LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
Un tour en Amérique du Sud - Journal de bord 1ère partie
N°39 - Octobre 2012

 


 

Retour vers le Voyage...

A la Toussaint 2011, après tout un été passé en France, nous sommes revenus au Brésil; juste pour une semaine, le temps de préparer nos bagages pour un voyage de trois mois, que nous souhaitons faire à travers le continent sud américain.
Nous prévoyons un itinéraire en zig zag, articulé autour de 4 étapes incontournables:

  • Les chutes d'Iguacu, toutes proches, pour commencer
  • Bogota pour le Noël de Selva (notre petite fille qui vit là bas)
  • Cusco et le Machu-Picchu  ensuite
  • La Terre de Feu et Ushuaia enfin .

Beaucoup de bus en perspective... Un peu d'avion aussi... Et surtout une étape en cargo mixte qui nous permettra de découvrir les canaux de Patagonie et le canal de Beagle, sans avoir à y aventurer l'étrave de Getaway. En effet nous ne voulons pas affronter le Cap Horn, ni même le Canal de Magellan, avec notre bateau; nous laissons ça aux "vrais marins"…
Pendant ce voyage, Getaway nous attendra donc à la Marina de Porto Bracuhy, au fond de la baie d'Ilha Grande, dont on a déjà parlé dans le précédent numéro.

Premières aventures brésiliennes.

Notre avion Paris-Rio atterrissant au Brésil autour de 19 heures, nous avons prévu de passer la nuit en ville avant de rejoindre Porto Bracuhy le lendemain matin.
Il fait nuit noire quand nous quittons l'aéroport de Rio dans une voiture de location, avec dans la poche une petite carte "google" du centre ville, pour trouver notre hôtel.
On trouve assez facilement le quartier - qui se révèle être un des coins "chauds" de Rio... Un dédale de ruelles... Des plaques de rues mal éclairées ou absentes.. Bref, un quartier où il n’est pas aisé de trouver son chemin… Surtout la nuit, quand tous les chats sont gris et que les rues étroites se ressemblent... Dans une ambiance très "mystères de Paris"...
On erre une bonne demi heure dans ce labyrinthe, entre des trottoirs peuplés de créatures de rêve, façon bois de Boulogne... On hésite à les distraire de leur travail pour demander des renseignements.... Surtout en portugais.
Ca tourne un peu en rond... On a la conviction que la rue de l'hôtel n’est pas loin, mais ça fait quand même trois fois qu’on passe au même endroit sans avoir trouvé...
Tout à coup Anyvonne, au poste de navigateur, hurle  : elle croit avoir aperçu à droite la plaque tant recherchée... Trop tard... On est suivis de près et la marche arrière n'est pas possible… Encore un tour du quartier...
Au passage suivant, on s'engage dans la ruelle repérée, mais ça bloque très vite devant une voiture qui vient en sens inverse. Pas de place pour se croiser, et l'autre chauffeur n'a pas l'air content... Il a raison: on a pris la rue en sens interdit! On recule donc...
Comme on n'a pas vraiment envie d'aller chercher où se trouve l'autre extrémité de la rue, on y retourne immédiatement, dans le mauvais sens, roulant le plus vite possible en espérant ne croiser personne!
Et ça marche... Sans nouvelle mauvaise rencontre, on atteint rapidement l'hôtel et son garage. Voiture et bagages seront en sécurité pour la nuit (ça parait important par ici).

Reprise de contact avec le bateau.

Le lendemain la route vers Angra dos Reis et Bracuhy, le long de la baie "d'Ilha Grande", a des allures de "grande corniche" entre Nice et Menton...
A la marina, Getaway flotte toujours et nous retrouvons notre "home" avec plaisir... Sans pouvoir nous y attarder, car l’avion prévu pour notre première étape part dans moins d'une semaine...
D’ici là, nous aurons quand même le temps d'aller traîner à Paraty pour y assister à un petit festival de jazz de deux jours.
Là, nous constaterons une nouvelle fois que le "sentier marin" autour du monde est diablement étroit... En effet nous y croiserons Jean et Martine, un couple de navigateurs bretons que nous avons connus au Kenya il y a deux ans, puis croisés à nouveau l'an dernier en Afrique du Sud, à Richard's bay . Ils sont arrivés au Brésil depuis un an et sont maintenant en route vers le Pacifique, via les canaux de Patagonie...
Des courageux qu'on admire, quoi!!!
Peut être qu'on les croisera à Ushuaia, quand on y arrivera en Ferry en Janvier ou Février…

C'est parti pour trois mois… On commence par l’Argentine

Ça y est, nos bagages sont prêts et le temps est venu d'embarquer pour notre périple sac à dos.
La première étape est assez courte, de Rio à Foz de Iguacu, où l' avion nous déposera en début d'après midi, après une heure de vol. A l'hôtel, réservé via internet, l'accueil est assuré par une jeune américaine qui parle un français parfait, presque sans accent... C'est suffisamment rare pour être mentionné!

Ce sera notre seule bonne surprise dans cette ville qui se révèlera par ailleurs sans grand intérêt. On a marché pas mal et réussi à dégoter deux fois un resto convenable, mais l'ambiance urbaine est très molle, les rues tracées au cordeau et rien n'est folichon. Mais ce n'est pas pour la ville que nous sommes venus ici  ; les vedettes de cet endroit, ce sont les "cataratas", c'est à dire les chutes.

Que d'eau, que d'eau

Trois sites se disputent le titre de "champion du monde des chutes d'eau": Niagara falls aux USA, qui est le plus célèbre, les chutes du Zambèze en Tanzanie et celles d'Iguacu au sud du Brésil. Nous avons raté de peu les secondes lors de notre passage en Afrique, et nous avons bien l'intention de voir à quoi ressemblent les troisièmes!

Tout près de l'hôtel, nous empruntons "l'onibus 120" jusqu’à l'entrée d'un parc immense qui a été créé autour des chutes pour accueillir leurs visiteurs. Derrière l'importante billetterie et les quelques boutiques de souvenirs qui en défendent l'accès, le "bus du parc" dessert un circuit dont chaque arrêt offre un point de vue différent sur les cataratas. Nous même descendons à la "parada trilha" d'où part un sentier menant, le long de la rivière, vers le pied des cascades.
Les premières que l'on aperçoit sont déjà importantes, mais à un détour du sentier, l'ensemble du site se dévoile d’un coup... Entièrement... C’est très impressionnant... Il y en a plein!!! Hautes, larges... Bruyantes... La puissance qui se dégage du spectacle est effarante.
Progressant de points de vue en belvédères, nous atteignons bientôt un kiosque qui donne accès à une passerelle permettant d'aller tutoyer les chutes à mi hauteur et de très près.
Alors là, c'est le clou du spectacle: au milieu, dessus, dessous... Nous sommes immergés dans un nuage d'embruns.
Le bruit est assourdissant... Une locomotive au galop...
Abrupte, immense et totalement noyé dans la vapeur d'eau, l'endroit s'appelle la "Garganta del Diablo – (Gorge du diable)".
Comme toujours, les lieux où se produisent des phénomènes naturels impressionnants ou mal expliqués, sont réputés abriter Dieux et Diables.
Nous sommes là vraiment au cœur du spectacle, émus par toute cette puissance qui se déchaîne autour de nous. Quelle splendeur!

Pour nous remettre de ces émotions et nous sécher en cassant la croûte, nous profiterons d'une plateforme aménagée au sommet des chutes, juste en surplomb de l'endroit où la rivière se précipite dans la gorge.

Les chutes d'Iguaçu marquent une triple frontière entre le sud du Brésil, le nord de l'Argentine et l'est du Paraguay. Ce dernier ne disposant pas sur son territoire d'un point de vue sur les chutes, se rattrape en tentant d'attirer les touristes vers une zone franche où les marchandises fabriquées en extrême orient (électronique surtout) sont proposées à des prix sans concurrence... Nous n'y sommes pas allés.
L'Argentine, par contre, entend bien concurrencer son grand voisin sur le plan du spectacle aquatique et dès le lendemain nous quittons Foz pour "Puerto de Iguacu", sa voisine argentine, réputée plus pittoresque et intéressante.

De la Samba au Tango

Mais nous n'y sommes pas encore.
Nous commençons même par nous tromper de bus: Au lieu d'aller nous renseigner au lointain terminal du centre ville, nous choisissons d'attendre le bus à l'arrêt situé près de l'hôtel. Nous prenons ainsi le risque de chopper n'importe lequel, le premier qui passera...
C'est ainsi qu'on embarque dans un bus brésilien, sans savoir qu'il ne fait le trajet que jusqu'au poste frontière...
Pour aller jusqu'au bout - à Puerto de Iguaçu - il aurait fallu que nous prenions un bus argentin. Non seulement ceux là vont jusqu'au terminus, mais ils permettent surtout un passage de frontière collectif simplifié... Avec bagages en soute...
Nous, nous devrons le faire individuellement, avec nos bagages sur le dos. Bref, on traîne ses sacs, on s'assoit par terre, on attend, on se fait tamponner de droite et de gauche, et on reprend enfin un bus de l'autre côté...
Ce sera la première occasion de mettre notre espagnol à l'épreuve!!!

A Puerto de Iguacu, nous découvrons la posada que nous avons réservée sur internet. Quelques bungalows et des hamacs autour d'une petite piscine. Nous y croiserons Anne Laure, une jeune française qui travaille au Chili depuis 9 mois. Au fil des propos de piscine, elle nous raconte avec enthousiasme la croisière qu'elle a faite récemment à travers les canaux de Patagonie, sur un navire de la Navimag.
Du coup, notre capitaine se précipite sur Internet pour réserver illico deux billets pour le 27 janvier. Hélas il n'y a déjà plus de cabine double disponible à cette période; que des cabines à quatre et des dortoirs... Notre nouvelle conseillère voyage nous affirme qu'il n'y a aucun intérêt à prendre une cabine quadruple et que les couchettes en coursives sont très bien... Le capitaine se résigne donc à l'idée d'aller ronfler en public...
En nous rassurant ainsi, elle a sauvé notre voyage en Patagonie!

Les argentins ont aussi leur point de vue sur les chutes...

Mais revenons à nos moutons... et à la découverte du côté argentin des chutes.
Mêmes principes d'organisation ici que du côté samba... Mêmes bus, parc à billetterie et magasins de souvenirs... Ici les points de vues sont plus nombreux et plus proches de l'eau, mais aucun n'offre la vision panoramique que nous avons découverte avant hier.
Ce matin, une marche agréable en forêt nous mène à proximité de superbes cataractes. On les verra du dessus, du dessous, de côté...
On a de la chance car il y a beaucoup d'eau cette année, et les chutes sont très spectaculaires. Il arrive qu'elles soient presque à sec. (en 1978 par exemple, elles se réduisaient à un filet d'eau).
Le revers de la médaille c'est que le niveau d'eau élevé interdit l'accès à certains endroits du parc... On ne peut pas tout avoir, le beurre, l'argent du beurre et… la crémière...

Comme une journée ne suffit pas pour épuiser les possibilités du site, nous y reviendrons une seconde fois. Sous une pluie battante, un petit tortillard façon Disneyland nous fait traverser le parc, de telle sorte qu'il ne reste plus que quelques minutes de marche dans la forêt pour atteindre le but.
Bien abrités sous nos cirés et après un sandwich reconstituant, nous attaquons la visite. Cette fois ça se passe au niveau du lac, en amont des chutes: une passerelle à claire-voie court à deux mètres de la surface.
Les mouvements de l'eau contre les pilotis témoignent d'un fort courant... Un peu inquiétant: on aperçoit ça et là les vestiges des précédentes passerelles emportées par le flot impétueux – en 1982-83 tout avait été entraîné par la rivière!!!
Petite prière au patron des ingénieurs qu'on espère brillants en calcul de résistance des matériaux...
Au bout de cette longue passerelle (deux ou trois cents mètres, quand même...) on surplombe la "Garganta del diablo" (la même que du côté Brésilien, mais cette fois vue du dessus). Cette masse d'eau énorme qui se jette au fond du trou est absolument EPOUSTOUFLANTE de puissance, IMPRESSIONNANTE de bruit et de fureur.
Ce gouffre hurlant est presque attirant... On se retient de sauter!
L'appel du Diable, certainement…

On a appris hier que ces cataratas venaient d'être promues au rang de "merveille du monde"... On est bien contents! On n'a donc pas raté ce qu'il fallait voir…
Pour une fois!

Sur le chemin de retour vers l'hôtel on achète de la soupe en sachet et des nouilles (il y a une petite cuisine commune) avant d'aller se mettre au SEC pour ne plus ressortir que le lendemain.

La région des missions, sur les traces de Robert de Niro…

Notre prochain objectif est la région de Salta, au pied des Andes, à plus de 1000 kilomètres vers l'ouest (vous avez remarqué que les navigateurs paresseux vont toujours vers l'ouest?). La route qui y mène traverse la région des missions, où les jésuites du 18ème siècle (dont Robert de Niro) tentèrent d'organiser les indigènes en communautés chrétiennes et de les protéger des colons européens en manque d'esclaves . Nous avons décidé d'y faire escale, à San Ignacio.
240 kilomètres de bus, les premiers d'une longue série.

Pour une première expérience, elle est plutôt encourageante  : à peine partis, on nous offre un petit café... puis une heure plus tard, un verre de liqueur de café! (eh bien, on l'a bue... A 11h du matin!) Notre bus est de la catégorie "semi cama" et malgré la climatisation assez fraîche, sous la couverture polaire que l'on a gardée avec nous c'est plutôt con-for-table.
Vers midi arrêt buffet... Achat de sandwiches très moyens, mêlant pain-blanc-chewing-gum et viande-séchée-encroutée-de-panure-grasse... Bref on se nourrit... On réapprend à voyager et à prendre les aléas avec humour.
Les horaires de bus prévoyaient un voyage de trois heures et demie. Dans la réalité, il en prendra cinq et nous n'arriverons qu'en début d'après midi au terminal de San Ignacio.

L'hôtel que nous avons réservé via internet – le "Club del rio" - devrait être assez proche, au bord de la rivière. Renseignements pris, il semble qu’il soit bien trop loin pour faire le chemin à pied... On engage donc un taxi (qu'on appelle ici un "remis(s)", un nouveau mot qui servira souvent)... Au bout de 8 kilomètres de mauvaise piste, en pleine nature, au bord du fleuve Parana qui marque la frontière avec le Paraguay, le "Club del Rio" se révèle être un vaste centre de vacances, avec un grand bar-restaurant central et des bungalows disséminés dans la forêt. Le tout parait totalement désert.
Deux jeunes gens, occupés à des travaux de maintenance, nous accueillent ahuris. Ils n'ont pas noté notre venue… Mais bon, il y a de la place: on est tout seuls!
Déprimant.
Embarras.... Ils nous proposent de téléphoner eux mêmes à une autre posada dans le centre du village... On accepte, soulagés.
Un quart d'heure plus tard, une voiture de l'hôtel "Adventure" arrive pour nous récupérer. Un autre quart d'heure et le sauvetage est terminé: nous sommes installés dans un hôtel sympa, à portée de marche à pied d'une collection de restos et des ruines de la mission. Nous prévoyons de passer trois jours ici, histoire de ménager nos forces.

C'est qui les "réducteurs de têtes" ici?

Dès le matin, nous nous attaquons à la visite de la "reduccion" (C'est le nom donné par la compagnie de jésus aux "missions d'indiens"). Malgré une enquête serrée, aucun argentin n'a pu nous expliquer le vrai sens de ce terme.

Ca commence par un musée installé dans l'enceinte des ruines, où on est invité à un voyage imaginaire aux racines de l'Amérique latine, en découvrant une expérience socio-culturelle des années 1700. Rien de moins...

Ça continue par une balade en liberté à travers les ruines.
Une longue opération de restauration a transformé les tas de pierre en vestiges qui donnent maintenant une bonne idée de la structure des bâtiments et une vue d'ensemble sur ce qu'a pu être un jour l'établissement. La mission de San Ignacio a fonctionné entre 1696 et 1768 et comptait, à son apogée près de 4000 habitants Guaranis.
Les ruines de l'église sont les plus élevées et les plus spectaculaires. Des restes de sculptures et de frises, une ébauche de porche monumental très décoré... C'était sûrement la partie la plus soignée de la mission.
Tout autour, des restes de murs de grès rouge tracent les différents quartiers (habitation, travail et production, prière..), permettant d'imaginer la vie communautaire qui s'organisait ici.
Peu de jésuites demeuraient sur place où la vie était réglée et surveillée par des caciques guaranis. Tout était partagé et redistribué en fonction des besoins. Un kolkhoze en quelque sorte avec la religion chrétienne en guise de discours politique.
L'ensemble n'est pas aussi spectaculaire que Chambord, mais c'est simple et très émouvant.

Toujours et partout, l'évangélisation des populations indigènes a accompagné la colonisation prédatrice, en lui fournissant un alibi religieux.
A ce titre, durant les 17ème et 18ème siècles, la Compagnie de Jésus entreprit de sédentariser et "d'éduquer" les tribus nomades Guaranis, en les organisant en villages chrétiens - une trentaine ont été construits ainsi: 7 au Brésil,8 au Paraguay et 15 en Argentine.
Actuellement, six de ces anciennes "reducciones" sud américaines ont fait l'objet d'un effort de restauration et constituent le "circuit touristique international des missions".
Une particularité locale de cette "évangélisation" fut la culture de la musique et du chant, avec pour résultat un syncrétisme étonnant de chants guaranis et de musique européenne du 18ème siècle... Beau et troublant…

Mais nous n'en avons pas fini avec la mission de San Ignacio: le soir nous y assisterons à un "son et lumière" interessant.
A la nuit tombée, on se balade à travers les ruines derrière un guide, équipés d'écouteurs pour entendre dans sa langue préférée une évocation de la colonisation, de l'histoire et de la vie à la mission. Le parcours est jalonné de stations où des images, quelquefois des vidéos, sont projetées sur des restes de murs. Parfois, surprise: la projection apparaît là, sur la nuit, au milieu de rien... En fait l'image est alors projetée sur un rideau de vapeur d'eau entretenu depuis le sol (il paraît que c'est une invention française. Cocorico...). On voit ainsi courir les guaranis, formes blanchâtres sur le ruissellement... fantômes ressurgis du passé... On assiste aux réunions des caciques... Aux attaques des chasseurs d'esclaves. La déclaration du pape décrétant que les indiens avaient une âme – et ne pouvaient donc pas être réduits en esclavage – n'arrêtait pas les propriétaires terriens des alentours qui avaient un "légitime" besoin de travailleurs gratuits pour leurs haciendas.
On sait que in fine les colons vinrent à bout de cette utopie gênante organisée par les jésuites: pour la suite des évènements, revoyez le film "Mission" de Roland Joffe, avec Robert de Niro... Très instructif.

A San Ignacio, nous avons encore une fois rencontré une jeune française en vadrouille. Marie effectue un stage de quelques mois à Mendoza (ouest vinicole du pays), dans le cadre d'un échange universitaire. En visite par ici pour les chutes d’Iguaçu, elle évoque son séjour et ses découvertes sud américaines. Son voyage à Valparaiso... à quelques heures de bus de Mendoza.
Son enthousiasme communicatif nous convainc de profiter de notre séjour dans le pays pour faire un saut au Chili et visiter Valparaiso.
Comme elle se dirige comme nous vers Salta et les Andes, on se promet de se recroiser bientôt.

Go west Young man

 

Semi cama, Cama et
Cama ejecutivo...

Les bus au long cours argentins ou chiliens sont classés en 3 catégories de confort.
- Les véhicules "Semi Cama" sont les plus ordinaires. Leur sièges s'inclinent comme ceux des avions et sont organisés en rangées de 4, autour d'une allée centrale assez étroite. Très convenable pour quelques heures, le confort offert dans cette catégorie est un peu juste quand il s'agit d'y passer la nuit.
- Les "Cama" sont plus confortables. On y trouve toujours des toilettes et un distributeur de boissons chaudes. Leurs sièges s'inclinent à 120° et on n'en compte que trois par rangée. On y a donc de la place et il est tout à fait envisageable d'y passer la nuit.

- Les "Cama Ejecutivo". Là, c'est la classe... Les fauteuils s'inclinent complètement à l'horizontale. De vraies couchettes pour passer la nuit à l'abri de rideaux formant cabine... Dans ces conditions, c'est clair qu'on n'est pas très nombreux dans ces grands bus... Une dizaine de couchettes par niveau... Mais les nuits y sont vraiment confortables. Nous ne l'utiliserons que pour Mendoza Buenos Aires où nous sommes arrivés en pleine forme...

De San Ignacio jusqu'à Salta, le voyage dure plus de 18 heures; nous avons donc pris cette fois un bus-cama. Nos places, situées à l'avant et à l'étage, nous donnent une vue imprenable sur la route (sur l'accident possible aussi bien sûr... mais aie confiaaaaaaaannnce!). Notre voisine, une française retraitée, grande voyageuse solitaire et tonique, râle un peu contre le service qu'elle trouve déficient (appareil à café souvent à sec , WC sans eau... etc...) Mais bon, il faut faire avec... On verra pire par la suite... Alors autant se vacciner tôt.
Nous réussirons à dormir à peu près convenablement de minuit à 6h et arriverons à Salta en milieu de matinée. Taxi... hôtel... emails... Surprise: un Mail de Marie nous fait savoir qu'elle est déjà arrivée et nous invite à passer une soirée "pen as" avec des potes qu'elle a rencontrés ici.

Nous voilà donc avec un but de promenade en ville et notre soirée occupée!!! Au terme d'une assez longue balade et en cherchant un peu, on va découvrir leur hôtel rempli de djeuuunes très "backpackers". On va passer la fin de l'après midi, installés sur le toit- terrasse, à boire bière et maté en refaisant le monde avec 5 jeunes européens (dont une américaine, quand même...) passionnants, ouverts, cultivés, drôles...
On mélange anglais et espagnol, c'est vite bruyant et rigolo.
A 21h30, entassés dans deux taxis, nous rejoignons la "Casona del Molino", le "meilleur" resto à penas des environs.
Grosse bouffe ce soir, pour se rattraper des sandwiches d'autoroute: parrillada (énorme assortiment de grillades), frites avec fromage fondu! Le tout arrosé de Fernet Branca (apéritif national) puis de vin rouge  !

La culture du Gaucho...

Les bars et restos à penas sont des endroits où un spectacle de musique et de danses "traditionnelles" est proposé pendant ou après le repas.
Certains, très branchés spectacle, sont une sorte de "cafés concerts", surtout fréquentés par les touristes; d'autres (comme celui ci) plus fréquentés par les locaux, sont surtout des restos avec une animation musicale plus discrète.
Ce soir, nous ne verrons même pas de danse... On ne saura pas pourquoi…
Sans doute aurait-il fallu attendre un peu plus tard dans la nuit. Mais on est cassés et vers minuit, le ventre bien rempli, on rentre se coucher.

Demain, nos jeunes compagnons partent tous les cinq en expédition vers le sud ouest en voiture de location. Nous les quittons avec regret en se promettant tout de même de revoir Marie un peu plus tard, à Mendoza.

Le lendemain, nous poursuivons seuls notre découverte de Salta.

Une première étape culturelle au musée "Pajcha", où est exposée une collection privée de "Arte Etnico Americano" assez étonnante. Elle balaie l'histoire de la région, entre les 15 et 20ème siècles, en mélangeant les époques, ce qui permet des raccourcis et des rapprochements intéressants.

Le centre ville, de style espagnol avec églises, places arborées, cernées de bâtiments coloniaux, abrite un autre musée (le MAAM). On peut y voir des momies trouvées sur le site de Llullailla, à 6739 mètres d'altitude dans les Andes. Ce seraient les restes d'enfants Incas sacrifiés aux dieux autour du XIVème siècle.
Elles sont présentées dans des enceintes réfrigérées, entourées des poteries et tissus qui "meublaient" leurs tombeaux.
Tout cela, qui a été très bien conservé par le froid des sommets, offre un spectacle assez impressionnant... dont on n'est pas pas sûrs qu'il nous plaise tellement…

Le soir, pour parachever notre journée culturelle, ce sera à nouveau un restaurant à peña: "La Estacion Vieja". Cet établissement plus "café concert" que le précédent, propose un spectacle deux fois par soirée. Vers 21h on s'y trouve une table - sans avoir retenu - pour nous installer devant un "locro" (un genre de "cassoulet-soupe" local qui s'avère excellent) et une bouteille de vin rouge... Une agréable façon de patienter jusque 22 heures 30 que le spectacle commence.
A cette heure là, la salle est pleine à craquer et l'ambiance est montée de plusieurs tons… Sur la scène, quatre couples dansent une sorte de quadrille assez spectaculaire.
Les hommes sont habillés en gauchos avec manches de chemise et pantalons bouffants. La nuque raide, le chapeau rabattu sur les yeux fixés sur la ligne bleue des Andes. D'amples effets de jambes et de manches... Beaucoup de bruits de talons. Look fier et arrogant... Carrément macho même…
Nous, on croyait bêtement que les gauchos ne faisaient que chevaucher, dans le sud et la pampa!
Les filles sont, comme il convient, souriantes et aguicheuses. Effets de mains et de poignets, agitation d'un petit foulard autour de leur tête et sous le nez de leur cavalier. Envolées de jupes, de jupons et de dentelles. Très espagnol tout ça…
Un guitariste, un batteur et un clavier les accompagnent. Un chanteur aussi, qui doit entonner des tubes locaux car toute la salle en reprend les refrains en tapant dans les mains.
C'est très populaire et chaleureux.

La quebrada de Humahuarca, notre premier contact avec les Andes.

Après Salta, nous entreprenons de remonter la quebrada de Humahuarca, une large vallée qui ouvre le passage vers les haut plateaux andins, jusqu'à la frontière bolivienne à 3500 mètres. Nous envisageons même de continuer dans la foulée jusqu'à Potosi, en Bolivie.

Tilcara notre première étape, nous séduit d'emblée. Une petite ville colorée, ventée et calme, construite à 2500 m d'altitude, sur un site où les Incas avaient établi un village fortifié, d'où ils devaient contrôler le trafic dans la vallée.
Les ruines Incas (restaurées) sont perchées sur une colline offrant une vue circulaire sur les sommets alentour. Partout autour, cactus chandeliers et lamas nous rappellent que nous ne sommes pas en Suisse. Ça commence à faire exotique!

L'endroit est évidemment assez fréquenté par les touristes, mais comme on n'est pas en pleine saison (janvier février) on y est relativement tranquille.
Construction récente en adobe rouge, l'hôtel que nous avons retenu via internet est un peu plus luxueux que d'habitude. Il est donc vide et sans ambiance – on vérifie ainsi que pour les rencontres, on gagne à viser plutôt les backpackers.

Nous partagerons nos promenades autour de Tilcara avec deux jeunes français - Jules et Olympia – rencontrés dans le bus, en venant ici. Deux trentenaires en congés sabbatiques, chacun voyageant seul autour de l'Amérique du Sud pour quelques mois.
Jules a presque terminé son périple et projette de revenir à Santiago du Chili prendre l'avion pour l'Europe, après un tour dans le désert de sel qui se trouve près de la frontière bolivienne.
Olympia a plus de temps devant elle et se dirige actuellement vers Cusco et le Machu Picchu.

Depuis Tilcara, nos guides recommandent la visite de Purmamarca, un village de 510 âmes situé à 20 kilomètres en aval, dans la vallée. Le trafic assez dense de bus locaux, permet de s'y rendre aisément.
Au départ du village, un sentier fait le tour d'une colline baptisée "el cerro de los siete colores" (la colline aux sept couleurs); on y chemine à travers un désert minéral aux teintes magnifiques. Argile, cuivre et fer s'associent en couleurs chaudes sous le soleil. Du jaune pâle au vert, en passant par le rouge vif.
Dans le village, les indiens ont établi un marché aux textiles. On sacrifiera donc au rituel touristique, à la recherche du poncho en lama de nos rêves – qu'on trouvera – avec le prétexte qu'il nous faudra bien un vêtement chaud pour la suite de notre programme dans les Andes. Quand même, question achats on essaie de faire sobre car notre route est encore longue jusque Getaway et, au moins jusque mi-janvier, on tient à se suffire de nos deux sacs à dos. Alors on résiste vaillamment!

Ces fortes résolutions permettent quand même quelques exceptions: Gérard s'est laissé séduire par la passion des argentins pour le maté – ceux ci en préparent et en boivent toute la journée, partout et dans toutes les situations. C'est une infusion qui se prépare dans un bol ad hoc, avec de d'eau bouillante conservée dans un thermos.
On le boit ensuite à l'aide d'un genre de chalumeau-filtre en métal appelé Bombilla (prononcer bombicha – en argentine les double l se prononcent ch).
Il faut donc que le capitaine s'équipe... Le thermos et le bol sont des détails réglés en un instant. Par contre la bombilla...
Entraîné par Olympia, française d'origine argentine qui connait bien le sujet, Gérard parcourt le village en tous sens à la recherche du modèle idéal... En fait il en achètera trois différentes... Pour être sûr!!!
Mais il ne suffit pas du flacon pour accéder à l'ivresse et n'est pas argentin qui veut!!! Quelques jours plus tard, après s'être plusieurs fois abondamment mouillé les genoux dans les bus en préparant sa potion, GG renoncera à cette pratique traditionnelle et se contentera de notre nescafé rituel de 10 heures du matin...

Tilcara by night offre quelques opportunités "culturelles". Ainsi, avec Jules et Olympia, nous profiterons au cours d'un diner à "l'Altitud" de la musique de Miguel et de ses invités. Métis d'origine bolivienne, Miguel est un joueur de saxo qui a longtemps travaillé à Paris. Ici, il marie jazz et musique indienne en entrainant derrière son instrument, des musiciens locaux aux pratiques plus traditionnelles. Tous les ans au mois de février, il organise un festival de jazz où se pressent les amateurs de la région.

Après Tilcara, on poursuit vers le nord jusqu'à la frontière Bolivienne. Sur notre écran, les pans de falaise succèdent aux altiplanos dorés.
Sur les versants de la quebrada, des mouvements géologiques ont mis au jour des tranches de terrain multicolores, habillant ainsi la montagne d'ondes colorées. C'est comme une mise en peinture du paysage qui défile sous nos yeux, des parois mauves, roses, rouges, beiges, oranges, bleus...

A la Quiaca, ville frontière assez active, le terminal est très animé: Des indiennes de cartes postales, jupes courtes froncées et colorées, petits chapeaux de feutre ronds sur leurs nattes noires, sont perchées sur des ballots de textile.
Cet endroit est un centre de transit pour les textiles boliviens qui approvisionnent à bas prix les marchés argentins où ils sont revendus beaucoup plus cher.
Ville de passage, pas vraiment touristique, où on a du mal le soir à trouver un restaurant ouvert. Nous échouerons ainsi dans une parrillada où les "exportateurs" viennent fêter les bonnes affaires de la journée sous la lumière froide des tubes fluorescents.

Ville d'altitude aussi: près de 3500 mètres. A cette altitude, les nuits deviennent difficiles et nous font toucher du doigt le problème du mal des montagnes (on l'appelle ici la "soroche"). Maux de tête et déshydratation; épuisement le jour et angoisses la nuit... Les locaux s'en préservent en mâchant de grosses boules de feuilles de coca qui gonflent leurs joues.
Les pieds tendres, nouvellement débarqués des basses vallées argentines, en bavent un maximum... Notre GG n'y échappe pas  : nuit éprouvante avec migraines, insomnie et angoisses... Retour du soleil attendu avec impatience...
Quand le mal d'altitude se déclare, c'est qu'on a raté des paliers d'acclimatation et qu'on est monté trop vite. On a alors le choix de rester au repos en attendant que ça passe, ou de redescendre un peu pour que ca disparaisse immédiatement.
Sitôt le point du jour on tient un conseil de guerre et la décision est vite prise: comme le conseillent tous les guides en pareil cas, on redescend… On reprend donc le premier bus vers Tilcara. Effectivement, après quelques centaines de mètres de descente, tout va mieux pour GG... Il se demande même s'il n'a pas rêvé! Mais bon, on reviendra... Plus tard, après Noël et la Colombie.

De retour à Tilcara il nous faut trouver où loger. On fait donc une pause au syndicat d'initiative et GG va jeter un coup d’œil aux hostels que nous indique la préposée, pendant qu'Anyvonne garde les sacs (qui commencent à se faire lourds...). Cette fois, ce sera "l'Albahaca hostel", qui nous offre le taxi pour y amener nos bagages! C'est effectivement bienvenu car ce n'est pas très loin, mais la route grimpe un peu pour y parvenir .
L'hostel a visiblement été progressivement aménagé au fil du temps par le propriétaire lui même. Un dédale étonnant de cours et de bâtiments, façon "facteur Cheval", où on accède à des chambres juxtaposées selon l'inspiration du moment, par des passages étroits et des escaliers improbables qu'on croirait sortis d’une gravure d'Eischer. Devant notre chambre, une terrasse sert de fumoir nocturne et de sèche-linge.
Dans cette architecture rigolote, l'ambiance est plutôt sympathique. Le patron, artiste peintre, cigarette vissée au bec et béret basque collé au crane, anime l'endroit avec un humour efficace. La salle commune minuscule, style bistro des années 50, sert à la WIFI, au petit déjeuner et aux rencontres. L'endroit est proclamé "fumeurs"... Ceux à qui ça ne convient pas peuvent toujours aller voir ailleurs... Voilà qui plait beaucoup à Gérard…

Le reste de la journée sera consacré à la convalescence du capitaine avec petites balades, siestes, prises de notes, internet, lecture, lavage du linge... Ambiance sanatorium quoi!
Aussi une visite à un herboriste qui fournira GG en fioles de médicament contre "la soroche".
La journée finira par un diner chez Miguel qui jouera du saxo pour nous tout seuls…

L'aventure dans les vallées Calchaqui.

A partir de là, soroche oblige, notre voyage se réoriente et nous remettons à plus tard notre acclimatation à l'altitude. Pour l'heure nous décidons de continuer à perdre de la hauteur en poursuivant vers le sud jusqu'à Mendoza, pour retrouver Marie et aller visiter Valparaiso.

En chemin, nous ferons le tour des vallées Calchaqui, situées juste au sud de Salta, qu'on nous a dit que c'était si tant beau!
L'expédition consiste à parcourir la vallée du rio Calchaqui entre Salta et Cachi, puis à emprunter un tronçon de la célèbre "Ruta 40" jusqu'à Cafayate où on arrive par la "quebrada de las flechas" (Un parcours de 330 kms). On revient alors à Salta par la "quebrada de las conchas" et la route nationale 68.
Ces vallées tiennent leur nom des indiens "Calchaqui" qui ont vécu dans la région entre les 11ème et 17ème siècles, jusqu'à l'invasion espagnole contre laquelle ils ont lutté longuement et férocement.

Une route carrossable permet de faire ce tour en voiture de location en 2 ou 3 jours, (c'est ce qu'ont fait les jeunes de la bande à Marie).
Selon quelques blogs de voyage, il semble qu'on puisse aussi le faire en bus. Trois ou quatre étapes: Salta-Cachi, Cachi-Molinos, Molinos-Angastaco et Angastaco-Cafayate. Ça a bien l'air un peu compliqué. Surtout entre Molinos et Angastaco (une trentaine de kilomètres) où le bus semble ne pas toujours fonctionner... Ou pas du tout?... Les guides sont plutôt brumeux à cet endroit et les explications foireuses... Certains blogs disent qu'à Molinos, il serait possible de louer un taxi pour rallier Angastaco et que là on retrouverait un bus???
Une guéguerre "touristique" entre Salta et Cafayate interdirait un accord de transport des touristes entre les deux villes?
Comme la difficulté ne semble pas insurmontable, vous pensez bien que c'est quand même la seconde option que nous avons choisie… Le 28 novembre on prend donc le bus pour Cachi à 7 heures du matin.

Une vallée rouge et verte, des forêts, des canyons étroits et des torrents. Puis la route devient piste et monte en lacets impressionnants jusqu'à un plateau (3300m) qu'on traverse en parfaite ligne droite sur 18 kilomètres (la "recta tin tin"), à travers une "forêt" de milliers de cactus ("el cardon") qui meuble le parc national de "los cardones".
On emprunte alors la mythique "Ruta 40", cette route qui court sur 4000 kilomètres le long des Andes, depuis la frontière Bolivienne jusqu'à Rio Gallegos, au sud de la Patagonie.

Pour nous aujourd'hui, la "ruta 40" ne courra que jusque Cachi.

Un joli village genre provençal avec sa petite église blanche, sa place centrale arborée et ses cafés-terrasses autour. Nous y passerons deux jours de détente. Visite du cimetière sur la colline, du petit musée local sur la place et orgies de parrilla de "chiva" (cabri) à volonté...
Côté culture, le café "Chez Oliver" propose le soir des vidéos de jazz... Pour nous ce sera Muddy Waters, accompagné de "Fernet-Coca" et spaghettis.
A l’extérieur de la ville, l'hôtel "La Merced del alto" est un but de balade intéressant. Au bout d'une marche de quelques trois kilomètres, c'est un établissement de luxe ayant l'aspect d'un monastère ou d'une grosse hacienda; architecture pseudo traditionnelle récente et cadre superbe, vue circulaire sur le plateau et les Andes, café délicieux servi avec style... Pas un chat... S'il y en avait, ils dormiraient dans des chambres tarifées 300 à 400 euros la nuit... Par contre le café qui est bon et pas plus cher qu'ailleurs en fait un objectif de promenade plutôt sympa.
Près de notre hôtel, le terminal de l'unique compagnie de bus où nous embarquons pour Molinos: 48 kilomètres de piste spectaculaire le long de la Ruta 40. La chaussée très étroite longe des précipices qui paraissent d'autant plus profonds... Quelques ponts de bois... Et toujours le désert minéral avec ses cactus…

Molinos nous apparaît comme une oasis.

Un peu de végétation autour d'un village en pisé aux toits de tôle. Urbanisation très western avec rues sableuses écrasées de soleil, église de 1720 au toit en bois de cactus (ce matériau sera une découverte pour nous)... Et pas d'hôtel.. Enfin pas pour notre budget... Le seul connu pratique des tarifs comparables à ceux de la "Merced del Alto".
Nos sacs pèsent lourds sous le soleil de midi... Notre guide mentionne quelques hospedajes dont le préféré est proche de l'arrêt du bus. Mais là, personne ne répond à la sonnette... Fermé... Un gamin de passage nous en indique un autre ... plus loin... tout à l'autre bout de la longue rue sans ombre... Cette fois c'est ouvert et nous accepterons sans observation la chambre qu'on nous fait visiter... Muy bien...
Débarrassés de nos sacs, nous entreprenons de chercher à manger... Un tour dans le village nous permet de découvrir, après enquête auprès des autochtones, le seul restaurant ouvert: "Los tres chinos". Tenu par des chinois, comme son nom l'indique, c'est une sorte de restaurant routier où se regroupent les travailleurs de passage. Midi et soir, nous y mangerons très bien.
Au matin, nous découvrons que notre hospedaje ne sert pas de petit déjeuner... dur dur... On cherche un peu dans les rues alentour mais tout est fermé... Aucun bar... La zone!!!
De retour à la chambre, on récupère dans nos sacs, oranges, yaourts et nécessaire à nescafé. On embarque tout ça et on repart en "ville" à la recherche d'une boulangerie où nous enrichir de quelques croissants (les bien nommés média lunas). Ce sera finalement sur une table en béton d'un jardin public qu'on pourra s'installer pour petit déjeuner... On y aura mis le temps, mais on l'aura eu notre desayuno... Ce repas est un rituel quasiment "sacré" pour nous... Faut quand même bien qu'on croie à quelque chose!!!

Revigorés par notre petit dej somptueux, nous finirons la matinée par la visite d'un élevage de "vicuñas" (vigognes). Ce sont des animaux de la famille des lamas, mais de plus petite taille. Leur poil, extrêmement fin, permet de tisser une étoffe très souple avec laquelle on fabrique des vêtements de luxe. La vigogne est une race en péril très protégée, presque éteinte à l'état sauvage. Sa viande est interdite à la consommation. L'élevage que nous visitons est une sorte de pépinière qui approvisionne d'autres élevages où on exploite la laine de l'animal. Une boutique y propose quelques souvenirs, dont des écharpes et ponchos en laine de lama ou d'alpaga. Rien en Vigogne…

Côté transports, nous avons pu vérifier hier qu'aucun bus ne reliait Molinos et Angastaco. On nous a bien confirmé que là bas on trouverait un bus pour Cafayate; mais pour aller jusque là??? Ah ben, y a que le taxi... Ou le stop... On se voit mal faire du stop sur cette route poussiéreuse, écrasée de soleil et où il ne passe jamais personne!!! Ce sera donc un taxi.
Parmi les deux qui existent, nous choisirons le moins cher... Une centaine d'euros quand même... Il passera nous prendre en début d'après midi.
Le long de la Ruta 40, les paysages deviennent de plus en plus spectaculaires: décors torturés par l'érosion, alternances de rouge et de vert, de désert minéral et de "bosquets" de cactus... Des citadelles de terre rouge gardent des passages étroits. On s'attend à voir surgir des Apaches au détour de chaque virage. Quarante kilomètres comme ça…

Angastaco en fin d'après midi...

Une petite ville assoupie, qui a oublié l'agitation qu'elle a connue un jour, lors d'un passage du camel-trophy.
Nous parvenons à y retrouver "la escuela de capacitacion" signalée dans un guide de 1998. Le maître artisan Lauro Delgado est toujours là, bon pied bon œil: il enseigne et fabrique des objets en "cardon": ce bois est une structure tubulaire très légère, régulièrement percée de trous agrandis par le séchage (les passages des piquants)... Une technique mêlant aplatissement et collage permet de l'utiliser à la confection d'objets et de meubles divers au look très original.

L'hôtel que nous retenons (il y en a deux...) rappelle le château de la belle au bois dormant. Personne ou presque. Même le gardien paraît absent... Absolument seul, il est totalement accaparé par la télévision... L'avantage de cet établissement est que l'arrêt du bus pour Cafayate est situé juste devant. C'est important car ce dernier part à 6 heures du matin, et à cette heure là on n'aime pas trop trimbaler nos sacs sur de longues distances!
Au matin, lever à 5 heures pour Cafayate... Là, il faut reconnaître que l'hôtel assure, quand il nous sert un vrai petit dej avant le départ! Halte aux cadences infernales!!!
Il fait encore presque nuit lorsque nous reprenons la fameuse Ruta 40, en "flecha bus".
Très vite, le soleil se lève sur un décors de folie. Deux montagnes encadrent la route, faites de rocs soulevés en vagues roses, tordues et pétrifiées... Éruptions volcaniques refroidies par la mer il y a des millions d'années? Elles succèdent à des dunes lunaires aux crêtes beiges-roses... C'est la "quebrada de las flechas", bien nommée avec ses flèches minérales... Puis la plaine et les cultures envahissent progressivement l'horizon.

Surtout des vignes quand on aborde l'oasis de Cafayate.

Prononcer "Cafajaté"; c'est une ville de 10 000 habitants construite à 1660 mètres d'altitude dans le style colonial espagnol. Elle est célèbre dans toute l'Argentine pour son vin blanc: le Torrontes. Pour nous, ce vin a été une super découverte que nous consommerons ensuite sans modération, à chaque occasion...
Cafayate est aussi un centre touristique important, point de départ ou de passage de nombreux circuits et excursions (dans ce domaine elle est une rivale de Salta).
Débarqués en début de matinée, nous y trouverons rapidement un hôtel super sympa avec des chambres ouvrant sur un patio ombragé où nous apprécierons de nous poser deux ou trois jours...
Pour compléter la visite de la ville et les balades dans les rues, on va en profiter pour faire une après midi d’excursion à la quebrada de las conchas, dans une voiture pour nous tous seuls avec chauffeur-guide (et la petite amie d‘icelui… charmante...) On se prendra encore plein les mirettes de sommets et de falaises ravagées par l'érosion de l'air et de l'eau, d'immensités sculptées dans les violets et les roses. Nous apprécierons fort le privilège de cette visite à notre rythme, quand nous retraverserons la quebrada à toute vitesse, en bus, en route vers Salta.

Car nous allons retourner à Salta pour y prendre un bus pour Mendoza. Il y avait peut être des solutions plus courtes, mais elles paraissaient plus compliquées. Alors pourquoi faire compliqué et court quand on peut faire simple et long!!! (ou bien l'inverse… on ne sait plus). Cette fois, ce sera un bus "cama" qui part vers midi et arrive à destination le lendemain matin. Comme souvent en Argentine, l'aménagement est correct, les toilettes en état de marche, et le distributeur offre de l'eau et du café à volonté... Une bonne nuit donc…

Mendoza, au milieu d'une plaine de vignobles.

C'est une grosse agglomération (un million d'habitants) qui nous déplait d'emblée... Bien sûr il y a des parcs et de la verdure, mais l'urbanisation est du type grille de mots croisés... Toutes les rues se ressemblent et se coupent à angle droit, bordées d'immeubles plutôt bas... Pour corser les choses, notre hôtel n'est pas du genre inoubliable non plus... On ne va donc pas s'attarder.

On va tout de même y retrouver Marie, qui habite ici pour encore quelques mois. Elle nous consacre sa soirée pour un bon restaurant, bien arrosé de vin de la région (14°) et quelques conseils pour notre expédition à Valparaiso. On est aussi venus là pour ça…

Aconcagua, Valparaiso, que des mythes!!!

Valparaiso se trouve juste de l'autre côté des Andes, accessible par un col situé au pied de l'Aconcagua, "toit de l'Amérique" (6962m) et point de rencontre des passionnés de sommets.

Valparaiso partage avec le Bosphore, Syracuse, Samarcande, Angkor, la Baie d'Halong, les Nouvelles Hébrides... une résonnance de mythe. Qui n'a pas rêvé de s'embarquer pour Valparaiso avec Hughes Auffray ou Yves Montand? Nous on le fera en bus, pour un trajet de 12 heures.

Le versant argentin, monte en pente douce et permet de découvrir de loin une muraille de montagnes enneigées. L'Aconcagua parmi elles...
On se rend à peine compte de la grimpée… enfin quand même...
Le passage de la frontière vers midi est assez épique. On n'est plus trop habitués aux formalités lourdes, alors on va s'étonner de devoir faire une heure et quart de queue, pour voir nos sacs passés aux rayons X et croiser des chiens anti-drogue.... Il semble que cette frénésie de contrôle administratif soit typiquement chilienne... De vieux restes d'organisation militaire, peut être... Au retour, nous vérifierons que du côté argentin, les formalités sont beaucoup plus légères. Ces derniers, qui sont nombreux à vouloir passer vacances et week end sur le littoral chilien, se plaignent dans leurs journaux des attentes interminables (des demi-journées complètes) qu'on leur impose pour entrer au Chili.

Après la frontière: changement de décors. La route descend en lacets serrés le long d’une paroi à pic... Avec ce trafic important d'énormes camions poussifs et de bus rapides, c'est beau et inquiétant... Les contrôles à la frontière comprennent ils celui des freins???
M'enfin, nous arriverons tout de même intacts au bas de la pente, pour entrer dans Viña del mar - la station balnéaire toute neuve et très laide, voisine contigüe de Valparaiso - en fin d'après midi. Encore une dizaine de minutes de bus et ce sera Valparaiso...

Valparaiso, Hisse et Ho…

Valparaiso, une fenêtre sur
le Pacifique.

Valparaiso était un lieu de pêche pour les indiens Changos quand ils y ont "accueilli" les espagnols au 16ème siècle.
Plus tard, c'est devenu une étape pour les bateaux transportant or et autres choses précieuses vers l'Espagne.
Au 19ème siècle le port atteint son apogée en même temps que le trafic maritime Atlantique – Pacifique, via le Cap Horn. La ville était alors le centre commercial de la côte pacifique d'Amérique du Sud. La découverte de l'or en Californie amplifia le mouvement en entrainant une forte demande de blé chilien qui était embarqué ici....
L'industrie bancaire chilienne en fit ses choux gras.
Le 20ème siècle fut moins rose: séisme destructeur en 1906, puis ouverture du canal de Panama qui mit rapidement un terme au trafic maritime passant par le cap Horn.
Au 21ème siècle, c'est devenu une étape pour les paquebots de croisière et un port d'exportation des fruits chiliens.

Une immense agglomération qui s'étale à flanc d’Andes en amphithéâtre devant le port, s'enroule autour des collines et tapisse les vallées qui descendent de la montagne jusqu'à la mer.
La mer… Les quais du port et les habitations qui partent à l'assaut des pentes... Tout est parti de là en fait... La seule zone plate de la ville est la zone portuaire étroite et l'avenue qui la longe. Tout le reste n'est que "cerros" escarpés, sur lesquels les quartiers construits serrés sont parcourus de ruelles étroites et abruptes...

L'hôtel "PataPata", retenu sur internet, est situé sur le cerro Alegre; un quartier réputé bohème.
Ça grimpe fort dans les rues pavées pour y arriver... Du coup, notre taxi ralentit et ça nous laisse le temps d'observer le paysage urbain... de pousser des ohh! et des ouahhh! d'étonnement...
Même prévenus, on en reste pantois: tout est peint de couleurs vives dans cette ville. Les façades de tôle ondulée, les murs, les toits, les trottoirs, les terrasses, les contre marches des escaliers, tout! Et pas des tons un peu neutres comme en Angleterre, non! Vifs et tranchés... Des œuvres d'art, des tableaux immenses ou minimalistes, modernes ou classiques, tags, affiches,... Tout est permis. Ajoutez à cela, les enseignes loufoques accrochées aux façades de quelques magasins et hôtels: peintures, sculptures en bois, en ferraille de récupération... La folie!
Au bout de sa course, notre taxi s'engage dans une ruelle vraiment abrupte, sur une chaussée pleine de trous. Pas bien longtemps, car il cale rapidement à l'endroit où les pavés n'existent plus. A leur place, un gros bouquet de tournesols planté au milieu de la chaussée... Derrière lui un tapis de fleurs variées pousse dans une baignoire antique en fonte émaillée... Au milieu de rien...
Les fleurs en baignoire remplacent ici les fleurs en pot!
Juste devant notre hôtel… annoncé lui même par une enseigne rigolote. Une sorte de sculpture conceptuelle: 'PataPata Hostel" encadré par un assemblage de roues de vélos, de pédaliers et de chaînes... On doit aimer la bicyclette ici!
La porte de l'établissement s'ouvre sur un intérieur antique et biscornu où nous sommes accueillis chaleureusement par Anaïs, une jeune fille germano-suisse, étudiante en anthropologie.
Elle remplit ici sa caisse de bord, en escale d'un long voyage solitaire à bicyclette à travers les Andes! Après ce que nous venons de voir des Andes, voilà qui nous impressionne fort et déclenche une salve de questions... Il en ressort que pour un tel périple, il n'est pas besoin d’être une catcheuse: un bon vélo, une tente minuscule et l'envie de voir ce qui se cache derrière le virage suffisent... Son père lui a montré le chemin, par une expédition cycliste en Russie dans sa jeunesse; mais là, dans les Andes!!! Ils sont fous ces jeunes. Et quelle pêche!!!
Jorge, le gérant de l'établissement, parle très bien le français et nous indique les meilleurs restaurants de la ville. Il a bon goût le Jorge: grâce à lui on retrouvera les plaisirs de la table qu'on avait perdus de vue en Argentine.

Pour visiter Valparaiso, il faut consentir à beaucoup grimper. Monter et redescendre... La ville est construite autour de 42 collines qui hérissent ce versant des Andes. Il faut souvent compter une centaine de mètres de dénivelé pour remonter une rue.
Dans des temps moins modernes, beaucoup de funiculaires ont été construits pour desservir les hauteurs – on en comptait 33 qui étaient exploités et entretenus par la municipalité. Mais aujourd'hui qu'on vit une époque moderne, tout ça a été énergiquement privatisé... Les nouveaux propriétaires, surtout intéressés par le potentiel immobilier du terrain, n'entretiennent plus vraiment les machines et attendent qu'elles tombent en panne pour tout arrêter et être autorisés à construire!!! Aujourd'hui, il ne reste plus que 5 "elevadores" en état de marche. Garantis d'époque: grinçant, bringuebalant, soufflant... Cette situation ne convient pas vraiment aux habitants des hauteurs qui tenaient à leurs "elevadores" et affichent aujourd'hui colère et détermination... A la longue, devinez qui va gagner???
Va savoir...
On lit aujourd'hui sur internet (juin 2012) que la municipalité vient de racheter 10 funiculaires aux compagnies privées et que dès décembre prochain, cinq d'entre eux seraient remis en service, portant ainsi à 10 le nombre des "elevadores" opérationnels à Valparaiso...
Voilà ce qui arrive quand on régresse en refusant de se moderniser!!!

Une ville de peintres et de poêtes.

Sur le cerro Florida, le poête chilien Pablo Neruda habitait la Sebastiana, une maison aujourd'hui transformée en musée. Textes et photos en rendent la visite émouvante. Une grande quantité d'objets personnels nous apprend que le poète était un collectionneur acharné. Insolites, beaux ou encore très laids, ces objets participaient à la vie domestique. Énormément de verres colorés et de vaisselle de porcelaine.
Mais, la maison elle même vaut aussi par sa structure et sa situation. Des escaliers tortueux desservent des niveaux incertains... Se trouve-t-on au deuxième ou au troisième ici??? Peut être au deuxième et demi... Depuis le bureau en rotonde, au dernier niveau, une vue panoramique incroyable sur le port et la baie.

"J'ai construit cette maison. D'abord avec de l'air. Ensuite j'ai hissé le drapeau et l'ai laissé accroché au ciel, à la lumière et l'ombre" (Pablo Neruda. Traduction approximative)

En redescendant vers le port on traverse le "musée à ciel ouvert": un quartier dont les murs ont été confiés en 1992 à des artistes de l'école des beaux arts, pour y peindre des tableaux et des fresques. Les lampadaires et le mobilier urbain sont en céramique rappelant le style d'Hundertwasser.

Rencontres "culturelles"...

Dans les rues étroites du "musée à ciel ouvert", deux jeunes chiliens ont cru qu'ils pourraient réquisitionner à l'arrachée – et sans risque – l'appareil photo de ces deux pov' vieux inattentifs et sans défense... Contrairement aux principes qu'il avait prévu à froid d'adopter dans ce genre de situations (laisser faire et ne pas prendre de mauvais coup), le capitaine a vu rouge... Accroché à la sangle de son appareil il s'est mis à hurler, injuriant copieusement son agresseur jusqu'à ce que ce dernier lâche prise pour s'enfuir en courant.
Là, contre toute attente, le GG s'est mis à courser son agresseur en gueulant comme un veau... Oh pas bien longtemps… Dans les escaliers il n'est plus très rapide le GG...
Voyant ça, Anyvonne a bien cru que l'appareil avait disparu... Mais non, ce n'était que de la colère du capitaine... Sans doute vexé d'avoir pu être identifié comme une proie facile!
L'incident a quand même fait remonter notre niveau de vigilance... après celui de l'adrénaline.

On va ainsi beaucoup déambuler dans les rues en pente, et admirer la décoration des maisons qui les bordent. L‘appareil photo est brûlant!
Les immeubles, plutôt bas, sont généralement constitués d'une structure en bois recouverte de tôle ondulée. Tous sont peints de couleurs vives et beaucoup sont finement décorés de tableaux miniatures, autour des portes, des fenêtres, sur les contremarches des escaliers... Une dominante bleu-blanc-rouge pour des scènes marines et portuaires...

On rencontre aussi un musée consacré à Salvador Allende et à l'histoire de la résistance communiste des années 60-70 en Amérique du Sud. Le propriétaire, coiffé d'un béret à la Guevara, a rassemblé une collection d'objets, de livres et de journaux, une iconographie impressionnante, qu'il expose dans les trois pièces de sa maison... A ce propos, on aperçoit souvent sur les murs, des affichettes vantant la résistance et la grève générale. On a le sentiment que Valparaiso n'a pas dû capituler sans lutter devant les nervis de Pinochet et leurs copains de la CIA... L'atmosphère est plutôt résistante par ici.

Les conseils de Jorge nous permettront d'essayer quelques bons restos (pas tous très chers). Nous y découvrirons un vieux cépage français, disparu chez nous à cause de la maladie mais toujours vaillant au Chili: le Carménère. Ce cépage n'existe qu'au Chili et produit un vin rouge super bon. Avec le Torrontes de Cafayate, ils seront nos vins de prédilection chaque fois que ce sera possible.

Retour vers l'est.

Avant de partir de France, nous avions réservé un vol pour Bogota partant de Buenos Aires. Vu de Bretagne, ça paraissait prudent et intelligent. Évidemment, vu d’ici et aujourd’hui, ça paraît complètement débile. M’enfin... maintenant, il faut bien qu'on retourne à Buenos Aires…
Ce retour va se faire en deux étapes sans histoires. D'abord 12 heures de bus jusqu'à Mendoza – déjà vu – puis 18 heures pour atteindre Buenos Aires, en bus "Cama Ejecutivo". C'est donc en pleine forme que nous arriverons tôt le matin, dans la capitale argentine.

Buenos Aires

Là, c'est sûr, c’est vraiment la grande ville... A laquelle, comme d'habitude, on a un peu de mal à trouver du charme d'emblée...
Notre hôtel, réservé sur internet, ne se révèle pas non plus le top...
Au premier étage, notre chambre a dû être en des temps meilleurs un cabinet de dentiste. En témoignent un éclairage fluorescent rien moins que chaleureux, et une bibliothèque encore chargée de livres de stomatologie!!! Ses deux fenêtres donnent sur la rue et le tumulte d'un trafic permanent… Jour et nuit…
Quand même, le fauteuil du dentiste a été remplacé par un grand lit double où nous dormirons bien... Et puis aussi, l'hôtel est bien placé. En bordure du quartier Montserrat, à proximité de l'avenue "9 du Julio" et du métro. Un bon endroit pour partir vers partout!!!

On va commencer par le quartier de San telmo. "Plein de charme et de personnalité", selon notre Lonely Planet.
Autour de la plazza Dorrego et son marché d'antiquités, de vieux bistros vintage avec boiseries, cuivres, graffitis, photos jaunies... De vieux miroirs se souviennent des nombreuses célébrités qu'ils ont dû refléter un jour. Le même guide signale qu'on peut encore trouver là des "antic seltzers bottles" (en Bretagne aussi on peut!).

 

Les "folles" de la place de mai.

1977 fut une année particulièrement brutale de violations des droits humains par le gouvernement du général Videla. Cette dictature militaire s'est rendue tristement célèbre par ses exactions, tortures et meurtres d'opposants au régime, tâches pour lesquelle elle fut aidée et conseillée par la CIA et quelques "barbouzes" envoyées par le gouvernement français. Les "disparitions" étaient quotidiennes, toute manifestation interdite et réprimée.
Cette année là, 14 mères de "disparus" se sont mises en marche vers la place de Mai, coiffées d'un foulard blanc devenu depuis le symbole de leur lutte. Elles venaient réclamer au gouvernement des nouvelles de leurs enfants disparus. Dans le cadre culturel argentin il était quasi impossible d'imaginer une attaque armée de mères de famille... Pour les discréditer, on les appela "les folles de la place de mai".
Ce groupe s'est progressivement développé jusqu'à devenir le seul mouvement social et politique, capable de défier le pouvoir en place. On reconnait généralement qu'il a donné le coup d'envoi au rétablissement des droits civiques dans le pays.
Après la chute du régime militaire en 1983 le rétablissement de la justice civile réclamé par des milliers de femmes défilant dans les rues et campant sur la place, a été très "progressif".
Ce "retour à la civilisation" s'est même passé très en douceur pour les criminels de l'époque... Encore aujourd'hui des militantes continuent leur lutte, pour obtenir l'instruction des dossiers de leurs disparus et la poursuite en justice des militaires criminels...
Il a fallu attendre octobre 2011 pour qu'Alfredo Astiz – l'ange blond de la mort – ainsi qu'une dizaine des pires tortionnaires soient condamnés par un tribunal argentin.

PS: Autour des souvenirs des exactions des militaires argentins, voir l'excellent film de Roman Polanski: "La jeune fille et la mort", tourné en 1994 avec Sigourney Weaver.

Ensuite, ce sera un long cheminement jusque la Plaza de Mayo, au cœur administratif de la capitale. On ne peut y manquer le palais présidentiel – "La casa rosada", une grosse pâtisserie rose fuchsia –.
Les manifestations populaires et les défilés se terminent généralement là. Ils ont conféré une célébrité internationale à la place de Mai. Particulièrement celles des "mères de la place de mai" qui y ont "circulé" toutes les semaines de 1981 à 2006.

Pour notre découverte de la ville, nous emprunterons un “bus turistico” très pratique. Avec un pass acheté pour 48 heures, on y monte et en descend quand on veut, le long d'un circuit établi autour des principaux points d'intérêt de la ville. Un premier tour, pour se faire rapidement une idée générale avant de décider des endroits où nous souhaitons revenir pour une visite plus approfondie. Ce tour se fera sous la pluie, assis sous un parapluie à l'avant de l'impériale découverte du bus. Plutôt rigolo…

Le lendemain, nous utiliserons ce même moyen de transport pour aller visiter le quartier de La Boca – les amateurs de foot sauront de quoi je parle, c'est le quartier du stade et le nom de l'équipe locale. Là, se trouve aussi El caminito, un quartier qui fut industriel, artisanal et laborieux. Tout y a été désaffecté et investi par une population d'artistes qui est venue installer ses ateliers et ses galeries.
Cette secousse a provoqué un tsunami de touristes...
Du coup, l'ambiance est devenue plus Mont St Michel. Les galeries d'art sont devenues magasins de "souvenirs artistiques" et les rues se sont transformées en sanctuaires dédiés au tango frelaté. La musique y est forte, différente dans chacun des restaurants qui se suivent à touche touche le long des trottoirs. Les airs s'entrechoquent en vacarme autour des visiteurs qui se font prendre en photo, collés en des poses très suggestives à des partenaires professionnels.

On se fait racoler de partout...Marre...
On se réfugie dans un musée voisin à l'architecture très moderne (on est un peu bobos, non?), qui abrite alors une belle expo sur les Olmeques, une civilisation précolombienne du Mexique. De superbes sculptures, un beau film instructif que l'on comprend à peu près (on s'améliore). Une cafeteria au 1er étage où on mange "intelligent" au milieu d'installations et d'un décor modernes...
On en ressortira cultivés et repus…

Histoire de ne pas oublier que cette ville fut (est toujours?) un grand port, nous irons faire un tour du côté des anciens bassins du port de commerce.
Désaffectés eux aussi.
On y trouve maintenant une marina, un yacht club et un embarcadère pour quelques excursions maritimes.
Le long des quais s’alignent de vénérables grues soigneusement repeintes. Derrière elles, la longue file de bâtiments qui furent d'actifs entrepôts, a été recyclée bobo en une file de cafés chics et restos à terrasse.
Tout cela entouré par l’horizon de gratte-ciel d’un quartier d'affaires en pleine expansion... La mondialisation heureuse quoi!

On va vous épargner le détail de nos visites de musées, mais il faut bien profiter des capitales pour s'élever l'esprit...
Ah si quand même, on y a vu une installation assez marrante:
Imaginez au bord d'une mezzanine, un banc public à lattes... Semblable à ceux de Brassens… Mais là, au lieu de s'arrêter sagement au bout du banc comme font toutes les honnêtes lattes de banc public, celles ci ont décidé d'aller continuer leur vie plus loin. Elles s'allongent, s'écartent, se tortillent comme des tagliatelles bien cuites, grimpent sur la rambarde pour dégouliner le long du mur et terminer en vrac, par terre au rez de chaussée... Rigolo!

Et le tango dans tout ça?
Des “palais” ad hoc lui sont consacrés en permanence pour les touristes... Luxe et artifice, au moins sur les dépliants...
Pas vraiment convaincus de devoir assister à un de ces spectacles, nous avons eu la chance de pouvoir découvrir le tango argentin en pleine rue: Une finale d’un championnat de Milongas (écoles de tango), organisée en plein air, sur quelques podiums installés le long de la Rua de Mayo.
Sur chaque podium se succèdent des couples de danseurs aux prestations assez inégales. Jusqu'à une démonstration, sur la dernière scène, des cinq meilleurs couples professionnels de Buenos Aires.
Ahhhhhhh… Alors là! c'est vraiment quelque chose...
Une chorégraphie impressionnante de précision, et de souplesse. En fait ça fait très spectacle de danse classique.
On aurait peut être préféré plus de sueur et de naturel, mais c'est indéniablement beau et pro.
Et gratuit en plus!!!

Le jour arrive vite de prendre l'avion pour Bogota: le 18 décembre à 5 heures du matin… Avec l'aéroport à 30 kilomètres, ça nous fait un réveil à deux heures et demie et une prière pour que le taxi que nous avons retenu pour 3 heures se réveille lui aussi.
Mais tout se passera bien et nous arriverons à Bogota le même jour à 16 heures locales.

Plus au Nord, y aura-t-il de la neige pour Noël?

Accueillis dès l'aéroport par la famille, tout se passe comme sur des roulettes. Pas besoin de chercher, de se trainer, de se dépatouiller tout seuls... Les vraies vacances quoi !

Noël écologique en famille, à la campagne.

Sans beaucoup s'attarder à Bogota, nous avons vite été transportés à “l'aldea féliz” - le village du bonheur; c'est le nom de l'éco-village où habite Selva avec sa maman, son beau papa et son petit frère.

Environnement grandiose de forêt tropicale en terrain très accidenté. Les constructions sont dispersées sur les flancs de deux vallons encadrant un plateau central. Sur ce dernier on trouve le bâtiment des communs, construit en dur: cuisine, espace à manger, salle informatique et autres lieux de rangement. Douches et toilettes sèches y sont accolées.
Pour le moment, seules cinq maisons de bois et bambou sont accrochées aux pentes. Bercés par la musique du torrent, on a l'impression d'être en pleine forêt, avec une vue imprenable sur la montagne au loin. Un sentiment d'intimité aussi.
Quelques tentes de camping complètent ces maisons, pour loger les amis de passage.

Les résidents se sont organisés en équipes tournantes pour certaines tâches quotidiennes: cuisine, jardinage, comptabilité, construction...
Lors de notre séjour, une équipe de choc s'est attelée à la construction de toilettes sèches. Les murs sont montés avec des bouteilles plastique (1,5 litre) qui ont été patiemment bourrées de résidus de plastiques bien tassés. Ces bouteilles sont utilisées comme briques pour monter des murs avec du mortier. Ça permet de recycler une partie du plastique. Globalement, l'organisation de la vie ici s'efforce à l'économie des ressources naturelles. On essaie de recycler le plus possible, même l'eau de la rivière est utilisée avec parcimonie.

Le village compte une vingtaine de résidents plus ou moins permanents, mais il y a toujours des visiteurs de passage. Pendant notre séjour, nous en rencontrerons trois: Kali, Henny et Mickael, respectivement australien, brésilienne et étasunien.
Comme ces trois là étaient végétariens et formaient une majorité avec leurs homologues résidents, ce sera une semaine sans viande. On s'est quand même un peu rattrapés parfois le soir, avec quelques "saucisson-camembert-vin rouge"... A l'abri des regards végétarianos.
Les rencontres autour de la table, pour les repas, sont sympathiques joyeuses et animées: entre ceux qui ne parlent ni anglais ni français ou ni portugais ni espagnol, on a fini par mettre au point des échanges qui empruntent à toutes les langues, et on s'y retrouve.

Pour bien nous rappeler que le paradis n'est pas de ce monde, les moustiques qui pullulent au bord de l’eau, font des ravages sur la peau des nouveaux venus.... On tente de résister, mais la lutte est inégale et on commence à souffrir pas mal... Les stigmates du combat s'étalent sur les bras et les jambes...

Pour le diner de Noël on se répartit la préparation du festin. Carmina, Gérard et Anyvonne sont chargés de l'élaboration des desserts. Dire que c'était ce qu'Anyvonne n'aimait vraiment pas faire il y a peu de temps... Mais bon, les Colombiens pensent qu'on s'en sortira mieux qu'eux. Au pays des aveugles les borgnes sont rois... Alors...
Le matin du 24 décembre, histoire de libérer cuisine et four assez tôt pour les autres ateliers, on s'attaque de bonne heure au notre: Mousse au chocolat, tarte tatin, tartes alsaciennes aux pommes, papayes et bananes, cheese cake et crème renversée... Tout un programme!
En début d'après midi nos plats sont prêts et trônent fièrement sur la table. Ils font souhaiter à tout le monde que le diner vienne vite...
La soirée sera bien fêtée et arrosée. Nourrissante, aussi...
Merci petit jésus.

Bogotá, tout de même… Avant de repartir…

Noël est passé... Nous quittons l'Aldea Feliz avec un peu la nostalgie de ses habitants et quand même un certain soulagement à cause de ses p... de moustiques!!!
Notre avion pour La Paz part le 30 décembre. Ça nous laisse juste le temps de passer une grosse journée à Bogotà, pour jeter un coup d'œil sur le centre historique et visiter quelques musées.

Comme d'habitude nous avons réservé un hôtel par internet. Une adresse dans le quartier historique de la ville, qui semble assez difficile à trouver... Notre taxi hésite, fait plusieurs fois demi tour... et finit par nous débarquer vers 19 heures devant une petite place piétonnière aménagée en forum (dalles, bancs et tout...).
Il fait nuit, la place est envahie par une foule de jeunes gens, assis partout où c'est possible à fumer des joints et boire des bières. Les canettes vides jonchent le sol.
Sur la façade d'un immeuble, on aperçoit l'enseigne de l'hôtel. Nous nous faufilons jusque la porte de l’établissement qui parait fermé. Une sonnette tout de même sur laquelle nous insistons frénétiquement... Attente... Un homme arrive enfin, d'un immeuble voisin, qui nous ouvre la porte. Ouf, il y a quelqu'un...
Par contre nous avons l'impression d'être les seuls clients... En tous cas, nous n'en croisons pas d'autres. Juste sur le palier de l'étage, un type avachi dans un fauteuil qui visionne des DVD sur une télé en grignotant des chips. Un client??? Il était toujours là quand nous sommes revenus de diner... Et le matin encore…
Nous passerons tout de même là deux excellentes nuits...

Le lendemain, notre journée sera consacrée aux musées.
Celui de l'or d'abord, le plus célèbre, puis le musée Botero.
Le musée de l'or retrace l'histoire précolombienne de ce métal dans la région. Son extraction, sa métallurgie, son utilisation rituelle. A ces époques, du Mexique au Pérou, tous les représentants des autorités civiles ou religieuses étaient parés d'or, histoire de se distinguer clairement du menu peuple. Ca entrainait une activité artisanale et artistique importante, dont on perçoit ici la complexité et la sophistication. La finesse de quelques assemblages, la miniaturisation de certaines gravures laissent pantois.
Quand les espagnols sont arrivés, tout cet or les a éblouis. En trouver la source – l'Eldorado – est devenu l'obsession des conquistadores. Forcément, ils ont alors bousculé un peu les indigènes pour tenter d'apprendre où chercher...
En attendant mieux ils ont massivement fondu en lingots tout ce qu'ils trouvaient d'objets, de parures et de bijoux. Pour les convoyer vers la péninsule ou plus simplement se les approprier.
C'est comme ça qu'a commencé l'installation de la bourgeoisie sud américaine.
Cette avidité a beaucoup diminué le stock d'objets "pré colombiens", mais il en est resté suffisamment pour permettre que toute cette histoire soit retracée dans le musée.

Le musée Botero n'abrite pas que ses œuvres. En fait, il est surtout constitué d’oeuvres de sa collection privée. Peintures et sculptures. On y rencontre un peu de tout ce qui est devenu célèbre au cours du 20ème siècle parmi ses amis : Depuis Degas et Manet, jusque Picasso, Giacometti... Une collection impressionnante qui entoure quelques sculptures et toiles du maître - pour lesquelles il est préférable d'aimer les rondeurs...

Ces deux musées sont situés au cœur du quartier historique de Bogota, au pied de la chaine de collines où s'est initialement développée la cité. Les rues y sont bordées d'immeubles bas, de style colonial espagnol, avec de beaux patios, des jardins intérieurs et des arcades. La tendance générale n'est pas encore à l'entretien méticuleux des bâtiments et des rues; il faut parfois chercher la beauté derrière la décrépitude… Mais le développement du tourisme devrait influencer dans ce sens là; comme nous l'avions constaté à Cartagène… 13 ans déjà...

Après tous ces efforts culturels, nous nous retrouvons à l'aéroport de Bogotà pour nous envoler vers La Paz, première étape de notre plongée vers le grand sud du continent.