LA GAZETTE DE L'A.R.B
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Polynésie III - Brêves de bateau
N°19 - Juin 2002

Remplacer son gréement en Polynésie

Après avoir raté l'île de Pâques pour cause de défaillance de gréement, on décide qu'on ne nous y reprendra pas et que nos câbles sont trop vieux (Plus de dix ans déjà...) pour affronter le Pacifique Ouest.

Oui mais voilà, comment s'y prendre pour les remplacer?

Aucun gréeur n'exerce à Raïatea; le plus proche est à Papeete. On souhaite ne pas augmenter la facture (qui s'annonce astronomique) en louant une grue pour démâter le bateau, mais comment mesurer alors précisément les câbles à remplacer pour les commander? Renseignements pris auprès du gréeur de Papeete, une seule méthode: lui envoyer les vieux câbles afin qu'il les copie exactement.

Oui mais... Pour démonter les câbles de tête sans démâter?

Eh bien oui, monter en tête de mât pour les remplacer deux par deux.

Monter une première fois pour l'étai et le pataras. Les envoyer par le bateau navette. Attendre une semaine avec juste deux drisses pour soutenir longitudinalement le mât. Remonter fixer les nouveaux câbles et démonter les deux galhaubans. Je dis bien les deux, car les nôtres sont assujettis sur le même axe dans la pièce de tête de mât et il faut les démonter ensemble.

Même procédure que pour la première étape, mais cette fois sans rien pour soutenir latéralement la tête de mat au dessus du second étage de barres de flèches! Je ne vous décris pas les précautions du capitaine pour escalader les quatre derniers mètres de ce mat de cocagne. Il paraît ramper verticalement, collé au mât. Il faut dire qu'à près de vingt mètres au dessus du sol, ses oscillations sont plus inquiétantes...

Il est clairement préférable de faire toutes ces acrobaties dans un endroit ou le bateau ne risque pas de rouler (à terre, c'est parfait...) et de choisir une période où les vents sont plutôt calmes

Mais enfin tout s'est bien passé et après tous ces allez retours sans ascenseur, l'objectif est atteint: Tout le gréement est quasiment neuf.

Ca rassérénera le sommeil de l'équipage dans les coups de vent à venir...

Allo Allo Cyclones?

A partir du moment où Getaway a été remis à l'eau début février, et jusqu'à la fin de la saison à risque, fin mai, tous les matins à 8h locales Gérard enregistre religieusement les cartes météo émises par les américains depuis Honolulu.

On a vu ainsi se former et passer pas mal de dépressions tropicales, dont certaines sont devenues des cyclones sur les Tonga et les Fidji, et des typhons sur l'hémisphère nord. Le plus gros typhon de la saison, dans la région des Philippines, générait des vents de plus 150 nœuds (300 km/h, quand même! Ca déménage là-haut...). Il est resté quasi stationnaire pendant près d'une semaine. 

On n'ose imaginer l'état de la mer durant un tel phénomène.

Pendant tout ce temps et bien que nous naviguions sous cette menace, la conduite à tenir en cas d'annonce de cyclone n'a toujours pas été fixée. Le skipper a pourtant essayé de se faire une conviction en interviewant tous les habitués, locaux ou non, possédant bateau, qui lui sont tombés sous la main:

"Que faire à l'annonce d'un cyclone"?

 

1 ère suggestion:

Partir en mer, si on a un bon équipage, solide, costaud et tout. S'éloigner de la côte et attendre que çà se passe.

Le danger c'est la côte.

Notre commentaire: Ca, c'est bien vrai!

Commentaire d'un autre: Complètement fou! C'est aller droit au naufrage. On n'est jamais assuré de résister à des vents de 200 kmh et à la mer qui va avec..

Nous: "Bien bien. Si on ne sort pas, on se met donc à l'abri. Mais où?"

 

2 ème suggestion:

Trouver une place dans une marina.

L'ennui, c'est que les marinas du coin sont déjà bien chargées et que si on s'y pointe à l'annonce d'un cyclone, on n'a sans doute aucune chance d'y trouver une place. 

De plus, dans une telle situation les bateaux on tendance à se grimper dessus, et à tricoter furieusement de leurs mats !!! Alors où?

 

3 ème suggestion:

Le fond de la baie de Haamene  à Tahaa.

- Comment tu vois le scénario?

- C'est une vasière, tu es à l'abri du vent.

- Et la mer?

- Ah çà, évidemment, la mer levée par le vent, risque de passer la barrière de corail; mais elle est "cassée" avant d'arriver au fond de la baie...Au pire si elle y arrive, ton bateau est poussé au fond, au sec, dans la vase..

-Ben voyons! Il nous suffit alors d'apprendre à "barrer" entre les cocotiers...

 

4 ème réponse

Le lagon de Bora Bora, sous le motu de l'aéroport. Y a pas mieux !

- Ah bon pourquoi?

- Parce qu'on y trouve de grandes étendues de sable avec 3 à 6 mètres d'eau, protégées du large par des motus. La houle ne peut donc pas être très forte, et les ancres tiennent.

- Ah oui, mais le vent?

- Ah ben oui le vent souffle fort c'est sûr, c'est pas marrant; mais tout ce que tu risques c'est qu'il balaie tout ce qui dépasse sur le pont. Il faut démonter tout ce qui peut l'être... et aller se réfugier à terre.

- Et prier?

- Éventuellement, le pari de Pascal est facultatif !

 

Car il y a la question subsidiaire:

Doit on rester à bord où débarquer au chaud à l'hôtel?

Réponse unanime: débarquer et abandonner le bébé avec l'eau du bain...

Évidemment que faire à bord quand tout est balayé (y compris vous même) sur le pont: RIEN. Alors autant ne pas rester exposés au danger.

 

5 ème et dernière solution:

Ressortir le bateau au sec, sur un chantier. Encore faut-il avoir une place sur le chantier...Et qu'elle soit bien abritée des vents dominants... Difficile, car les vents cycloniques tournent et peuvent venir de toutes les directions.

On a connu un français, aux Gambier, qui avait laissé son bateau, au chantier de Raïatea en 1998, et l'a trouvé couché sur le flanc et sur ses voisins, à son retour.

 

Malédiction!!!!

 

C'est donc en pleine connaissance de cause que nous avons remis le bateau à l'eau le 1er février...

La suite de la saison nous a donné raison et nous n'avons pas été amenés à choisir entre toutes ces alternatives. Nous espérons ne pas avoir à nous poser une nouvelle fois la question la saison prochaine, car celle ci est annoncée comme une année Niño et la providence pourrait cette fois ne pas être aussi clémente...

 

Nous devrions être alors en Nouvelle Zélande, le pays que les cyclones du Pacifique ne connaissent pas encore...

 

 

Grandeurs et Servitudes du mouillage sur son ancre.

Vous vous demandez sûrement (mais oui, je l'entends d'ici) pourquoi on court ainsi, de coffre en coffre, autour de ces iles?

Eh bien le  lagon  de Raiatea - Tahaa a tout de même un inconvénient: il  est profond  et n'offre  que très peu de mouillages sur une hauteur d'eau convenable.

Pour plusieurs raisons, on essaye généralement de trouver un mouillage par 6 mètres d'eau plutôt que par 18, mais il vaut mieux se dire tout de suite qu' ici on mouillera plus souvent par 18 voire 30 mètres que par 3.

Alors, soit on est jeune, entraîné, sportif et on peut faire admirer ses muscles à l'avant, sans guindeau; soit on est fainéant comme nous, et on utilise un guindeau électrique.

La sécurité invite aussi à plonger pour aller vérifier son ancre dès qu'elle est mouillée. Cela permet de voir:

- Qu'elle est bien dans du sable, et non posée sur une plaque de corail

- Que la chaîne ne fait pas des jolis 8 autour des patates. Car si le vent se lève ensuite, la chaîne tirant et frottant le corail coupant, risque de ne pas apprécier le traitement. (Le corail non plus d'ailleurs, que l'on est tenu de respecter).

Il est clair que même si l'eau l'est aussi, il n'est pas facile de mener à bien ces formalités par plus de 10 mètres de fond. Mais enfin, au prix d'émotions du capitaine et de vérifications nocturnes du mouillage quand le vent se lève, on peut séjourner en sécurité sous le vent des motus.