
La caractéristique commune de tous ces voyageurs
c'est leur destination: Les Marquises. Nous n'en rencontrerons
aucun qui nous ait fait une autre réponse. Par exemple: les
Gambier...
Vivement que nous soyons du nombre des partants
et que nous mettions le cap sur les Gambier...
La maintenance
de Getaway ou le mythe de Sisyphe...
Le temps passe et nos pièces finissent par arriver.
Ma'Ohi nous rapporte une pièce bricolée au tour par les mécaniciens
d'Esmeraldas et qui pourrait convenir. Mais comme nous avons réussi
à en commander une d'origine en France, nous préférons
l'attendre.
Elle
arrive peu après. Un peu en retard, à cause d'une grève
du tri postal entre Paimpol et St Brieuc: 3 semaines pour arriver à
St Brieuc; 5 jours pour faire Saint Brieuc - Puerto Villamil... Le monde
n'est plus si grand...
Juste avant le départ de Ma'Ohi pour les Marquises,
Patrick et Gérard ont pu tout remonter et remettre en ordre de marche.
Le capitaine est satisfait et serein... Enfin presque:
La réparation de l'étai vient juste d'être
terminée et il procède à une dernière inspection
du gréement, à quelques jours du départ. Horreur et
désespoir: Il découvre deux brins cassés à
la sortie du sertissage du câble qui forme le bas hauban
tribord. Panique... Va t on devoir encore commander un câble de rechange
et attendre un nouveau mois son arrivée ici? Va t on se lancer dans
cette longue traversée avec un bas hauban qui se prépare
à casser?
Finalement
on renforce le point fragile par un bout de câble et quatre serre-
câble puis, sachant que ce bas hauban devrait être sous
le vent pendant toute la traversée et ne serait donc pas très
sollicité, on décide qu'on partira dans cet état.
Un second sujet de préoccupation, moins grave,
hante les insomnies du capitaine. Il concerne les batteries
dont la capacité semble fondre à vue d'oeil. Au point qu'on
se demande si durant toutes ces nuits de navigation à venir, elles
pourront alimenter le pilote, les feux de route et le frigo. Sans compter
les jours sans soleil pour les panneaux solaires ....la consommation du désalinisateur
etc.... Au moins 150 Ampères heures à fournir chaque jour.
On se rassure en décidant de préserver
l'essentiel: On coupera le frigo toutes les nuits et on en fera quelquefois
autant avec les feux de route... Au pire, l'hydro générateur
devrait pouvoir alors assurer l'essentiel: le pilote et le GPS.
Heureusement, il
y a toujours des copains.
Pendant que Gérard entretient consciencieusement son
anxiété, nos amis François et Françoise sur
Altair, avec qui nous communiquons assez régulièrement par
E mail ont fini par avoir un calendrier qui se rapproche du notre. (Sommes
nous devenus si lents???).
A tel point que nous avons décidé de retarder
un peu notre départ et de les attendre, pour avoir une chance de
les revoir un jour.
Nous sommes restés pour cela une semaine de plus
à Isabela, mais ce fut un bien grand plaisir de les voir arriver...
D'autant
plus que nous avons joint l'utile à l'agréable et qu'ils
nous apportent de panama: du pétrole pour la lampe du carré
et de la crème fraîche pour les pâtes au thon... Autant
de denrées introuvables ici. Ils ont mis la surprise sur le gâteau
en nous apportant un excellent demi jambon sec, dont nous n'avions plus
le souvenir du goût depuis plus d'un an.. Nous en ferons grand
profit durant la traversée qui se révélera peu
poissonneuse.
Durant ces retrouvailles, insidieusement, une idée
s'est glissée dans les têtes de l'équipage de Getaway:
Et si Altair quittait l'autoroute « Panama-Marquises » et
prenait avec nous le chemin des Gambier?
Quelques apéritifs plus tard, le fait est acquis:
Nous traverserons ensemble vers les Gambier!!!!
Une
traversée, somme toute, assez ordinaire
Des milles et des jours...
C'est le jeudi 29 mars à 13.00 locales que
nous quittons les Galápagos et Isabela.
Nous dirons que nous avons mis en route à 19.00
TU (Temps Universel ou heure de Greenwich).
Il faudra nous habituer a causer régulièrement
en TU pour tout ce qui touche a la navigation et aux communications, car
en avançant vers l'Ouest, il faudra retrancher une heure à
l'heure locale tous les 15° de longitude. Et c'est très embrouillant
pour tracer sa navigation et se rappeler les horaires internationaux (Météo,
vacations radio, etc....)
On admettra donc qu'à 19.00 on finit juste de
déjeuner et qu'il fait grand jour...
N'essayons pas de comprendre... Acceptons le fait...
Tous les jours à 19.00 TU donc, nous ferons le
point et le décompte des milles parcourus en 24 heures.
Tant qu'on a fait au moins 100 milles, on est content.
A 140, c'est le délire... Sous les 100 milles, on commence à
râler.
(Nous entendrons régulièrement, à
la BLU, un catamaran qui traverse à une semaine derrière
nous. Lui parle en permanence de plus de 180 milles par jour. On ne joue
pas dans la même cour...)
Les 5 premiers jours, sans beaucoup de vent, entre voile
et moteur, on sera plutôt limite. 80 à 90 milles par jour.
Les onze jours suivants, le vent d'Est s'est établi. On joue avec
les ris et on atteint les 120 à 140 milles par jour. On commence
à rêver: les femmes se jettent sur leur calculette et leur
almanach pour prévoir la date d'arrivée. Les hommes, plus
réalistes, refusent tout pronostic.
Ils auront malheureusement raison, car après 18
jours de traversée, le vent devient capricieux et la moyenne retombe
à 80 milles. Le moral baisse: Le cheval sentait l'écurie
et voilà qu'on lui retire le foin... (Et on entend toujours notre
cata derrière qui fait régulièrement ses 180 à
200 milles...)
L'espoir remonte pendant deux jours, quand on atteint
à nouveau les 120 milles. Mais le dimanche 22 Avril on se traîne
à 58 milles... Horreur... Ce calme sera suivi d'un coup de vent qui
nous a fait expérimenter notre troisième ris
pour la première fois. Après une nuit de chahut à
bonne vitesse dans la mer qui s'est creusée, le lundi 23, nous sommes
enfin à 60 milles de l'arrivée. C'est comme si c'était
fait...
A deux,
c'est encore mieux!
C'est une
grande première dans notre expérience hauturière:
Traverser en naviguant de conserve avec un autre bateau . Donc en compagnie
d'un autre équipage.
Deux raisons à cela: D'abord le plaisir de la
compagnie de F y F. Nous ne les avons pas vus si souvent depuis deux ans
et les moments passés ensemble restent des souvenirs forts!
Ensuite, pour des raisons de sécurité:
Les inquiétudes du capitaine au sujet de son gréement et
donc de la solidité de son mat le portaient à trouver rassurante
une présence humaine dans les parages de Getaway.
La décision a donc été prise de
"tenter" de naviguer ensemble. Altaïr ne possédant pas
de BLU, nous devrons naviguer en conservant la liaison VHF. Vu la portée
de cet engin, cela veut quasiment dire naviguer en vue l'un de l'autre
et savoir que si on perd une fois la liaison, on n'a quasiment aucune chance
de la rétablir...Mais cela marchera très bien.
Les dix premiers jours au moteur puis au bon plein par
petit vent, Altaïr va largement plus vite que Getaway. Nous le rattrapons
tous les jours, en utilisant une ou deux heures de moteur pour accélérer
et faire de l'eau douce sans dommages pour les batteries.
- Toute notre traversée se fera avec un oeil sur
le gréement et l'autre sur les batteries... D'ailleurs le capitaine
louche un peu depuis...-
Altaïr
jouera l'accompagnateur pendant cette partie. Jusqu'à ce que son
moteur le lâche tout à fait et que le vent se renforce en
s'établissant de secteur Est. Au grand largue avec un ou deux ris,
notre dériveur reprend l'avantage et c'est maintenant Getaway le
bateau accompagnateur. Un autre équilibre de poursuite s'installe
alors: Altaïr rattrape sous Spi dans la journée, le terrain
qu'il perd la nuit sous génois. Nous irons ainsi jusqu'au bout,
avec la perspective rassurante de pouvoir remorquer Altaïr pour rentrer
aux Gambier, si nécessaire.
Où nous découvrons l'ambiance d'une traversée
en compagnie.
Le côté "enfermement" du couple sur son bateau
( son dialogue, son rythme, son radotage) n'existe plus . Plusieurs fois
par jour, nous échangeons avec Altaïr des petits messages,
des blagues, de la musique même ... par le canal de la VHF.
Un matin, le calme du petit déjeuner sur Getaway
est rompu , nous sursautons au son des Tri Yann et de la jument de michaux.
Panique, d'où vient ce !!!??? De la VHF bien sûr...
Habituellement, Les femmes parlent cuisine, broderie...
Les hommes c'est plutôt moteur, allure, gréement...
exemples:
François - Dis moi Gérard, tu as quoi comme
toile en ce moment?
Gérard - J'ai un bout de génois tangonné
au vent et la grand voile tout dessus.
F - Ah, tu as tangonné sur bâbord...
Et ca tient bien?
G - Ben, ma foi oui...
F - Ah bon, moi ca ne tient pas terrible. Je vais essayer
ton allure...
Plus tard 
G - Dis donc, tu ne trouves pas que ça forcit?
Je vais prendre un ris. Et toi?
F - Oui j'y pensais justement. Et tu fais quoi comme cap?
G - 190
F - Ah, moi je fais du 210
G- C'est trop Ouest
F - Tu crois? Oh non.
G - Si, etc....etc....
Tous les jours à 19 heures TU, qui est l'heure
anniversaire de notre départ d'Isabela, on s'échange le
point quotidien:
Anyvonne - Allô allô, adjudant A. au rapport.
françoise - Ici Cdt Fse, je vous écoute
A - Getaway a parcouru 121 milles ces dernières
24 heures
Fse - Ah, pour moi, nous n'en avons fait que 113
Rigolade générale. Nous sommes au même
endroit et partis en même temps; mais tous les jours ce sera le même
gag et nous arriverons ensemble aux Gambier sans avoir jamais parcouru
la même distance...
D'autres fois ce sont des entretiens logistiques:
A - Il te reste quoi comme légumes?
Fse - Du chou, des carottes, des pommes de terre ... quelques
concombres... des pamplemousses aussi.
A - Ah! Nous, il ne nous reste plus de carottes. Mais
on a un vrai stock de patates...
Fse - Et qu'est ce que tu brodes en ce moment?
A - Une tortue des Galápagos. Et toi?
Fse - Je finis mon ange bleu. Ca avance bien...
A - Super. A plus tard..
Les conditions
de mer et de temps auront été "moyennes"
Nos craintes d'interminables calmes blancs, là bas
en plein milieu, avec les voiles qui pendouillent lamentablement, la bôme
qui bat contre les haubans etc. ne seront pas confirmées.... Le départ
a été un peu difficile, et on a quand même fait 70
heures de moteur en 4 jours. (celui d'Altaïr fonctionnait encore à
peu près.) mais avant que nous ayons à nous soucier du gas
oil, le vent s'est installé et ne nous a jamais lâchés
très longtemps.
Le temps a hésité entre la bruine, la pluie
fine et les grains orageux: du nuageux gris au franchement noir .
Quelques fois une bonne brise sous un très beau soleil. La
palette des gris a été largement explorée. Un peu
moins celle des bleus ...
Le vent s'est souvent installé entre 15 et 20
noeuds. Quelques fois il s'est excité à 25, 30 noeuds. La mer
a toujours été assez houleuse. Souvent agitée, mais
rarement forte et jamais déferlante.
Des allures plutôt confortables:
Un
peu de bon plein, puis du travers et enfin du grand largue et même
du vent arrière.
La nuit du 13 au 14 Avril fut mémorable. On l'a
appelée la nuit du tangon... Nous avons dû empanner et donc
changer le tangon de bord une bonne dizaine de fois dans la nuit.
Il faut savoir qu'entre grand largue et vent arrière,
nous tangonnons le génois au vent, la grand voile étant largement
débordée sous le vent. Ca marche très bien et en restant
près du grand largue, le risque d'empannage incontrôlé
est amoindri. Mais quand le vent est instable, il faut veiller à
ne pas être pris a contre et changer d'amure quand il tourne.
La nuit, c'est un peu gênant. Comme il faut être deux sur le
pont pour la sécurité, l'équipage est très
sollicité et son sommeil en est tout perturbé, pensez donc!
La pêche assez minable...
Toutes nos lectures sur le pacifique datent de nos grands
ancêtres: Moitessier, Heyerdahl,... Tous nous racontent le poisson
qui vient quasiment tout seul sur le barbecue. Que yaka tendre la main
pour n'importe quel repas du jour...
Eh bien: ca eut été, mais ca nl'est
plus...
Pas vu la queue d'un requin, ni d'une baleine, ni même
d'un dauphin... Non, nos lignes de traîne n'ont pas ces ambitions,
c'est juste pour dire que le Pacifique paraît drôlement dépeuplé
par rapport à nos lectures.
En
4 semaines de traîne, nous n'aurons attrapé qu'un poisson
respectable: Un thazar d'une bonne dizaine de kilos.
Comme c'était un peu gros pour nous tous seuls,
on a voulu en passer la moitié a Altaïr.
Ca a été l'occasion d'une manoeuvre grandiose:
Comme ils n'avaient déjà plus de moteur, il a fallu les approcher
alors qu'ils marchaient à la voile. On ne pouvait pas jouer le coup
d'abandonner le butin en avant d'eux, sur un bout avec flotteur pour qu'ils
le gaffent. La mer était assez formée et s'ils le rataient
une seule fois, c'était fichu. Donc Getaway les a approchés
au moteur, à 4 ou 5 mètres par leur arrière et à
leur vent. En les dépassant ainsi, doucement, chaque barreur très
attentif à s'écarter à la première alerte d'abordage,
nous en lofant au moteur, eux en abattant à la voile; nous avons
réussi à leur envoyer notre livraison dans un sac étanche
accroché à un bout. Des qu'ils ont saisi le bout, nous
avons balancé le sac à la mer pour pouvoir nous écarter
sans délai. Ouf! Je vous assure que dans des creux d'un à
deux mètres, ce genre d'accostage fait grimper la tension... Nous
ne sommes pas mûrs pour les abordages à la pirate...
Ce thazar sera notre unique prise de la traversée.
Bien sur, après ce coup là, nous n'avons plus pêché
pendant 4 ou 5 jours; le temps de vider un peu le frigo. Mais pendant les
deux semaines suivantes, la ligne a toujours été à
poste et aucune touche n'est venue la perturber. Altair a pris un petit
thon un peu plus tard mais ce fût tout. Lors de cette dernière
prise, la mer était trop forte pour une seconde manoeuvre de partage
et ils ont dû le manger seuls..
Heureusement nous avions le jambon sec....
Les nuits de veille plutôt
cool.
La nuit, nous ne sommes pas des rigoureux des quarts,
comme sur beaucoup de bateaux où les équipiers
se relaient scrupuleusement toutes les trois heures et où les hommes
de quart ne ferment pas l'oeil.
Nous, nous essayons globalement de tenir des quarts de
4 heures. Mais selon comme on se sent, le quart peut se réduire
à 3 heures et même s'allonger jusqu'à cinq.
Souvent Gérard prend le premier quart, jusque
vers minuit. Anyvonne prend le suivant jusque vers 4 heures, et ensuite
on alterne toutes les deux heures.
A
bord, la règle veut qu'aucune manoeuvre qui implique la sortie du
cockpit ne s'effectue seul, pendant que l'autre dort. Du coup, tous les
changements d'amure du tangon, prise ou largage de ris etc.. sont l'occasion
de réveiller l'équipier qui dort. Les nuits à grains
ou a vents capricieux sont donc assez hachées du point de vue sommeil.
Mais enfin, elles n'auront pas été très nombreuses.
Pour nous sustenter la nuit nous sommes des adeptes de
la soupe. Fraîche ou en sachet. Il est loin le temps du bateau en
Bretagne, quand les quarts ne s'envisageaient qu'à coup de pots
de café ou de thé... Sur un mois, ce n'est pas envisageable;
l'estomac ne tiendrait pas le coup...
Il faut dire que pendant nos quarts, surtout ceux où
il n'y a pas grande probabilité d'évènement, nous
nous autorisons à dormir par tranche de 20 minutes. Pour rythmer
les moments d'inattention (voire de sommeil) et ceux de veille attentive
et de vérification, nous disposons d'une montre réveil qui
sonne régulièrement pour nous appeler sur le pont. Aucune
manipulation n'est nécessaire et si d'aventure une sonnerie nous
échappait et nous laissait endormi, la montre se remettrait à
sonner à la fin de la période suivante. Avouons que durant
nos traversées, ce petit incident de veille arrive; surtout quand
nous naviguons au milieu de rien où il ne passe jamais personne...
Mais...
Malgré tout, allongé dans le carré
plutôt que dans une couchette, le sommeil n'est jamais très
profond et nous nous réveillons régulièrement. Le
temps d'aller jeter un coup d'oeil sur le cap, les voiles et durant notre
dernière traversée, sur les feux de route de notre "co-traversant".
Enfin, nous
finirons par arriver à Mangareva.
En fin d'après midi du 23 Avril, nous approchons
des Gambier
La nuit est déjà tombée quand nous
arrivons dans les parages de l'archipel et nous n'avons encore rien vu
de la montagne flottante. ( Mangareva signifierait "la montagne flottante"
en polynésien.) Juste avant le coucher du soleil, nous avons aperçu
l'atoll de Temöe, à 4 ou 5 milles sous le vent. Ce dernier
est situé à une vingtaine de milles de l'archipel lui même
et n'est pas abordable. Mais c'est la première terre que nous
apercevons depuis Isabela, il y a 25 jours... Emotion... Et coup de rhum pour
le capitaine qui l'a vue le premier...
Aujourd'hui il est trop tard pour espérer dormir
à Rikitéa.... Il n'est pas question de pénétrer
la nuit dans l'archipel et il nous faudra patienter au large, à
la cape.
Ce ne sera finalement pas si désagréable
et bien que la houle soit forte, nous dormirons convenablement un bon morceau
de nuit, avant de remettre en route au matin pour franchir la passe vers
8.00 locale. Le vent nous porte et sur les bas fonds de la passe, deux
belles vagues feront surfer nos douze tonnes. (Anyvonne qui était
à la barre, l'affirme ...). C'est bon pour l'adrénaline...
Nous
naviguerons encore deux heures dans le lagon et les chenaux de Mangareva
qui se révèlent mal pavés mais bien balisés.
(Vive la France...). Derrière nous, Altaïr qui n'a pas de
moteur va aller jusqu'à tirer des bords dans le chenal et évitera
ainsi le remorquage infamant... Finalement il arrivera à la voile
jusqu'au mouillage de Rikitéa en faisant ainsi honneur à
l'école des Glénan..
Le Mardi 24 Avril à 10.00 locales (19.00 TU) après
26 jours de navigation, nous mouillerons sous le village de Rikitéa
qui est, comme chacun sait, la capitale des Gambier... Séquence
émotion...
Sous le tropique
des Français
Les Gambier: Un zeste de parfum français
sous les tropiques
Au pied de la montagne; émergeant au bord du lagon
d'une végétation très dense; Rikitéa s'étire
sur un petit kilomètre. A notre arrivée, quatre voiliers
sont déjà mouillés devant le village. Deux d'entre
eux sont là depuis près d'un an et ils nous feront gagner
beaucoup de temps en nous communiquant quelques clés de l'organisation
locale.
Rikitéa
est construit le long d'une rue unique qui longe la baie. Les farés
y sont bâtis au coeur de petits terrains remplis d'arbustes,
de fleurs et de fruits. On y trouve aussi la gendarmerie, la poste,
un marchand d'oeufs, un boulanger, deux ou trois magasins, l'école
et un collège technique tenu par des frères du sacré
coeur. A première vue, nous sommes bien dans un village français.
Au bout de la rue, on aperçoit la cathédrale, gigantesque
bloc d'une blancheur éclatante qui célèbre avec ostentation
la présence de l'église catholique et plus particulièrement
le passage du père Laval.
Coquettement abrité sous les palmiers, un dispensaire
tout blanc, assure tous les jours consultation de médecine générale
et soins infirmiers. En Polynésie, les prestations médicales
comme les médicaments sont distribués gratuitement. Pour
les dents, c'est un autre problème. Une ou deux fois par an, un
dentiste passe quelques jours aux Gambier. Le plus gros de son travail
consiste donc à arracher. Si vous voulez vous faire faire des soins
plus raffinés, le billet d'avion pour Tahiti coûte 3000 FF!!!
Entre les passages du dentiste, il paraît que l'infirmier de l'île
ferait quelques extractions?
L'infirmier de l'île c'est Hervé. Il habite
un peu plus loin, près de la gendarmerie.
Disposant d'un micro ordinateur et d'un téléphone,
il offre informellement, les service d'un "cybercafé - yacht club".
A l'extérieur du village, sur la route qui grimpe
dans la montagne, on trouve une station de mesure de Météo
France. Exploitée
par trois techniciens, elle concourt à la prévision météo
pour la Polynésie. Le chef de station, Gérald,
un popaa de Nice est charmant et en allant le visiter, on peut se
procurer une carte météo et des prévisions marines
à 48 heures qu'il reçoit par fax de Tahiti.
C'est tout de même navrant que la France ne diffuse
pas ses bulletins et ses cartes par radio fax, comme le font encore les
anglais et les allemands en Europe ainsi que les américains, les
Néo zélandais et les australiens dans le Pacifique. Seul
un abonnement via Inmarsat permet de se les procurer en mer. C'est excessivement
cher et donc personne ou presque n'en dispose. Du point de vue de la sécurité
en mer, c'est quasi scandaleux...
Faire ses courses
à Rikitéa?... C'est d'abord trouver de l'argent pour
payer.
En débarquant de 26 jours de mer, nous sommes
avides de trouver une bonne viande (tranche de boeuf ou cotes d'agneau)
pour changer un peu des riz-nouilles-patates-conserves de la traversée.
Le
premier problème que nous rencontrons est assez inattendu et
concerne l'argent. Le pauvre billet de 100 francs conservé pieusement
dans le fond de la valise ne sert à rien. Les dollars ne servent
guère plus, à part dans un ou deux magasins qui acceptent
de les changer mais alors, à un taux prohibitif... Nulle part on
ne connaît les cartes de crédit. Seul le franc CFP a cours
sur cette île, mais il n'y a ni banque ni aucune possibilité
de change officiel pour s'en procurer!!!
Mais enfin, comment obtenir des francs CFP?
Même si vous possédez un compte chèque
à la poste en France, la poste d'ici n'accepte pas de délivrer
d'argent.
Un banquier vient bien de Tahiti passer une semaine ici,
tous les deux ou trois mois. Mais il vient juste de repartir hier...
La seule solution: moyennant 300FF de frais, se faire
envoyer un mandat télégraphique depuis la métropole.
Voici la procédure.
- Première étape: Trouver quelqu'un qui
puisse vous envoyer ce mandat et le lui demander. Pour cela téléphone
et fax sont à votre disposition, si vous avez de l'argent pour payer...
Vous pouvez même utiliser Internet si vous avez trouvé Hervé.
Le résultat dépend beaucoup de la bonne
volonté de votre correspondant bancaire.
Nous
qu'on a un accès Internet sur le bateau, un échange d'Email
avec notre banquière briochine nous permettra d'arranger le coup
sans délai. Elle nous a envoyé un mandat télégraphique
dès le lendemain de notre demande.
Nous avons bien de la chance d'avoir une banquière
si efficace, parce que nos amis d'Altair qui possèdent un compte
à la même banque mais dans une autre ville, ont voulu utiliser
la même procédure. Trois ou quatre jours après
leur demande, leur banquier (sans doute refusant de se déplacer
à la poste) leur répondait qu'il ne pouvait rien pour eux....
Eh oui... Un autre copain s'est même fait répondre par la poste
française que le mandat télégraphique n'existait plus...
Ambiance...
- Deuxième étape: Passer régulièrement
à la poste pour voir si quelque chose est arrivé pour vous.
Là, nous avons eu moins de chance. Dans l'intervalle,
la poste polynésienne s'est mise en grève illimitée.
Pendant une petite semaine nous passions juste pour voir si la poste etait
ouverte.
Pendant ce temps, on pourra tout de même subsister
en achetant du mouton en dollars, à des taux usuraires... Il était
absolument délicieux. Merci de votre question pleine de sollicitude..!
-Troisième étape: Trouver la poste ouverte,
y présenter son passeport et constater que votre argent vous y attend.
Et là, on est les rois du pétrole...
Puis, c'est trouver
la marchandise.
Les légumes pour accompagner le mouton?
C'est le plus délicat!
Une enquête serrée de plus d'une semaine
nous a permis d'apprendre le sens du circuit pour tenter de glaner quelques
tomates, un chou et trois concombres:
Première possibilité:
Quelques
légumes poussent sur l'île, par la grâce de Tékura
qui est quasiment le seul mangarévien à
jardiner pour vendre. Il vous faudra monter vers 13 heures 30 à
son jardin. C'est à deux kilomètres dans la montagne.
En principe, à cette heure là il arrose ses cultures, avant
de redescendre vers 14 heures 30 reprendre son travail au village. S'il
n'y est pas, eh bien vous aurez quand même fait une bonne promenade
. C'est bon pour la santé et en plus vous pourrez vous arrêter
au retour pour dire bonjour à Gérald à la station
météo.
S'il est là, vous pourrez constater avec lui ce
qui est disponible:
Le carré de choux qui était si prometteur
la semaine dernière n'existe quasiment plus. Il a été
arraché pour livrer la cuisine des écoles... Les deux qui restent
vont faire l'affaire pour cette fois, mais il ne faut plus espérer
de choux avant plusieurs semaines...
Deux ou trois tomates sont mures aussi.
Pour les concombres, il est juste en train de les semer...
Par contre il vous trouvera une poignée de haricots
verts qui feront très bien avec une côtelette d'agneau...
Pour éviter la montée au jardin, il est
possible de lui passer commande la veille, par l'intermédiaire de
sa femme qui tient un petit snack au village.
Il semble que personne n'ait jamais rien obtenu
en procédant de cette façon...
Deuxième possibilité:
Jocelyne,
une impressionnante mangarévienne, tient elle aussi un petit
snack sur la rue du village. (On y fêtera d'ailleurs dignement l'anniversaire
du capitaine avec François et Françoise ainsi que nos nouveaux
amis suisses Anne et Daniel). Son mari, autre mangarévien à
connaître, fait pousser quelques tomates, choux, salades et concombres
en culture hors sol, dans de la bourre de coco, arrosés en permanence
d'une solution nourrissante.
(Quand je lui ai demandé pourquoi il ne cultivait
pas en pleine terre, il m'a répondu sans hésiter que la terre
ici était bien trop basse et trop dure pour cela...)
En priant Jocelyne avec suffisamment d'insistance et
d'humilité, on parvient quelquefois a obtenir quelques concombres
et tomates, pour un prix double de celui de Tekura. Mais là aussi,
il faut avoir de la chance, car la cuisine de l'école est un gros
consommateur...
Troisième et dernière possibilité:
Deux fois par mois, la "goélette" apporte quelques
légumes "frais" après une traversée d'une quinzaine
de jours depuis Tahiti. (Elle dessert en passant quelques atolls des Tuamotus.)
Aussitôt débarqués, ces légumes sont en vente
dans les deux magasins recensés du village, en général
vers 15 heures, à la réouverture d'après midi. Si
vous arrivez à 15 heures 15, tout est déjà vendu.
Il est donc conseillé de guerroyer pour faire la queue dès
14 heures 30. Mais même alors, les demandeurs indigènes sont
manifestement favorisés et le premier arrivé n'est pas toujours
le premier servi. Normal...
Si
vous arrivez malgré tout au poste de vente, vous y glanerez peut
être quelques oignons et une moitié de chou. Nous n'avons
jamais reussi à nous y procurer des carottes.
On s'en fout, on n'aime pas ça...
Ce n'est pas vrai: Peu avant notre départ,
au bout d'un mois de séjour et après avoir fait copain avec
deux épiciers, nous étions autorisés à réserver
une petite quantité de légumes, la veille de l'arrivée
probable de la goélette. Résultat: 2 kg de carottes..
Dans ce paysage d'abondance relative, seuls les oignons,
l'ail et les pommes de terre sont assez régulièrement disponibles
.Pas toujours, mais souvent...
En résumé, dans ce pays ensoleillé,
arrosé et où tout pousse, c'est le régime permanent
de la pénurie. Au moins de notre point de vue de popaa, car Tékura
à qui nous posions la question de la pénurie de légumes,
trouvait que ça allait très bien comme ça et que le
marché n'était pas assez demandeur pour une production supplémentaire.
Les mangareviens sont peu attirés par le travail
de la terre et les épiciers peu enclins à se charger de marchandises
périssables qui leur arrivent après quinze jours de transport
et de manutention. Alors??? Si un français jardinier vient s'installer
ici, il a toutes les chances de survivre. Sous réserve qu'il épouse
une mangarévienne pour pouvoir disposer de terrain.
Pour les fruits qui poussent partout en abondance,
c'est à la fois plus facile et plus compliqué.
Sur tous les terrains alentour poussent en abondance
pamplemousses, arbres à pain, citrons, papayes;, maracujas, mangues
et bananes. Comme tout le monde en a sa disposition, on n'en trouve jamais
à vendre dans les magasins. De plus, traditionnellement à
Mangaréva, les fruits sont gratuits et s'offrent à l'étranger
comme cadeaux. Quand vous commencez à être connus, les gens
vous en proposent spontanément. Mais réciproquement,
tous ces arbres et leurs fruits appartiennent toujours à quelqu'un
et il serait très mal vu de vous faire surprendre à vous
servir vous même...
Au début nous étions un peu juste en fruits,
mais après un mois de séjour Getaway repartira de Rikitéa
avec 25 kilos de Pamplemousses (Merci Maïtirita au si charmant sourire),
un régime de bananes partagé avec Altaïr (merci Yves),
des citrons, des papayes et des maracujas en quantité, tous offerts
avec une grande gentillesse.
En échange, Anyvonne a fait des confitures de
pamplemousses dont elle a pu offrir quelques pots.
Maïtirita la remerciera avec effusion en lui disant:
"C'est bon mais vous savez nous autres polynésiens n'en faisons
jamais. C'est trop fatiguant."
Shopping
au Faubourg Saint Honoré local...
Après
les émeraudes de Colombie: les perles noires des Gambier.
Le monde est plein de pièges pour attraper nos
femmes...
Depuis que nous sommes arrivés, nos équipières
échangent fébrilement leurs tuyaux pour se procurer ou se
faire réaliser de superbes bijoux pour "pas cher"... L'essentiel de
l'activité laborieuse de l'île tourne autour de la perle et
de la nacre. Culture, récolte, montage de perles, polissage et gravure
de nacres... Alors ce ne sont pas les occasions qui manquent.
Il faut savoir qu'un marché parallèle existe
les soirs de week end ou quelques lots de perles sont offerts dans la rue
pour le prix d'une caisse de bière ou d'une bouteille de vin. L'urgence
du besoin facilite la négociation...
Mais au prix de l'alcool ici, ca ne rend pas les choses
si économiques... (300 FF la caisse de 24 canettes)
On se laissera tenter bien sûr...
Trekking à
Mangareva
L'île, longue de 9 kilomètres, est entourée
de 28 kilomètres de rivage et le mont Duff la domine à
440 mètres d'altitude. Ses pentes couvertes d'une végétation
très dense se précipitent directement dans la mer et il n'y
a quasiment aucune plaine côtière.
Rikitéa est tapie le long de la mer sur la côte
Est. De là, deux sentiers traversiers s'enfoncent dans la végétation
et permettent sans trop d'effort de passer la crête montagneuse et
d'atteindre la coté Ouest de l'île. On peut aussi en faire
le tour le long d'une piste côtière. Si les 28 kilomètres
peuvent rebuter, pas de panique, il se trouvera bien une voiture de passage
qui vous embarquera pour le retour au village. Il faut avouer que nos deux
expériences se termineront ainsi.
La première fois, une charmante mangarévienne
nous a embarqués sur son pick up et nous a entraînés
pour notre plus grand plaisir dans une cueillette de citrons avant de nous
déposer sur le quai de Rikitéa.
Le seconde fois, partis à la récolte de
pamplemousses chez Maïtirita, sur la côte Ouest; nous nous y
sommes retrouvés avec une charge de 30 kilos de fruits, ce qui est
un handicap certain pour marcher allègrement. Le camion de ramassage
scolaire vint à passer et accepta de nous ramener, assis sur des
bancs minuscules au milieu des bambins des écoles surveillés
par un robuste policier municipal.
Pour dire rapidement, le stop ici ne pose pas de problème
et les mangaréviens s'arrêtent spontanément pour vous
proposer d'embarquer. Ils ne comprennent pas vraiment l'engouement des
popaas pour la marche à pied.
Les
folles soirées de Rikitéa
Tous
les week end, dès le vendredi soir, les 4x4 convergent des
quatre horizons de l'île vers les magasins du village
où ils font provision de caisses de bière. On voit ensuite
les hommes se rassembler en petits groupes dans les coins écartés
du village. Assis en rond autour de leurs provisions de boisson, ils font
la "bringue"... Discussions véhémentes accompagnent les libations.
De plus en plus véhémentes à mesure que la soirée
s'avance, dans une brume légère de fumée de paka..
Alors, la fréquentation des rues du village devient
moins sereine . Il vaut mieux alors ignorer les hommes que l'on croise
et leur regard un peu trouble qui vous dévisage avec insistance.
De notre côté, sur une idée originale
de Daniel et Anne nos copains suisses, nous organiserons à Rikitéa
une soirée « cochon grillé ». L'idée
initiale était de le cuire sur la plage dans un four tahitien,
mais les conditions de mouillage n'ont pas permis le lieu et les
hurlements de rire de Yves ont condamné le moyen, quand on lui
a expliqué ce qu'on voulait faire. On finira donc un vendredi
soir dans le jardin d'Hervé avec un cochon à la broche
et de la braise dans un trou comme pour un vulgaire méchoui....
Quatre
bateaux se sont occupé de l'organisation et de l'approvisionnement
de ces agapes. Les femmes se chargent de préparer quelques accompagnements
et desserts. Les hommes creusent le trou, produisent la braise et se
relaient jusqu'en début de soirée à la manivelle
de la broche.
Dès le matin, Hervé ira à la pêche
avec le "bonitier" de l'île. Il en rapportera un superbe thon
que nous mangerons cru, avec une sauce hot préparée par
Gérald.
Ainsi, vers 18 heures nous sommes là, une quinzaine
de personnes pourvues abondamment de nourriture et de boissons. L'ambiance
est chaleureuse.
Vers 20 heures tout le monde
s'en va. Pas pour se coucher, non non... Pour assister au spectacle des
danseuses locales de tamouré à la salle omnisports.
Deux
écoles de danse polynésienne fonctionnent à Rikitéa.
Les jeunes filles de l'île s'y entraînent assidûment
toute l'année sous l'autorité sourcilleuse d'un maître
de ballet colossal. En principe, les ballets polynésiens sont
mixtes mais il semble difficile de motiver les partenaires masculins.
Ces groupes se produisent régulièrement lors des
festivités locales et participent au grand concours inter
îles qui est organisé pour les fêtes du Heiva en
juillet à Tahiti. Sachant que les mangaréviens ont gagné
le concours l'an passé on s'attend à une prestation de
choix.
Et on n'est pas déçu.
C'est beau et émouvant. Les costumes éphémères,
fabriqués exclusivement à base de végétaux
fraîchement cueillis pour l'occasion, sont magnifiques. Comme
chaque danse raconte une histoire de la vie quotidienne ou de la mythologie
on voudrait comprendre le sens de ces gestes qui obéissent à
une symbolique complexe.
Autour de nous, manifestement, les mangareviens apprécient
le spectacle et certains moments de la danse tirent clameurs et applaudissements
de l'assistance.
Après cet entracte culturel nous retournerons à
nos agapes pour manger les desserts et rentrerons enfin terminer quelques
bouteilles sur "Joran" où on discutera passionnément avec
Hervé des mérites de la démocratie, jusque fort
tard le matin.
A l'aventure dans le lagon, autour
de Mangaréva
Akamaru
Du
mouillage de Rikitéa, nous apercevons l'île d'Akamaru
entourée d'eau turquoise à 4 milles de là.. La carte
marine est un peu moins séduisante: l'île est entourée
de grands platiers de corail à fleur d'eau et pour accéder
à un bassin de mouillage situé à l'abri de l'île,
il faut traverser, dans moins d'1.40 mètre d'eau, de vastes zones
de sable très encombrées de têtes de corail. C'est
tout cela qui rend ce site magnifique mais aussi, difficile à
atteindre en bateau.
Nous finirons par céder à la tentation
et nous emmènerons sur Getaway l'équipage d'Altaïr qui
laissera seul, pour deux ou trois jours son bateau au tirant d'eau trop
important (1;80 mètre). C'est l'occasion d'apprécier les
avantages de notre dériveur.
L'entrée dans ce petit lagon se fait sur un alignement
qui nous place devant une passe en zigzag, assez profonde mais pas super
large. François dans les barres de flèche, Gérard
et Françoise à l'avant, lunettes polaroid à poste
sur leur regard acéré... Anyvonne à la barre affiche
le plus de sérénité possible... Elle tente de réagir
placidement aux ordres et "dés-ordres" que lui transmettent les
"eyeballers", quelquefois contradictoires mais toujours courtois.
Au delà de la passe, il faut chercher une route
possible entre les patates et sur des fonds suffisants. Quelquefois c'est
l'impasse, ou bien les nuances de bleu jaunâtre qui ne nous laissent
pas espérer suffisamment d'eau. C'est alors la marche arrière
lente, qui tente de rester rectiligne mais qui finit toujours cul au vent...
Ambiance... On cherche alors une autre route... Et on arrive enfin dans ce
grand trou de 15 mètres de profondeur, encombré de quelques
flotteurs de stations perlières et dans le calme duquel nous
pouvons mouiller l'ancre.
Un autre voilier s'y balance déjà.
Son dispositif de mouillage montre qu'il est là depuis un certain
temps et qu'il ne pense pas mettre à la voile de sitôt.
Nous voici donc dans ce lagon "dont le bleu transparent
évoque celui de sa célèbre soeur Bora Bora.". Ainsi
s'exprime notre guide Hachette. Amis consommateurs de paysages à
cocotiers Bonjour!
Rémi, un jeune homme qui a observé notre
approche et guidé notre mouillage final entre les flotteurs des
stations perlières vient nous saluer. C'est un jeune Popaa reconverti
Polynésien qui vit ici avec son père alsacien, sa belle
mère Polynésienne et ses deux petites soeurs. Son père
et lui sont arrivés aux Gambier sur le bateau qui est mouillé
à côté, il y a quatre ans et ils ont décidé
de s'y installer.
Quand nous débarquons quelques heures plus tard,
nous sommes accueillis sur le rivage par les "femmes" de la famille.
Absolument adorables, elles ont cueilli pour nous un tas de pistaches
qui pullulent ici et que nous mangeons fraîches pour la première
fois de notre vie. De la taille d'une grosse olive, c'est un noyau entouré
d'un peu de pulpe violine dont le goût se situe entre la mure
et la prunelle... Le sol est jonché d'amandes, genre "pistaches
à apéro", mais non grillées et donc absolument
non comestibles.
Notre
promenade nous emmène par une belle allée de cocotiers
vers une petite église cachée dans la végétation.
Très blanche et bien entretenue, c'est un vestige de l'activisme
forcené du père Laval. Autour de l'allée, nous
distinguons les restes de chemins et de ruines d'habitations envahis
par la jungle.
Quand elle s'est établie ici, il y a deux
ans, la famille de Rémi était la seule occupante de cette
île qui avait été abandonnée de longue date.
Depuis, une vieille Polynésienne est revenue y vivre et quelques
mangaréviens viennent y passer le week end. Leurs efforts de
débroussaillage conjugués ont rendu praticable une petite
zone de vie autour de la plage.
L'accès à l'église a aussi
été dégagé et la vieille Polynésienne
y célébrerait une prière (une messe?) tous les
dimanches pour les 8 habitants de l'île...
La famille de Rémi a construit son faré
devant la plage. Panneaux solaires et citernes assurent l'électricité
et l'eau de pluie. Chasse, pêche et jardinage apportent une bonne
partie de la subsistance..
Le vrai retour à la nature, façon Moitessier
existe encore. Nous l'avons rencontré...
Mais enfin, Akamaru est située à un quart
d'heure de bateau rapide de Rikitéa (quand la mer est belle)
et ça simplifie quand même l'organisation de la vie de
la famille.
Rémi et son père se sont lancés,
à Akamaru, dans la culture de la perle en association avec Yves
un autre popaa de Rikitéa. Et ca, c'est plus "moderne"...
Notre sortie du lagon, pilotée par Rémi
sera plus rapide et moins stressante que l'entrée...
Aukéna
Nous
passerons deux jours à Aukéna en compagnie d'Altair et de
deux autres bateaux. L'île est à moitié privée
et propriété de Wang Pearl, l'empereur chinois de la culture
perlière en Polynésie. L'autre moitié est habitée
par la famille de Bernard un mangarévien très accueillant.
Comme la plupart, il y cultive la perle, mais il y élève
aussi des cochons dont nous profiterons pour un barbecue à venir.
Nous aurions aimé le faire sur la plage avec lui mais le matin du
troisième jour, le vent a tourné au nord et le clapot
rend ce mouillage très inconfortable. Nous fuirons vite vers Rikitéa,
Taravaï
Le
cadre de ce mouillage est sans doute le plus beau et majestueux des Gambier.
Nous y passerons quelques jours sans jamais voir personne. Deux familles
habitent sur l'île mais leur village est inaccessible par terre depuis
l'anse où nous étions. Comme le vent et la mer ne nous permettront
pas de les rejoindre en annexe nous ne les verrons pas. Pourtant nous aurions
bien aimé voir de plus près la petite église blanche
que nous apercevons depuis la passe d'entrée dans l'archipel.
C'est
la fin du paradis, par ici la sortie...
Mais c'est
pas le tout , il faut penser à s'arracher à ce paradis.
(Yann de Papoose, qui a déjà parcouru la Polynésie,
nous a prévenus: Ne partez pas trop vite... Vous le regretterez.
Vous n'êtes pas prêts de retrouver un endroit aussi sympa
vers l'ouest...)
On veut bien le croire mais pas encore prendre racine.
Alors: départ vers Tahiti via les Tuamotu le samedi
9 juin.
Le même jour, Altaïr mettra en route lui aussi
pour les Marquises et Majunga pour un direct Tahiti.
Joran est déjà reparti vers la Suisse via
Tahiti et Raïatea au début de la semaine. Ils retournent travailler
six mois et prévoient de revenir autour d'Avril prochain
Quand nous reverrons nous? Mystère...
Cette parenthèse d'amitié Mangarévienne se referme.
Pincement au coeur et nostalgie...
Heureusement que devant nous se profilent d'autes étapes
Polynésiennes où nous aurons l'occasion d'en retrouver certains.
Par exemple, Ma'Ohi devrait être de passage en même temps que
nous à Tahiti.
A suivre donc...
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