LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
Polynésie IV - Le journal de bord
N°20 - Octobre 2002
Ca y est, on reprend la route; c'est la fin du séjour Polynésien...

Premier objectif: Souvarov 

La deuxième étape sera aux Samoa samoanes...

Avant de s'écarter de l'autoroute, aux confins du royaume des Tonga

Encore plus isolée, Wallis nous attire au bout du bout de rien...

Avec un ris dans la G.V. nous visons cette fois l'archipel des Fiji.


Ca y est, on reprend la route;
c'est la fin du séjour en Polynésie Française...

Hier soir, 15 juin 2002, nous sommes venus à Bora Bora partager un dernier mouillage avec François et Françoise, nos amis d'Altair. Nous quittons tous la Polynésie et ça se répète comme au Gambier: nos programmes de navigation divergent. Ils partent au nord, vers Penhrin, alors que nous continuons sur l'autoroute du nord ouest, qui passe par Souvarov. Mais nous nous retrouverons certainement plus loin.

Après un dîner "d'adieu", quand nous nous réveillons ils sont déjà partis, car ils prévoient de faire escale à Maupiti dont il convient d'emprunter la passe vers midi. Pour notre part, nous préférons nous réinstaller dans le voyage et nous re-amariner, en entreprenant d'une traite notre première longue traversée de la saison. Nous sommes donc beaucoup moins pressés ce matin.

Premier objectif: Souvarov 

un atoll perdu, à 743 milles devant nous, qui tirerait son nom de celui d'un bateau russe qui serait passé par là.

Le vent est vif lorsque nous sortons du lagon de Bora. Force 5/6 de l'arrière. Avec un ris dans la GV, c'est un bon début. Une excellente première journée donc, mais au cours de la nuit, les choses se gâtent un peu. Vers 4 heures, un grain violent nous envoie des vents de 40 nœuds pendant deux bonnes heures. Mais enfin avec 2 ris pris à temps et un peu de génois, on étale. Les choses se calment vers 6 heures et on renvoie un ris. Malgré tout, le temps reste orageux et les grains se succèdent. Soudain, à 8 heures, tout va mal: la Grand Voile se déchire sur toute sa largeur, le long du deuxième ris... Après 10 ans de service, elle n'a sans doute pas supporté les efforts de cette nuit...

Bien qu'ayant reçu à Tahiti une GV neuve de Nouvelle Zélande, on voulait faire durer la vieille le plus loin possible...elle n'aura pas duré longtemps. Le problème, c'est que maintenant il faut changer de GV dans une mer qui se souvient du vent de la nuit... Heureusement, celui ci s'est complètement calmé et ne vient pas compliquer l'opération, mais la houle reste creuse. On avance doucement au moteur, en essayant de rester à peu près perpendiculaire à la lame. Malgré tout, le bateau roule comme un malade et l'équipage est malade de rouler...

Plus de 2 heures seront nécessaires pour achever l'opération, à faire les acrobates sur le pont, à brasser les mètres carré de toile et les mètres de lattes... Enfin, vers 11 heures, tout est revenu dans l'ordre et le vent se remet à souffler un peu, juste à point pour nous permettre d'expérimenter notre nouvelle voile.

Le reste de la traversée se déroulera sans autre incident. Le ciel passera du nuageux au grain pluvieux. Le vent restera sud sud-est, et on naviguera donc toujours avec le vent sur l'arrière. On change régulièrement d'amure, un ris par ci, deux ris par là dans notre belle grand voile et passent les milles. La mer hésitera régulièrement entre la longue houle et l'agitation plus prononcée, rendant la fin de la traversée plutôt désagréable: peu de vent sur une mer qui reste creuse. Le bateau n'avance pas assez vite, il roule, les voiles claquent... Le sommeil en est tout agité, et les dos mis à rude épreuve, malgré les cales faites de coussins divers pour empêcher de rouler en dormant.

Le dernier jour, nos calculs de route nous placent en début de nuit devant la passe de Souvarov. Le pire timing possible... On décide alors de tirer un long bord pour allonger la route d'une cinquantaine de mille et c'est donc vers 8 heures le samedi 22 juin que nous arrivons en vue de la passe et qu'habités d'une crainte respectueuse, nous en entreprenons le passage.

L'alignement d'entrée n'est pas évident. Au 165° il faut aligner le motu au loin et ce qui, sur la carte, devrait être un rocher. Le vent (et les rouleaux ) nous portent sur Anchorage island, dont nous passons très près. On triche un peu avec le cap pour ne pas trop flirter avec la côte... On se souvient des récits Moitessieresques de passages ici assez corsés et disons qu'on "serre un peu les fesses".

Enfin ça y est, on est dedans. Le courant est "tonique", mais avec un bon vent de travers, la GV et le moteur, on a de sérieux atouts... Finalement, l'épreuve se passe vite et bien...

 

A Souvarov,  GG découvre qu'on peut ne pas être qu'une nuisance supplémentaire dans le paysage...

 

L'accueil pittoresque des autorités

Après avoir donné un large tour à Anchorage island aux cocotiers touffus - plus carte postale tu meurs - on entre dans les eaux lagonesques calmes du mouillage. A droite on aperçoit les restes d'une jetée (moult fois reconstruite par Tom Neal, dixit GG) et une vague construction blanchâtre. Et là, surprise, le mouillage est vide. Pas un bateau, pas une mobylette, la zone...

Malgré tout, un bruit bizarre attire notre attention: tam tam ou percussions? On rêve! Mais non, on distingue trois silhouettes qui nous font de grands signes depuis la plage en jouant des percussions. Serait on revenu au temps de Cook et Bougainville? Peut être, sauf qu'apparemment nos "bons sauvages" n'ont ni plumes ni tatouages ni masques....enfin vus de loin. .On répond à leurs signes par de grands gestes de bonjour et on mouille.

Une heure plus tard, en short et tee shirt propres on débarque pour faire notre Entrée Officielle sur le territoire des Iles Cook. On nous a parlé de la présence ici de "rangers"  Comprenez gardiens de parc national) qui peuvent être assez casse pieds, alors on s'attend un peu , le petit doigt sur la couture du short, à une réception "austère".

Nous sommes accueillis, sur la plage, par nos trois" percussionnistes "de tout à l'heure, avec force sourires et poignées de main chaleureuses. On cherche discrètement derrière eux, la soldatesque de garde: que dalle, ce sont eux les Rangers! Le chef du détachement, c'est John. Son second s'appelle Fernando et représente le contrôle d'immigration des Iles Cook. Le troisième - homme à tout faire - s'appelle Baker (mais il ne fait pas le pain: on mettra tout l'après midi à comprendre que c'est son prénom et non sa fonction sur l'île). Moyenne d'age: 70 ans...

 

Prélude aux formalités d'entrée sur le territoire des Iles Cook.

Au bord du lagon, la construction blanchâtre de tout à l'heure se révèle être une "cahute-pergola" qui abrite deux hamacs, deux matelas de mousse brute de décoffrage, quelques fauteuils et autres sièges en bois très brut évidemment construits localement, à la main. N'oublions pas la table-à manger-bureau-desserte-plan de travail. Nous sommes dans la partie "administrative" du cantonnement et on peut donc s'atteler aux formalités: 

A la bonne franquette, on pousse un peu une bouteille d'huile, une boite de nescafé, du soja sauce, quelques reliefs du casse croûte du matin, et on remplit consciencieusement la feuille rose adéquate... Fernando tamponne les passeports, et très gêné aux entournures, nous réclame la taxe d'entrée à Suvarov: 50 dollars US. C'est le droit d'entrée dans ce qui est maintenant un parc national. C'est bien cher, mais on ne le regrettera pas...

Baker nous apporte à boire des noix de coco vertes et rafraîchies. John est excité et parle comme une mitraillette, un anglais haché et guttural ...Nous sourions et opinons beaucoup pour faire semblant de suivre...Fernando a un anglais plus académique et un accent plus accessible, alors il nous sauve la mise souvent, quand il voit nos têtes ahuries. Il parle même pas mal le français quoiqu'il en dise, car il a vécu quelques années à Tahiti, du temps de sa splendeur de chanteur. Il a 70 ans, comme John, et semble avoir eu une vie très chargée et haute en couleurs (étudiant à Cuba en 1963, professeur à Auckland, chanteur parcourant le monde, père de famille nombreuse, avec de nombreuses femmes aussi).

Les formalités et les présentations ainsi expédiées, la séance se termine par une invitation à un BBQ le soir même à 18h. On y sera...

Et à des démonstrations émouvantes d'hospitalité.

Nous débarquons à l'heure dite, à côté des ruines de ce qui fut un jour un "quai de débarquement" et nous nous engageons dans l'allée principale, régulièrement balayée, qui nous mène , en passant devant un "buste" assez rustique de Tom Neal - hommage rendu à cet amoureux de Souwarow - , à deux constructions situées au cœur de l'île, à 50 mètres du rivage.

La maison principale du cantonnement a été reconstruite récemment comme abri anti cyclonique. Les gardiens espèrent ainsi ne pas avoir à grimper au cocotier, pour échapper à la montée des eaux provoquée par un cyclone, comme c'est déjà arrivé par le passé.

Nous arrivons chargés de denrées manquant dans l'île car le bateau de ravitaillement ne vient pas souvent, et oublie quelquefois les produits réclamés par nos Robinsons. Nous apportons du kérosène pour leur cuisinière, du sucre, des bières, une crème renversée et des cigares cubains.

Sur la terrasse du fare, la table est dressée et recouverte d'une nappe. Le groupe électrogène, placé tout près, ne risque pas de se faire oublier car aucune cloison ne l'insonorise, mais il fournit de l'électricité à n'en plus pouvoir... Paradoxalement, c'est la denrée la moins épargnée ici! La cuisine et l'intendance se trouvent dans le bâtiment voisin. Derrière les constructions: un jardin potager avec les légumes de première nécessité.

Nos hôtes découvrent la table et nous lâchons un OOOOH!! de surprise:

Sur un lit de feuilles de "purau" est disposé un vrai festin: de gros crabes de cocotier rouges (les mâles ont une grosse queue et les femelles de grosses pinces...comme chez nous dis, enfin je crois...), de petites langoustes, du poisson cuit, de l'uru, des beignets, du pudding... Bref, la table de deux mètres sur deux est couverte de bonnes choses.

Nous attaquons l'apéro par la "Hinano" tahitienne, puis nous passons à la bière locale, confectionnée sur place, à base de malt et de maïs. Assez âcre et pas très mousseuse, mais désaltérante...à la guerre comme à la guerre.

John nous casse queues et pinces de crabes et nous garnit deux assiettes... Eux ne se servent pas. On les prie de manger avec nous , mais ils déclarent vouloir boire d'abord. Allons bon ça va recommencer comme au Cap Vert... Tant pis, nous attaquons seuls ce repas pantagruélique! On trouvait déjà que la quantité de nourriture prévue pour cinq était impressionnante...alors pour deux!!!

Les pinces des crabes de cocotier ont un fort goût de "terroir", pour ne pas dire de terre, par contre la queue rappelle la langouste. En bon français, on regrette un peu l'absence de mayonnaise, mais l'uru - compromis entre la pomme de terre et la châtaigne - va bien avec . Tout est très bon mais comme toujours en Polynésie, les plats ne sont pas "relevés".

Une fois bien chauffés par leur bière, nos acolytes empoignent guitare, yukulélé et bâton frappé sur une bouteille de whisky (vide) et se mettent à chanter. Fernando chante en anglais et en Ma'ohi ; il a une très belle voix et on sent le "pro". L'amitié est à son comble quand il nous invite à chanter avec lui "la vie en rose" dont il connaît parfaitement les paroles!.

Entracte: un peu éméché, John titille Fernando sur sa vie amoureuse mouvementée et nous annonce en confidence, que celui ci est le père de 14 filles et 11 garçons de par le monde. 

"Bull shit John....I hate you.."** l'invective Fernando régulièrement et John de rire comme un petit fou.

"Savez vous comment j'ai décidé Fernando à venir ici sur cette île déserte? Je lui ai dit qu'il verrait plein de voiliers passer". Eclat de rire: Il y en a eu sept en quatre mois!

"Bull shit John...un bateau ravitailleur va passer dans deux semaines...je vais repartir avec".

John encore: "Fernando est resté deux mois sans tabac (or il est gros fumeur) parce que le bateau l' avait oublié une fois dans son ravitaillement"... Fou rire.

Le pichet de bière est vide... Fernando s'en saisit et enfourche son scooter pour parcourir les 50 m qui nous séparent de la "pergola" administrative au bord du lagon où est sans doute la réserve... Effectivement il revient, le pichet plein dans une main...sans en renverser une goutte. En fait, son scooter remplace une lampe torche pour éclairer l'allée très sombre avec en plus, l'avantage de le transporter.

Rassasiés de crabes, d'urus et de beignets, on entame la distribution de crème renversée au caramel, qu'Anyvonne a réalisée dans l'après midi. Elle provoque un délire d'adjectifs admiratifs sur ses qualités de cuisinière. Elle a un bon public, pas blasé, ce soir!

Les chansons reprennent ensuite, ponctuées de "Bull shit, John...I hate you" qui répondent au radotage de John "14 girls and 11 boys!..."

Il est temps d'aller dormir.. La bière était légère mais à force, elle tosse un peu.

 

Un vrai séjour de rêve pour Robinsons Occidentaux...

Nous passerons une semaine bien agréable dans ce très beau lagon. Léger inconvénient: de petits requins à pointe noire attendent leur pitance sous Getaway à longueur de journée...Nous nous baignerons quand même mais sans rester très longtemps dans l'eau.

Cinq jours durant, nous profiterons seuls du mouillage.

Pêche à la traîne dans la passe, avec John et Baker, pour se fournir en poisson frais, plongée sur les huîtres pour préparer une autre soirée...Promenades autour de l'île.  Nos hôtes nous feront goûter aux œufs "spécial Souvarow": des oiseaux blancs - genre colombe - les pondent régulièrement dans le sable , ils sont petits mais délicieux.

Puis arriveront les bateaux de Jo et de Martin. Ce sera l'occasion de nouvelles agapes sur l'île, le samedi soir 29 juin. Là Anyvonne fera une mayonnaise pour le crabe. Les autres feront des gâteaux, et on goûtera un curry d'huîtres de John: dééélicieux!!! Nous aurons droit à un nouveau concert de nos trois compères. Ambiance chaude et sympathique, la bière "locale" et le whisky coulent à flot. On a la larme à l'œil en se quittant, car nous repartons demain matin vers l'ouest.

Au moment ou nous levons l'ancre, John viendra au bateau nous apporter, dans un panier de palmes de coco qu'il vient de tresser pour nous, des noix de coco vertes qu'il est monté cueillir à l'aube. Ce fut très émouvant.

Un mois plus tard nous aurons des nouvelles de l'île par Altaïr, qui y est passé après nous: Baker et Fernando ont quitté Souvarow sur le bateau d'approvisionnement, John est donc tout seul à nouveau. On a eu beaucoup de chance de profiter de cette ambiance amicale, mais peut être John décidera-t-il à nouveau Fernando à revenir l'an prochain avec lui, en lui promettant de nouveaux monts et merveilles!!!

 

** Très approximativement: "Mon cher John, je vous hais..."


La deuxième étape sera aux Samoa samoanes...

Il y a deux "sortes" de Samoa: les Samoa Américaines, donc culturellement, industriellement, économiquement et obèsement influencées par la puissance tutélaire; et les Samoa Occidentales, indépendantes et réputées très traditionnelles. C'est vers ces dernières que nous avons choisi d'orienter nos voiles. 

C'est encore une longue étape de plus de 500 milles que l'on mettra 5 jours à parcourir: Getaway n'est pas un fin coursier et le vent ne nous a pas vraiment aidés. (60 milles le premier jour...). 

 

La ligne de traîne est restée constamment silencieuse et il n'y a pas eu de protéines marines au menu... Donc, rien à signaler...

 

Ah si: En pleine nuit, nous croisons le premier bateau depuis notre départ de Bora. Enfin, façon de dire, car nous n'apercevons que de loin la lueur de ses lumières de travail. Sans doute un pêcheur. Dans le même temps, nous réalisons que nous sommes entourés de plusieurs feux à éclats éclairant des balises dont on ne sait pas ce qu'elles signalent... 

Peut être les extrémités de sinistres filets dérivants auxquels accrocher la dérive ou les safrans de Getaway??? Adrénaline!!!

Getaway n'accrochera rien mais la veille qui avait tendance à se relâcher reprend ses droits à bord.

 

Nous découvrirons plus tard, à Apia, que ce bateau était un palangrier et que les feux à éclats signalaient l'extrémité des palangres qu'il avait immergées.

 

Retour provisoire à la civilisation urbaine

Le 4 juillet, nous mouillons vers 16 heures à l'abri du port d'Apia. C'est la capitale du pays, et la ville principale de l'île d'Upolu. Nous retrouvons ici la civilisation portuaire et voileuse. A notre arrivée, il y a déjà dix bateaux dans la rade : 4 Américains, 1 Italien, 2 Allemands, 3 Australiens. Les Français commencent à se faire rares.

Les autorités contactées par VHF, dès l'approche du port, nous ont demandé d'attendre le lendemain pour descendre faire les formalités d'entrée: Leur journée est bientôt finie.

Nous réaliserons en arrivant qu'il est ici une heure plus tôt que nous ne croyions... Encore une heure de rajeunissement...

Après une nuit réparatrice, nous débarquons dès le matin, au port de commerce où un petit ponton accueille l'annexe. Le port étant clos et surveillé, on peut l'y laisser en sécurité lors des déplacements à terre. Le bureau du capitaine de port est situé juste au dessus.

Tout en nous faisant remplir ses propres formulaires, le Harbour Master téléphone à ses collègues de l'immigration, du service sanitaire et des douanes qui arrivent tous à son bureau dans la demi heure. Ainsi, après moult papiers remplis, tout est bouclé en même pas une heure.

Vu l'importance de l'influence néo-zélandaise dans ce pays, nous craignions un peu les réticences des autorités sanitaires, au sujet des produits frais. L'inspection du bateau doit dépendre du résultat de l 'interrogation écrite qui est faite sur le sujet et nous n'en avons pas subie. Il leur arrive pourtant de faire une visite des réfrigérateurs. D'autres voyageurs nous confirmeront qu'ils avait été priés de venir à quai pour permette l'inspection de leur bateau.

 

Promenade en ville, à Apia

Avec ses 34000 habitants, Apia est la "grande ville" du Pacifique entre Papeete et les Fiji. Son charme d'ancienne ville coloniale se fait de plus en plus discret, agressé qu'il est par les constructions modernes mangeant l'oxygène des vieilles demeures coloniales en bois qui décrépissent à grande vitesse.

Étalée en bord de mer, la ville offre une promenade agréable de 2 kms qui mène au centre. (Les taxis ne coûtent pas cher et proposent leur service dès la sortie du port, mais en épargnants maniaques, nous gardons cette possibilité pour le retour...)

On y croise une célébrité locale: C'est "l'Aggie's Hôtel" bien connu des touristes américains. L'Aggie en question est une dame qui a fait ses débuts ici avec une petite baraque à frites et hamburgers, du temps de la présence américaine pendant la deuxième guerre mondiale. Aggie et ses descendants ont bien agrandi la" baraque" depuis. L'hôtel actuel, construction récente d'un style néo colonial plaisant, est du genre plutôt luxueux avec bungalows éparpillés dans un parc verdoyant.

Nous y assisterons à une "Fia fia night": buffet- spectacle local Samoan fort agréable. Ce spectacle a l'originalité d'être uniquement assuré par le personnel habituel de l'hôtel (service, cuisines et autres) et d'être d'une grande qualité sur le plan de la musique comme de la danse. Comme la cuisine était bonne aussi, on en fut très contents...

En continuant sur le bord de mer nous croisons une dizaine d'églises de confessions différentes. Les églises sont nombreuses à Apia. (On en recense 16 sur le plan fourni par le "tourism office"). La plus grande et la plus visible est la cathédrale catholique, bâtie sur le front de mer pendant la période coloniale, selon l'idée que peut se faire de N.D de Paris, un architecte disposant de peu de moyens. Sa façade est ornée d'une grande statue de Jeanne d'Arc. Gérard en restera coi plusieurs minutes avant de livrer sa pensée (profonde):

"En quoi et comment, le personnage de Jeanne d'Arc peut signifier quoi que ce soit pour les Samoans, qui non seulement ignorent l'histoire de la France, mais ne savent même pas où elle se trouve?" Les mystères de la Foi sont décidément insondables et nos ancêtres les gaulois ont vraiment la peau dure...

Quelques petits restaurants et bars trouvent un peu de place, entre tous ces lieux de cultes, ainsi que quelques bâtiments indispensables du genre: police municipale, banques, postes. On trouve aussi, seule construction coté mer, le palais du gouvernement. Construit pour ne pas être ignoré, il atteint parfaitement cet objectifs: Depuis la mer, on ne voit que lui. Massif et conquérant. Tout a fait la légèreté d'un hôtel Hilton comme on les construit aux abords des aéroports internationaux...

 

Et un coup d'œil autour

Pour donner un coup d'œil au reste de l'île d'Upolu, le bus est un moyen exotique et pas cher. Comme partout, son emploi demande un peu d'apprentissage. L'office de tourisme, près du palais gouvernemental, offre des horaires qui facilitent un peu le problème. Si aller à l'autre bout de l'île en bus est assez simple, il vaut mieux connaître les horaires pour revenir. Souvent il n'y a qu'un bus qui le permette...

C'est donc en bus que nous partirons un matin vers 10 heures, pour voir le sud de l'île. Le temps maussade au départ a viré très vite à la pluie serrée. Le centre d'Upolu est constitué de montagnes couvertes de forêt "humide". Il semble en effet que cette région soit souvent dans les nuages. Cette ballade sous la pluie nous laissera une impression de morosité.

Au  milieu de toute cette verdure dégoulinante, sont éparpillés des hameaux de quelques "fales"*. Ce sont des habitations ovales, le plus souvent ouvertes et couvertes de toits de palmes. Des femmes tissent, assises par terre sur des nattes. Sur le coté, les lits servent de rangements, recouverts de tissus. Dans chaque village on trouve un "fono", ou fale de réunion pour les assemblées villageoises, ainsi que les inévitables et multiples églises de toutes confessions.

Arrivés sur la côte sud, que nous croyions touristique, aucune installation de ce type n'est visible, le dernier village est aussi désert que les autres et il pleut des cordes. On ne descendra pas du bus qui repart immédiatement vers Apia où nous sommes de retour à midi.

 

* Fale: prononcer Falé; variante locale du nom polynésien des maisons. (Fare plus à l'Est)

 

Avant de s'écarter de l'autoroute, aux confins du royaume des Tonga

Les Tonga: Un archipel et un Royaume

Une légende raconte que le demi dieu Maui, héros bien connu à travers le Pacifique, a pêché une à une les îles Tonga et les a ainsi ramenées à la surface. Cela a meublé cette partie de l'océan d'une multitude d'îles volcaniques réparties en 4 groupes sur près de 700 kilomètres, du sud au nord.

Encore de nos jours, aidé par l'activité volcanique de la région, Maui continue sa pêche patiente car des "îles" supplémentaires apparaissent régulièrement par ici sur les cartes marines.

Le roi Tupou IV règne aujourd'hui sur ce royaume qui a retrouvé sa pleine souveraineté le 4 juin 1970 et obtenu peu après son admission au sein du Commonwealth. Ce royaume est une des plus anciennes structures centralisées de gouvernement de Polynésie avec une histoire pré-européenne et impériale importante.

 

Que nous allons effleurer par le Nord, à Niuatoputapu.

 

Située à l'extrême nord de l'archipel, cette île se trouve à près de 400 km de ses plus proches voisines du "Vavau group".

Nous avions planifié 36 heures pour effectuer les presque 200 milles de cette traversée et arriver de jour, mais bien abrités dans la rade d'Apia, nous avions largement sous  estimé la force du vent. Même avec un ris dans la GV nous sommes allés trop vite et après moins de trente heures de traversée, c'est au milieu de la nuit du jeudi 18 juillet que nous arrivons en vue de l'île... Enfin justement pas en vue, parce que sans lune, on n'y voit rien du tout... Notre carte nous montre une passe très étroite que nous ne saurions emprunter de nuit. 

Pour échapper à une séance de 7 ou 8 heures de cape dans une mer assez agitée, on tente de venir mouiller sous le vent de l'île, à une centaine de mètres à l'extérieur de la barrière. Sans un poil de lune mais en s'aidant des radar, GPS et sondeur, sans mépriser le pifomètre, on mouille l'ancre par une quinzaine de mètres vers 1 heure et on Dort... Le lendemain vendredi, nous nous réveillerons bien reposés... Et bien près du platier...

Dès que le soleil est assez haut, nous rallions l'entrée de la passe qui se confirme étroite et longue (de l'ordre de 20 mètres sur près d'un demi mille) mais pourvue d'un alignement très précis et efficace. On peut noter au passage que ce dernier est éclairé. Cela permettrait à des navigateurs nocturnes et aventureux... 

Pour notre part, nous mouillons à 10h30 dans les eaux calmes du lagon.

Comme toujours emplis de zèle civique, nous lançons des appels VHF aux autorités, histoire de signaler notre entrée. Personne ne répond de la journée et le lendemain, on n'essaie même pas: c'est samedi et donc fermé. Dimanche, alors que nous débarquons pour faire un petit tour à terre, nous croisons sur le quai un groupe de fonctionnaires apparemment en fonction et qui nous interpellent.. C'est ainsi que nous découvrons que les Tonga vivent à l'heure des Fiji, de l'autre côté de la ligne de changement de date, et qu'ici nous sommes déjà lundi... Surprise

 

 

Une île, au fin fond du traditionalisme rural.

Elle est habitée par 1160 personnes, organisée en 3 villages sur les 6 kms de sa côte nord et est dotée de 14 églises. Une fois par mois un cargo vient la visiter avec le ravitaillement. Durant notre séjour, nous assisterons à l'événement qui a occupé une bonne partie de la population de l'île, toute une journée sur le quai du village... 

Après ce passage, on s'attendra, en bonne logique européenne, à trouver une épicerie bien fournie. On découvrira bien celle ci: une grande pièce au sol entièrement encombré de tas de cartons plus ou moins éventrés, remplis de denrées diverses (nouilles, liquide vaisselle, gélatines, lait, bière.... etc.) mais aucun produit frais. Et GG de répéter depuis: "c'est la Première fois, en Quatre ans qu'on ne trouve pas de poulet surgelé à vendre!" Même aux San Blas où ils ne pédalaient que le jour pour avoir de l'électricité (comprenez qu'ils coupaient les congélateurs la nuit!!!) il y avait du poulet. 

Eh ben ... Mais qu'est-ce-qu'ils mangent comme viande?"

Réponse: Du porc local : Ces petites bêtes noires et roses, courent partout autour des villages et bouffent tout ce qu'elles trouvent, sur terre comme sur le platier à marée basse. Ceci explique que les cultures vivrières sont, elles, bien enfermées derrière un grillage, haut et hermétique. Le contraire de chez nous quoi où on a tendance plutôt à enfermer les bêtes.

On trouve tout de même une boulangerie, avec du pain blanc frais tous les jours. Quand il reste de la farine sur l'île...

Le village principal, où est concentrée l'administration, est situé à deux kms du mouillage. Le parcours à pied est ombragé et agréable. Nous le ferons aussi à bicyclette, malgré les nids de poules monstrueux à éviter dans un slalom permanent sur un chemin plus ou moins revêtu de soupe de corail. 

Quand on y arrive, on découvre d'abord le Dispensaire (C'est là qu'officie le Health Officer à qui on doit régler la taxe d'inspection de la santé publique); ensuite ce sont des farés (pour la plupart en tôle), disséminés sur la lande ensablée, qui se partagent assez anarchiquement l'espace avec des écoles et des églises (les unes et les autres étant fréquemment associées). Au bout de la "rue" principale, à droite après la poste, on trouve le bâtiment abritant Douanes et Immigration (deuxième arrêt pour régulariser ce qui n'a pu l'être à  bord ). Jouxtant ce bâtiment: la Prison, qui n'est pas très rébarbative avec ses prisonniers qui réparent eux mêmes les barreaux de leurs fenêtres, dans le jardin non enclos. Mais c'est vrai: par quel moyen pourraient ils s'enfuir d'ici?

En face de la prison: la Banque....Le décor est planté pour le western...sauf qu'on n'a pas repéré de Saloon... Enfin si: Sur un paradis de plage, séparé du village par un petit bras de mer qui découvre à marée basse on trouve le seul hôtel de l'île. Tenu par un couple européen, c'est le "Palm Tree Resort". Nous y organiserons un dîner avec les autres bateaux du mouillage, chacun apportant ce qu'il veut. Ce sera une soirée internationale très sympa.

Les "officiels" hommes et femmes portent tous le lava lava dans l'exercice de leurs fonctions, avec par dessus des jupes de fibre de pandanus, qu'ils fabriquent sur l'île: le "ta'ovala" . Celle des hommes est constituée d'une plaque enroulée sur les hanches (comme une natte ); celle des femmes est faite de bandes joliment tressées qui se balancent, attachées à une fine ceinture. Il y a manifestement une volonté d'originalité créative, au niveau du tressage ou de la teinture. Les enfants des écoles ont tous ce costume.

L'école a l'air d'être prise très au sérieux ici; au moins en ce qui concerne le primaire. Pour la suite il faut aller sur l'île principale, à près de 400km plus au sud. Le "truc" c'est alors d'appartenir à une église qui a des écoles là bas, afin d'y envoyer ses gamins pour pas trop cher (par exemple, les méthodistes ou les mormons) Il s'agit donc de se convertir assez tôt et de ne pas se tromper d'église, quand on a des gamins... Il faut être prévoyant... Ou changer de croyance en cours de route. Les agnostiques n'ont qu'à rester tisser et gratter le sol sur l'île.

Encore plus isolée, Wallis nous attire au bout du bout de rien...

Wallis est en effet située à l'Ouest des Samoa, dans la direction de... Rien... Bien à l'écart des routes maritimes.

Possession française, seulement connue des érudits, des fonctionnaires expatriés et des philatélistes, cette île nous paraît bien mystérieuse. C'est pourquoi nous voulons la découvrir avant d'aborder les Fiji.

 C'est une île entourée d'une barrière de corail émergente et dotée d'une passe navigable pour accéder à son lagon. Les instructions nautiques invitent à se méfier de cette passe, par mer forte: Il conviendrait alors de tenir le plus grand compte du courant de marée pour éviter de forts brisants à son approche.

 

Depuis Niuatoputapu, c'est une traversée de quelques 210 milles au Nord Ouest

Prévoyant de couvrir cette distance en 36 heures, à la moyenne de 6 nœuds, nous partons en fin de soirée pour arriver dans la matinée devant la passe de Wallis. Là encore, le vent est plus fort que prévu et ce voyage prendra moins de 30 heures, au portant sous voilure très réduite, en roulant à 7 nœuds comme des malades sur une mer très agitée.

Le jeudi 1er août vers 4 heures, on met à la cape à 6 milles de la passe d'entrée pour attendre le jour. La mer est grosse, déferle derrière nous et on se fait ballotter. On essaie toutes les couchettes, à l'avant, à l'arrière, sans vraiment trouver le repos.

Fort de ses lectures à propos de la passe et compte tenu du temps et de l'état de la mer, l'équipage est assez inquiet. Notre inquiétude est simple à définir: si cette passe est impraticable (ça lui arrive) nous devrons continuer vers les Fiji, ce qui veut dire 4 jours de mer de plus.... Vu l'état de celle qui nous porte aujourd'hui, cette perspective fait baisser le moral des troupes, car on en a un peu marre de se faire secouer et ne manger que de la soupe et du fromage blanc.

A 8h, nous approchons prudemment de la barrière, pour reconnaître les abords de la passe et nous tentons un contact VHF pour obtenir, de pratiques locales compétentes, des renseignements à jour. Appel aux Autorités portuaires??? A la Gendarmerie??? Rien, personne ne répond... Ah si! Quelqu'un se manifeste: "Ici Michel.... A mon avis, la passe est praticable... Le mieux c'est l'étale de marée basse, mais jusque vers 9 heures 30 vous devriez pouvoir entrer avec le courant de marée montante. Je vais signaler votre appel par téléphone aux gendarmes... mais ils ne sont pas arrivés à leur bureau. Il est 7h ici et moi je vais partir travailler. J'enseigne au CES... ".

Eh oui, nous croyions qu'il était 8 heures mais nous avons encore pris une heure de décalage... Depuis notre brusque vieillissement le jour du changement de date, nous recommençons à rajeunir régulièrement...

Un peu plus tard, le relais VHF sera repris par Jacques, car les Gendarmes ne nous entendent décidément pas. Puis nous entendrons Pierre nous conseiller d'attendre un peu car depuis chez lui, sur les hauteurs, il voit du beau temps derrière le grain qui parcourt l'île en ce moment et bouche toute visibilité. Devant l'entrée, on ne voit effectivement strictement rien... Demi tour donc, histoire de continuer à se faire secouer et pour attendre un peu.

On revient vers 9h30, assez fermement décidés. On ne voit toujours pas l'alignement prévu, mais sur les conseils de Jacques on aligne la pointe d'un îlot proche, par le milieu de deux balises dans la passe, et on y va... L'amer officiel, sur l'île au loin, ne sera jamais visible mais on s'en passera. Dès l'entrée de la passe, la mer se calme, ça bouillonne pas mal, mais ça ne déferle plus; ça repose de ne plus sentir les grosses vagues dans le dos. La passe en paraît d'autant plus large.... Ca y est, on est dans le lagon...

Pour atteindre le mouillage convoité il y a encore 1 heure de navigation, les grains risquent de nous cacher les alignements, mais on est tellement contents d'être au calme, que cela nous semble du gâteau. On croise bientôt, une vedette (les Douanes) mise à l'eau pour venir nous "chercher". Ils sont contents qu'on soit bien entrés... Et nous aussi!!!

Nous qui aimons d'habitude faire des arrivées discrètes, cette fois nous sommes servis... Toute l'île doit être au courant... (Vérification faite plus tard: elle l'était)

A 10h30, nous mouillons à Gahi (prononcer gnahi), deuxième bateau de la baie, à coté d' un prédécesseur battant pavillon suisse.

 

Wallis notre Friendly Island à nous...

 

Michel, Jacques, Pierre et les autres...

L'assistance VHF exceptionnelle dont nous avons bénéficié lors notre arrivée à Wallis nous fut d'un apport moral considérable. Depuis, nous allumons notre VHF sur 16 à chaque atterrissage. Cette veille resservira plus tard à l'arrivée d'autres bateaux ici, pour leur donner des tuyaux rapides sur les mouillages, les devoirs et obligations locaux...

Mais cette prise de contact radio, en faisant connaître notre arrivée, a aussi déchaîné les bonnes volontés locales et nous avons bénéficié ici d'un des meilleurs accueils que nous ayons rencontrés depuis notre départ.

Pierre nous fera effectuer les formalités d'entrée.

Getaway à peine mouillé, Pierre, jeune et fringant retraité, demeurant à  Wallis depuis six mois (Il a suivi ici son épouse Dominique, qui travaille ..Elle), nous appelle à la radio et nous propose son assistance et son véhicule pour nos première démarches wallisiennes. Rendez vous est pris pour le début de l'après midi au débarcadère de l'anse de Gahi d'où il nous emmène faire les formalités d'usage.

Gendarmerie puis douanes et c'est tout. Comparées à celles que nous imposent les "dépendances néo zélandaises", les démarches françaises sont une promenade d'agrément faite de sourires, de discussions intéressantes et de services rendus. Personne ne se soucie de savoir où on va jeter les épluchures de nos oranges Samoanes, ni d'où viennent nos yaourts et autres laitages... Cette insouciance française expliquerait- elle l'invasion de la vache folle?

Michel nous emmènera faire un tour des musts de l'île.

Michel qui fut notre premier interlocuteur radio wallisien nous appellera dès que revenu du travail, pour se mettre, ainsi que son véhicule, à notre disposition. Là aussi rendez vous est pris au ponton de Gahi pour le mercredi suivant, son jour de repos.

Il nous guidera au long d'une ballade qui nous donnera un aperçu des beautés de l'île. Vue panoramique sur la passe d'entrée qui nous a causé tant de soucis, visite de la côte ouest et de l'intérieur. Nous ferons un premier tour des sites archéologiques dont Wallis est riche et qui font l'objet de fouilles sérieuses et de restauration depuis quelques années. La visite d'un cratère volcanique absolument étonnant - parfaitement cylindrique, bordé par un à pic vertical d'une trentaine de mètres et inondé (Le lac Lalolalo) - se terminera en débandade, sous les assauts d'une redoutable armée de moustiques qui en garde les abords.Nous terminerons ce tour par un petit coup à boire dans la magnifique maison du couple, construite avec vue panoramique sur le lagon, et entourée d'un jardin arboré digne d'un professionnel. Celui ci est l'œuvre de sa femme Anaïs, Wallisienne aimable qui a la main très verte, en dehors de son travail dans l'administration locale.

Dominique guidera nos premiers pas d'archéologues

Nous effectuerons avec Pierre et Dominique une visite historique guidée du fort de Kolonui. C'est le plus facile à visiter, et le mieux restauré des vestiges archéologiques Tongans situés sur Wallis. Ces nombreux systèmes défensifs ont été construits au XVème siècle de notre ère et sont assez bien conservés.

"Ce fort mesure 7km sur 5 dans ses plus grands axes. Il est délimité par un mur d'enceinte qui peut atteindre 15m de large et 4 m de haut et bordé d'un fossé. Il a été construit autour de la résidence du Talietumu, avec de gros blocs de basalte noir et est constitué de plateformes, de dômes ,de chemins empierrés, de postes de guet dans les murailles...". Tous ces éléments de décor noirs et massifs qui se détachent sur l'herbe verte rase, donnent réellement un sentiment de très grande puissance. Les Tongan ont visiblement réussi à créer l'impression voulue.

Nous redécouvrirons aussi les" joies "du stop

Il ne faut quand même pas se ramollir et prendre des habitudes de luxe avec voiture et chauffeur au débarcadère...

Après l'ascension d'une petite côte longue de 300m, on rejoint à pied la RT1. Là nous levons un peu le pouce et attendons en général très peu de temps car tout le monde ici sait que:

1/ il n'y a pas de bus

2/ les seuls locdus à faire du stop sont forcément des gens de bateaux, vu que les autres "papalagi" (prononcer papalagni et comprendre "Blancs" et plus généralement "Non Wallisien" arrivé pas avion) sont Tous connus, reconnus et que de toutes façons ils ne font pas de stop puisqu'ils ont tous leur voiture.

A priori, nous sommes donc des individus étiquetés non dangereux , plutôt paisibles et pas trop mal vus. On est donc vite pris en stop... Par d'autres papalagi, ou par des wallisiens pur jus.

En dehors du fait que tous les gens ici le font spontanément par gentillesse, on peut affirmer que nous constituons pour eux une "attraction exotique". Il est indéniable aussi que le barrage de la langue n'existant pas, les échanges sont aisés , enrichissants et agréables.

On essaiera ainsi Tous les styles de voitures: La jeep 4X4 Toyota, le pick up à plateau (on est alors chargés à l'arrière avec les enfants et les provisions), la Peugeot dernier cri ( Le frigo ambulant avec sa clim à fond) ou bien la vieille caisse défoncée qui crache ses derniers boulons et dont la clim est complètement nature.(On peut suivre la route à travers la dentelle du plancher).

C'est ainsi, par la magie du stop, que nous ferons la connaissance de Gladys et Jean Marc

A peine embarqués, nous nous retrouvons invités à dîner chez eux (Encore! nous direz vous? Et oui on est des veinards...). Lors de cette soirée, nous découvrirons encore de nouveaux amis: Any et Rachid, Catherine et Jean Pierre, plus... les enfants des uns et des autres... Super bouffe et ambiance hot, intello et tout...

Gladys et Jean Marc forment un couple d'enseignants expatriés. Ils sont ici depuis environ 7 ans et nous donneront une vision riche et prudemment objective de l'île et de la coexistence des locaux et des papalagis: Les Wallisiens restent la plupart du temps entre eux (comme en Polynésie) et même dans le cas des couples "mixtes" la concordance d'intérêts intellectuels ou occupationnels est rare. Mais la courtoisie est toujours présente.

Any et Rachid

Eux aussi sont ici depuis de longues années, elle est enseignante et lui dans les affaires.

Any nous a emmenés un peu plus tard, faire une visite du nord de l'île. Cette zone est encore assez sauvage, mais les fales traditionnels, peints de couleurs pastel y sont mignons tout plein. En dehors du sud, l'île est encore à l'état brut. Il y a peu de routes, et seulement quelques pistes. Si vous quittez les R.T. (Routes Territoriales) qui sont les seules goudronnées, il vaut mieux avoir un 4X4 pour ressortir des fondrières glissantes.

 

Les fêtes traditionnelles de Wallis

Organisées régulièrement par chaque district de l'île, il y en a deux, plus importantes, à ne pas rater: celles du 14 juillet et du 15 août.

Ayant manqué la première, nous avons décidé de rester pour la seconde et nous avons même pressé nos amis François et Françoise d'Altair de mettre le turbo pour nous rejoindre (depuis les Samoa) à cette occasion. Vive Internet...

 

Comme toujours par ici, les choses commencent par le spitituel

Le 15 Août les festivités débutent à sept heures par une grand messe dans la cathédrale, en présence de sa majesté le Roi et de tous les chefs qui comptent sur l'île (Wallisiens et métropolitains). La messe dure deux heures au bas mot, et se termine par de très beaux chants choraux.

L'allée centrale de l'église est arpentée par des gardes en costume local, armés de grands bâtons (genre garde suisse). Ils sont chargés de maintenir l'ordre durant la cérémonie. Les portes sont ouvertes et permettent aux jeunes mères de familles assises par terre, dehors ,avec les plus jeunes enfants, de participer d'une oreille à l'office.

Les petites filles sont habillées de volants, de tulle et de rubans; très décorées en bref. Les jeunes filles, vêtues de blanc virginal sont présentées à la Sainte Vierge. Nous avons retrouvé là un équivalent local du défilé des "enfants de Marie" des Pardons de notre enfance bretonne. Ceci confirme une nouvelle fois cette impression répétitive, depuis notre départ, de se retrouver plongés dans la France d'il y a 50 ans.

Après cette cérémonie vous êtes invités à participer à l' agape servi dans le bâtiment qui jouxte la cathédrale. Boissons diverses (carrées et rondes), poissons, viandes, légumes, crevettes, gâteaux , fruits. Le tout à profusion. Il n'est pourtant encore que 10 heures du matin... Malgré notre petit déjeuner proche, on ne résiste pas au porc grillé, ni aux crevettes locales... On n'essaiera quand même pas le Whisky...

Pour se poursuivre dans le temporel.

Tout se passera ensuite - 50 mètres plus loin - sur l'esplanade devant le Fale Royal. Et là on ne rigole plus!!!

A la porte du Palais, les Notables, Chefs et représentants de la France ont pris place autour du Roi selon un protocole très strict. Le Fauteuil du Roi est légèrement surélevé par rapport aux autres sièges. C'est la seule marque distinctive, mais le roi est supposé occuper une position plus élevée que chacun des assistants.

(Dès notre arrivée dans la zone de la cérémonie, les "gardes Suisses" nous ont poliment mais fermement demandé de nous asseoir découverts: personne ne doit rester debout face au Roi durant cette cérémonie, hormis les officiants. Nous nous sommes donc assis dans l'herbe de l'autre côté de la route face au Palais.)

Devant le roi, se trouve un grand espace dont le centre est vide et sur les cotés duquel sont disposées les offrandes des communautés de l'île:

Ces offrandes sont alignées en tas réguliers constitués de sacs de fruits, de taros, de farine, de sucre, de riz et de toutes denrées précieuses dans l'île. Sur chaque tas trône un gros cochon juste sacrifié. Certains comportent des travaux réalisés par les femmes: nattes, tapis... Tous sont étiquetés au nom du donneur: les plus gros proviennent d'entreprises et d'administrations, les plus petits de personnes privées. Une bonne centaine de cochons morts pointent ainsi leurs pattes vers le ciel. Vus de loin, il semblent grillés.... En fait ils sont seulement brûlés au chalumeau et donc crus à l'intérieur. Ces bêtes vont rester au soleil (et quelquefois sous la pluie) de 7 heures du matin au milieu de l'après midi, pour être pour partie consommées ensuite. Chaque fois l'hôpital reçoit le lendemain son lot de gastro-entérites.

Au cœur du rituel traditionnel: la cérémonie du Kava:

Un groupe de Wallisiens costumés s'installe par terre, au centre de l' espace devant le roi: Assis en rangs, lui faisant face, les jambes croisées. Devant eux, le récipient à faire le Kava.

Le rite commence alors; qu'on ne pourra pas vous résumer sérieusement, car on n'a pas tout compris. On a retenu ceci:

Des officiants vont d'abord présenter au Roi les racines de Kava pour lui en faire don. Ils vont ensuite les broyer dans un bol et en préparer une boisson. Cela s'accompagne de force allers retours, valses hésitations et gestes rituels spectaculaires qui restent très mystérieux pour nous. Tout cela est commenté haut et fort par "l'homme qui parle", assis à coté du roi.

Quand la boisson est prête, les officiants remplissent une demi noix de coco du précieux liquide et vont l'offrir au Roi.

Ensuite, par une série d'allers retours, ils vont en apporter un bol à tous les Grands personnages assis devant le Palais. L'ordre de distribution est scandé par "l'homme qui parle" et est très important. Il peut varier suivant les cérémonies et montre ainsi à tout le monde l'ordre d'importance (provisoire?) de chaque invité... Vous apprenez à cette occasion si vous êtes bien en Cour, ou relégué en queue de peloton. A condition toutefois de bien connaître le code, car il est subtil: On est servi par ordre décroissant d'importance, mais les tours impairs sont plus importants que les pairs. Par exemple, le préfet français est servi en troisième, après le second qui est un notable wallisien... On peut se livrer ainsi à des subtilités toutes diplomatiques...

Cette cérémonie dure des heures, en plein soleil (sauf pour les notables qui sont installés à l'ombre du royal balcon)

Viennent ensuite les Chants et les Danses.

Après le Kava, des groupes d'hommes et de femmes représentant chaque District de l'île, produisent successivement devant le roi un spectacle de chants et danses. Du même type que celles des Samoa, les danses sont assez statiques et se résument souvent à des mouvements des bras, des mains et de la tête. Les missionnaires ont mis le holà aux déhanchements voluptueux des Wallisiennes d'origine. On ne trouve ces déhanchements qu'à Tahiti, depuis le revival du tamouré après son interdiction religieuse.

Tout ce spectacle, pour surprenant qu'il soit, reste tout de même un peu austère et arrive à nous ennuyer assez rapidement. Nous quitterons "prématurément" les lieux de fête vers 11 heures pour aller boire un coup au calme, alors qu'il devait y avoir encore deux bonnes heures de chants et de danses.

 

Même dans les paradis amicaux, il nous faut remettre en route. Telle est la condition des navigateurs errants...

 

Des informations météo en contradiction avec la perception locale du temps, les rapports de mer des nouveaux arrivants qui se sont brutalement fait secouer depuis les Samoa (François-Françoise, puis Georges-Claude) ont provoqué pendant plusieurs jours  une valse hésitation de départ qui se terminera par un séjour supplémentaire, sous le vent d'un motu non loin de la passe.

Mais on n'est quand même pas payés pour rester sans rien faire, alors il faut y aller. On a déjà quasiment un mois de "retard" par rapport au projet initial. Heureusement que nous n'avons aucun rendez vous à honorer... Ou est-ce pour ça que nous avons traîné???

Enfin, le lundi 26 août à 14h on se décide quand même à quitter le confort du mouillage pour l'inconfort de la mer...

 

 

Avec un ris dans la G.V. nous visons cette fois l'archipel des Fiji.

Une heure plus tard, après avoir tâté de la pleine mer et celle ci étant fort clémente, on renvoie le ris et on continue "Travers Bâbord amure", tout dessus. Beau temps, bon vent, belle mer, et pour couronner le tout: belle daurade coryphène prise vers 17h.

Comme dit le capitaine: "C'est comme ça que j'aime le bateau, bien plat, glissant dans la vague sans à-coup, permettant de faire des petits plats, et surtout de les apprécier..." Bref on est heureux et provisoirement réconciliés avec le Pacifique.

Les deux jours qui suivent verront le ballet habituel: on tangonne, on détangonne, on recommence sur l'autre bord. Puis le vent va tomber et tout sombrera dans le véritable crachin irlandais. Quand le vent se réveillera, ce sera vers minuit et du Sud Ouest, alors que nous sommes à l'orée de l'archipel, avec encore une soixantaine de mille à parcourir dans cette direction, sous une pluie constante.

Le moteur aidera la progression, mais pour la navigation, il faudra faire bougrement confiance au GPS et aux cartes, car sous la pluie, nous ne voyons rien du tout. On découvre le premier récif fijien, aux abords de la passe de Savusavu Bay, alors que nous en sommes à moins d'un quart de mille; sans aucun écho radar évidemment... Dans des parages où, même par beau temps, il est recommandé de mettre un guetteur à l'avant...

A quelques milles de Savusavu (oui, on savait quand même en gros où on était...), nous tentons un contact VHF avec les autorités portuaires. Tout ce que nous obtenons, c'est quelqu'un qui se présente comme "???? marina" et nous conseille de prendre un mouillage "rose" à notre arrivée. En arrivant dans l'entrée du port, nous constatons qu'une bonne vingtaine de voiliers nous y ont précédés, qui se balancent tous amarrés à une bouée rose ou blanche.

Cette histoire de couleur de bouées, amorce une concurrence pour les revenus du mouillage, entre le Yacht Club existant et un petit nouveau, à la prospection plus agressive (c'est ce dernier qui exploite les bouées roses...)

Ainsi, le 29 Août vers midi, nous prenons un corps mort rose, devant le Yacht Club de Savusavu qui s'appelle "The Coprah Shed Marina".

Savusavu : une excellente porte d'entrée aux Fiji.

Le port de Savusavu est situé entre la côte et une île toute proche. Cette situation lui donne l'aspect général de l'entrée d'une ria britannique ou bretonne. Le bâtiment qui abrite le Yacht Club, construit en bois au bord de l'eau à la mode d'un entrepôt de coprah du début du siècle, ferait plutôt pencher la balance pour le britannique. Nous n'avons pas rencontré beaucoup de Yacht Club sur notre parcours, depuis les Antilles: Cartagena de India, Colon puis Panama. Celui ci, est du genre "Typically English" bien agréable, qui permet de rencontrer les autres équipages, jauger sans s'engager, croiser , bavarder, échanger...

C'est là aussi que s'organise par VHF, le contact avec les autorités ad hoc pour les formalités d'entrée aux Fiji: On nous a conseillé de ne pas quitter le bord et d'attendre la venue des fonctionnaires compétents. On attend donc sagement.

 

Un douanier arrive effectivement... Papiers remplis sans beaucoup de questions, il repart sans commentaires...

Le représentant de la santé arrive une heure plus tard...  Déclarations diverses de bonne santé... Pas de commentaires non plus... Seulement des droits d'inspection de 35 dollars fidjiens, à payer dès que possible à l'hôpital du lieu.

 

Ma foi ça a l'air fini pour l'instant et on décide de rendre une visite au yacht club...

 

Le lendemain matin, au cours du petit déjeuner, on voit arriver un nouveau personnage officiel... C'est l'agriculture! On aurait dû s'en douter: on n'est plus dans la sphère d'influence française. Ce visiteur se révèle très gentil et ne nous fait rien jeter... Ouf! On avait quand même planqué le jambon cru... A tout hasard...

Nous rencontrerons incidemment, le fonctionnaire de l'immigration, assis à la terrasse du Yacht Club, en train de remplir en série les formulaires d'entrée de tous les équipages présents. Nous en profiterons donc aussi...

Et c'est ainsi, très gentiment et sans trop d'efforts, que s'effectuent les formalités ici... Cela permet de ne pas perdre  trop de temps à des choses sans importance et de se consacrer à l'essentiel: faire des connaissances nouvelles et boire des coups avec ces dernières... 

Marc, Alexia, Annette, Manu, Marcel et les autres

Aussitôt arrivés, nous sommes hélés par les occupants d'un bateau français. C'est un groupe de cinq jeunes marseillais. Enfin, c'est ce qu'ils nous ont dit, car bien qu'ils "parlassent" beaucoup, ils n'avaient pas la moindre trace d'accent. A leur rencontre, l'équipage de Getaway a pu se regonfler d' illusions sur sa compétence et son utilité: Anyvonne en éblouissant les petites jeunes, par ses recettes de cuisine, dont celle de la tarte au fromage; Gérard en réglant avec Marc quelques problèmes techniques un peu têtus, à bord de "Yari Yenla".

Eh oui, vous avez bien lu, ce n'est pas un rébus, c'est le nom du bateau. Facile à prononcer aux contrôles douaniers... Un peu comme Kost Ar C'hoad... Il faut être respectivement marseillais ou breton pour apprécier pleinement la saveur de ces noms.

Sur ce bateau, on a la passion des mots et des jeux associés. Ca y provoque des débats dans un langage très "High Level", où les néologismes fleurissent en riant. Les idées aussi... La dernière trouvaille était "rémaner". Le sens n'en était pas très clair pour tout le monde mais il faut bien admettre que ça a rémané un max pendant tout notre séjour avec eux. 

Un séjour qui durera une bonne semaine, parce que la chaleur du bar le rendait idéal pour ignorer la météo parfaitement dég... qui s'était installée depuis notre arrivée.

 

Le Yacht Club: une aide efficace pour attendre des cieux plus cléments.

Et cette efficacité est à son top le vendredi soir. L'endroit est alors bondé et l'ambiance bat son plein: les tournées de bière en pichet valsent comme à Munich, les commandes de pizza géantes se succèdent.. ça parle fort, ça rit fort... En anglais, en français, en allemand... En Fijien aussi...

Avec l'équipage de Yari, nous en profiterons pour retraverser, les pieds au chaud, tous les coins difficiles entre Paimpol et les Fiji, en faisant à cette occasion le tour de la méditerranée. Toutes les pannes seront passées au peigne fin et toutes les recettes de la cuisine française seront commentées, critiquées et enfin retranscrites pour un meilleur avenir des futures générations d'équipages.

Bref on a  rémanéunmaxayariyenla  (on se comprend), durant une semaine.

Malgré tout ça, notre destin d'errance commande le mouvement et il nous faut partir visiter les Fiji avant de préparer notre traversée vers la Nouvelle Zélande. Ce seront d'autres impressions, sûrement d'autres rencontres et certainement un autre numéro de l'ARB.

 

Crédits Photographiques:

Marc sur Yari

Francoise et Francois sur Altair

Pierre de Wallis