Quelques images de la
rentrée
aux usines Getaway
 Nous
venons de passer les mois de mars et avril en France à ripailler
avec notre descendance et nos amis. C'était en Bretagne, l'ambiance
a parfois été chaude et il a fallu arroser souvent…
Il faut dire que l'évènement était exceptionnel: cela
faisait plus de six ans que nous n'avions pas vu toute notre progéniture
réunie et nous avons fait connaissance avec Kiam, le petit fils né en
janvier dernier… Maintenant que nous avons fait le plein de bons souvenirs, il nous faut
retourner au boulot et retrouver Getaway qui nous attend sur son ber à Port
Vila.
L'avion pire que le métro!!!
Comme d'habitude, depuis que nous naviguons aux antipodes, ce retour consiste
en un épuisant voyage de plus 36 heures dont 24 de vol. Cette fois
c'est encore pire: le tarif habituel ne nous emmène que jusqu'à Sydney;
pour Port Vila, il faut ajouter encore 4 heures de vol supplémentaires…
Un épouvantail…
Cette fois pourtant, une bonne surprise nous attend à l'île
Maurice où nous devions faire une escale de quelques heures à l'aéroport
pour attendre l'avion de Sydney: Le vol prévu est décalé de
24 heures et Air Mauritius nous propose de les passer, à ses frais,
dans un hôtel de luxe au bord du lagon.
Mais Dodo quand même.
(A l'île Maurice c'est bien le moins…)
Ce contretemps à mi parcours est super bienvenu: cette nuit de repos
tropical nous permet quand même d'arriver à temps pour le vol
Sydney Port Vila; la punition sera d'attendre ici, sous le soleil de Maurice
dans un hôtel de luxe, plutôt que dans un YHA de Sydney comme
il était prévu.
L'aubaine!!!
Bien sûr, nous passerons l'essentiel de cette journée à nous
reposer les jambes sous le brasseur d'air du bungalow plutôt qu'à batifoler
dans le lagon, mais ça a tout de même été un super
bon moment.
C'est donc en pleine forme que nous arrivons à Sydney, pour de joyeuses
retrouvailles avec nos amis suisses Anne et Daniel. Nous devons prendre le
même avion pour le Vanuatu où nos deux bateaux attendent sagement
côte à côte.
En attendant le départ, prévu en début de soirée,
nous en profitons pour faire un peu de shopping Hi Tech car nous n'en aurons
plus l'occasion avant un moment.
C'est vers une heure du matin que nous atterrissons à Port Vila;
ce n'est pas vraiment l'heure idéale pour arriver au chantier et réinvestir
nos bateaux. Nous passerons donc notre première nuit Vanuataise à la
pension "Hibiscus" où notre arrivée au milieu de
la nuit dans deux taxis bourrés de bagages (Joran voyage lourd…)
a réveillé le gardien évidemment mais aussi les occupants
des chambres proches…
On s'est encore fait remarquer…
Enfin à l'atelier, le travail va pouvoir reprendre.
Dès le lendemain matin, nous nous précipitons au chantier. Comme il ne s'est rien passé ici pendant la saison cyclonique, nos
bateaux nous attendent sans surprise et nous les libérons vite des
chaînes qui les retenaient solidement au terre-plein du chantier.
En fait, ce n'est pas le vent qui aura posé problème cette
année mais plutôt l'humidité qui s'est accumulée à l'intérieur
du bateau; il paraît que ces deux derniers mois ont été particulièrement
pluvieux. Tout est moisi ou sent l'humide...
Enfin, il n'y a pas de vrais dégâts dont un peu d'huile de coude
ne puisse venir à bout et en moins d'une semaine, peinture anti-fouling
comprise, nous pouvons envisager une libération sans condition vers
les eaux claires des lagons.
Après cinq mois passés au sec c'est un plaisir immense de sentir
le bateau flotter à nouveau sous nos pieds, même en rade de
Port Vila.
Encore quelques jours pour compléter l'avitaillement (particulièrement
en alcools hors taxes qui sont ici particulièrement alléchants…),
acheter nos derniers souvenirs, profiter encore une fois des plaisirs distingués
que peut nous offrir jusqu'ici la culture occidentale (restaus, pharmacie,
bibliothèque,…) et nous sommes prêts.
Nous aurons tenu la promesse que nous avions faite au fonctionnaire de l'immigration
au moment de notre départ pour la France.
En février nous avions déjà épuisé les
quatre mois de présence par an qu'autorise le Vanuatu aux touristes
sans carte de séjour. "Vous devez quitter le territoire, et vous
n'aurez pas le droit d'y revenir avant au moins huit mois, c'est la loi…" nous
avait alors dit l'officier, d'un air important et sévère.
C'était sans compter avec les supplications d'une nouvelle jeune
grand-mère éplorée…
Comme notre interlocuteur était quand même un p'tit gars sensible,
il a fini par nous délivrer l'autorisation de revenir chercher notre
bateau, sous la condition expresse de quitter alors le pays rapidement, sous
deux semaines…
Chose promise, chose due.
Mais c'est surtout la reprise du voyage qui nous motive.
Cette année notre programme de navigation devrait nous emmener jusqu'en
Thaïlande au mois de décembre.
En passant par les Iles Salomon, la Papouasie Nouvelle Guinée (PNG),
l'Indonésie et la Malaisie: Plus de cinq mille milles et près
de deux mois de navigation (sans compter les escales). On n'a pas trop le
temps de traîner. C'est donc avec un certain sentiment d'urgence que
le 20 mai, nous sortons de Port Vila pour nous élancer à la
découverte de ces contrées "sauvages" que sont les
Salomon et la Papouasie.
Enfin, "nous élancer", c'est ce qu'on voulait… A
peine sortis de la rade de Port Vila, voilà t il pas que notre élan
se brise sur une panne de pilote électrique!!!
Rapide concertation de l'équipage puis demi tour pour regagner le
mouillage et voir ce qu'on peut réparer.
Ce ne sera qu'un contretemps de deux heures, histoire de diagnostiquer un
câble coupé, de localiser et réparer la coupure avant
de repartir.
La suite nous montrera que nous venons de subir là, la première
manifestation d'une série d'ennuis qui nous accompagnera assidûment
cette année.
Mais n'anticipons pas!
Dernières étapes au Vanuatu: les îles du nord de l’archipel
(Banks et Torres Islands)
Agitation de mouchoirs sur un quai de gare…
Nos premières journées de navigations retracent les escales
de septembre dernier qui nous avaient fait tomber sous le charme de ce pays
et de ses habitants: Havannah Harbour, Revolieu Bay, Maskelines, Ambrym,
Pentecost, Ambae…
Une bonne semaine a ainsi été consommée en adieux aux
paysages, avant d'aborder, vers le nord, des rivages nouveaux.
Gaua, la petite île au grand lac.
Nous y arrivons au petit matin, après une nuit de navigation depuis
Ambae. Repérer, dans le platier qui déborde largement le Nord
Est de l'île, l'indentation abritant le mouillage de Losalava et y
pénétrer par une passe large mais encombrée de corail,
nous rappelle l'ambiance des mouillages coralliens des Fiji. Poser notre
ancre ici nous apparaît comme une belle récompense, d'autant
que l'environnement est superbe.
Le village de Losalava est établi sur la rive, devant le mouillage.
Nous y sommes accueillis, dès notre débarquement, par Robert
et la curiosité enthousiaste des nombreux pensionnaires du jardin
d'enfants installé juste en face de l'endroit où nous atterrissons.
Robert est le seul villageois pratiquant le français et il va nous
servir de guide pour une petite visite des environs.
Il nous présente tout d'abord au chef coutumier du village, qui ne
parle ni français ni anglais, mais nous donne tout de même l'autorisation
de visiter.
Nous aurons ainsi un aperçu sur un autre village Ni-van, soigneusement
entretenu et planté d'arbustes décoratifs, comme l'était
Asanvari l'an dernier.
Nous n'aurons pas le temps (ou pas le courage???) de faire la randonnée
jusqu'au lac, au centre de l'île. C'est un cratère qui représente
paraît il la plus grande étendue d'eau douce des îles
du Pacifique… Dommage que l'eau n'en soit pas potable, mais elle alimente
tout de même un système d'irrigation qui permet des récoltes
plus abondantes ici que sur les autres îles.
Certains spécialistes pensent qu'une éruption de ce cratère
reste possible. On imagine le geyser que produirait un tel événement,
qui ne laisserait sans doute pas grand chose intact de l'île que nous
connaissons.
En cours de promenade, Robert nous informe qu'il possède un panneau
solaire, sans doute laissé en cadeau par un bateau précédent,
mais qu'il n'a pas la batterie qui lui permettrait d'alimenter une ampoule
pour lire le soir. Même une petite batterie en fin de vie ferait l'affaire… Mais évidemment
nous n'avons pas l'article en rayon.
Nous lui promettons d'alerter par radio nos amis encore à Nouméa
qui prévoient une navigation dans la région. J'imagine l'accueil
qui serait fait par notre guide à un bateau "Père Noël" apportant
une batterie dans ses cales…
Notre promenade se terminera dans sa famille (clanique) à déguster
des amandes variées, devant sa case qui est en cours de reconstruction.
Ses fils sont en train de refaire le toit, aidés par les femmes, assises
au centre, qui préparent les panneaux de palmes nécessaires.
Les enfants nous entourent curieux et riants… Cela se termine par une
distribution générale de bonbons, petit droit d'entrée
dans le cœur de tous les enfants du monde.
Vanua Lava: un grand bain d'eau douce…
Non, Vanua Lava n'est pas une île de cure thermale! Elle possède
simplement sur sa côte ouest une baie où se déversent,
depuis les sommet environnants, deux puissantes cascades jumelles qui ne
tarissent jamais: Twin Waterfalls Bay.
Nous avons décidé d'y faire escale pour visiter et faire une
orgie d'eau douce…
Les sources qui débouchent dans la mer occupent une place enviée
dans le panthéon des rêves de navigateurs… Visions de
lessives et de bains dans une eau fraîche enfin non mesurée…
Sitôt mouillés dans la baie, la pirogue du "chef" Jimmy
Edward arrive.
- "J'habite avec ma famille tout près des cascades et je suis
le chef de l'endroit. Vous pouvez venir nous voir et faire coutume, mais
il faudra le faire aussi auprès du "chef" Kerelly dont la
famille habite sur la plage où vous allez débarquer " (Et
qui est sans doute ainsi le chef de la plage…).
Nous apprendrons le lendemain, qu'il y a encore un troisième chef
sur la plage de gauche où nous ne débarquerons pas.
Donc trois familles en tout, pour deux cascades...
Jimmy Edward en profite pour nous informer qu'aucun droit n'est exigé pour
accéder aux cascades ni à la plage mais que les cadeaux coutumiers,
aux différents chefs, sont bienvenus… Il est clair que comme
partout dans le monde, plus les endroits sont fréquentés par
les touristes, plus leur accueil est organisé…
Mais trêve d'allusions pleines de fiel, l'accueil de la famille de
Jimmy Edward sera très agréable et nos cadeaux y seront échangés
contre une provision de fruits et légumes frais fort bienvenue…
Pour ce qui est des cascades, il faut reconnaître qu'elles sont exceptionnellement
spectaculaires.
Même vues du large d'où elles constituent un amer remarquable
vers le mouillage…
Tombant du sommet de la falaise qui surplombe la mer d'une cinquantaine de
mètres, larges chacune d'une bonne vingtaine et séparées
d'autant, elles alimentent par un puissant jet, formant un rideau liquide
continu sur toute leur largeur, une piscine naturelle qui s'évacue
directement dans la mer. Le bruit y est assourdissant et l'atmosphère
saturée d'embruns mais le bain y est très rafraîchissant
et la lessive sera super rincée.
On viendra même y bidonner une centaine de litres que nous porterons
au bout de nos petits bras sur les trois cent mètres de plage qui
nous séparent de l'annexe, pour compléter les réserves
de Getaway.
Cet endroit a sans doute été oublié par Dieu quand il
a fermé le paradis terrestre…
Et un bain de culture…
Le lendemain, en débarquant sur la plage, nous croisons le chef Kerelly
qui s'excuse d'avoir été absent et de n'avoir pu nous accueillir
la veille. Moins demandeur de cadeaux que son voisin (mais les acceptant
tout de même avec beaucoup de grâce…), il nous reçoit
dans une petite "guest house" (d'autres diraient un Yacht Club)
construite sur la plage pour les touristes de passage (dont la plupart sont
sans doute des navigateurs).
Construction entièrement réalisée et décorée
par la famille en matériaux traditionnels, abords très bien
entretenus, l'endroit est vraiment accueillant.
Kerelly nous raconte la décision qu'il a prise il y a deux ans, de
revenir vivre ici sur les terres de sa mère, après avoir passé sa
jeunesse à la ville.
Il était encore enfant lorsque sa famille a quitté cet endroit,
les autorités religieuses ayant souhaité regrouper la population
de l'île en de gros villages. Ensuite les études l'ont amené à la
ville: Sola, sur Vanua Lava pour l'école secondaire; puis Port Vila
pour les études supérieures, avant un premier poste de fonctionnaire.
Il a gagné dans ce périple une éducation religieuse
protestante et anglophone, mais aussi pas mal de connaissances sur le vaste
monde qui entoure le Vanuatu. Il est resté très lucide sur
le progrès et la technologie qu'ont apportés ici les occidentaux
et s'il en apprécie les facilités, il en évalue aussi
le coût pour les populations locales et la vie sociale traditionnelle.
Curieusement il a choisi d'envoyer ses filles à l'école francophone;
cela nous donnera l'occasion d'exercer leur français: elles seront
très surprises de nous entendre reprendre la dernière chanson
apprise à l'école: "1 2 3 nous irons aux bois, 4 5 6 cueillir
des cerises, 7 8 9…".
Kerelly organise ici en Septembre un festival culturel, dont ce sera cette
année la seconde édition. Il nous demande à l'occasion
de lui imprimer quelques exemplaires du programme correspondant, qu'un précédent
navigateur lui a déjà saisi sous Word… Chants, danses,
contes, expo d'art traditionnel,…
Nous regrettons un peu de ne plus pouvoir être dans la région
pour cette occasion…
Ureparapara, au cœur du volcan.
Situé à une dizaine de milles au nord de Vanua Lava, Ureparapara
est un ancien cratère effondré dans la mer. Seule en émerge
(à près de 300 mètres d'altitude tout de même…)
la crête quasi circulaire dont une petite section immergée constitue
la seule entrée.
Cette situation idéale engendre généralement une baie
spectaculaire, bien protégée du large mais de profondeur importante
car la côte tombe à pic dans la mer.
Et c'est bien le cas ici, sauf heureusement une petite exception, tout au
fond de la baie où une remontée des fonds permet de mouiller
l'ancre à une profondeur raisonnable.
Comme de juste, un gros village est établi devant cet endroit et nous
y serons accueillis dès notre arrivée par les habituels curieux
en pirogue.
Cette
fois, ils ne seront pas déçus: Joran a pêché un
tazar de 20 kgs durant la courte traversée depuis Waterfalls Bay et
nos visiteurs arrivent juste au moment où il le découpe à l'arrière
de son bateau. La bonne aubaine! (Localement ils appellent ça un "King
fish", c'est tout dire…) Ils repartiront ravis, avec toute la
partie antérieure du poisson ainsi que les abats; le reste, 5kgs, était
très suffisant pour la consommation de nos deux bateaux. Voilà des relations entamées
sous d'heureux auspices…
Le lendemain nous irons visiter le village,
histoire de nous dégourdir
un peu les jambes et de faire connaissance.
Le jeune chef (la petite quarantaine) se présente et nous explique
que toute la population est actuellement très affairée à la
préparation d'un festival culturel qui aura lieu ici, pour la première
fois cette année.
Tout le monde participe à la construction de bungalows pour héberger
les invités (les artistes, mais surtout les officiels: hauts fonctionnaires
gouvernementaux, chefs traditionnels…), de scènes pour les spectacles,
d'abris pour l'administration opérationnelle, de guichets… Effectivement,
le travail qui s'accomplit là, est important.
Il nous raconte combien il attend beaucoup de ce premier festival… et
de ses successeurs. Il nous explique comment, en cas de succès pendant
cinq ans d'affilée, il deviendrait un grand chef de la région
(le plus grand?) et serait sans doute alors paré des attributs dus à son
rang…
Ç a vaut bien que tout un village y travaille d'arrache pieds!!!
Le chef Kerelly n'a qu'à bien se tenir. Il doit se sentir un peu seul à Waterfalls
Bay…
Mais foin de ces nouveaux propos fielleux: ces initiatives promettent d'être
intéressantes et la région ressemblera peut être dans
quelques années au sud festivalier de la France en été… En
fait je crois, qu'au contraire de ce qui est organisé dans le sud
estival de la France (Jazz, Arts Lyriques, Théâtre…) ,
ces exhibitions de culture traditionnelle sont très proches des populations
locales qui s'y reconnaissent totalement et sont très fières
d'y montrer leur talent.
A ne pas rater, si vous êtes dans la région à cette époque.
Avant de retourner superviser le travail de construction, le chef prend
soin de mandater un guide pour nous accompagner dans la visite du village.
C'est le seul homme du coin parlant français; et bien, en plus!
Le village est coquet; allées (rues…) bien tracées, balayées,
bordées de cailloux et de quelques arbustes. Il ne manque pas d'eau:
la rivière toute proche y pourvoit avec un endroit désigné et
des heures précises pour les bains-douches des femmes et des hommes.
On y trouve aussi de belles écrevisses, en amont, dont nous prenons
commande pour ce soir auprès de notre guide.
Effectivement
elles seront belles et bonnes, mais il aura faudra attendre la nuit tombée pour voir arriver aux bateaux notre guide pourvoyeur
d'écrevisses. Cette discrétion avait-elle pour but de distraire
le produit de sa pêche et nos quelques cadeaux, des revenus de la communauté villageoise?
Il nous avouera qu'il n'aime pas trop le chef du village "qui garde
un peu trop pour lui les cadeaux coutume, devant normalement être redistribués à la
communauté"…
Ledit chef viendra aussi sur Getaway nous faire signer son livre d'or… Il en repartira avec une carte téléphone toute neuve qui restait
dans nos cartons… Figurez vous que pour le festival on leur a installé une
cabine téléphonique sur la place du village mais que personne
n'a de carte pour l'utiliser! C'est trop cher…
Il repart donc de Getaway avec un attribut supplémentaire pour rehausser
son prestige…
Derniers essais avant la course.
Avant de nous élancer vers les Salomon, nous souhaitons faire une
dernière escale aux Torres Islands. A Tegua précisément,
qui doit posséder le meilleur, sinon le seul, abri de l'archipel.
Comme nous souhaitons aborder cette région corallienne avec la lumière
du matin, nous décidons de quitter Ureparapara vers minuit pour les
cinquante milles de la traversée.
C'est par une nuit sans lune et au radar que nous quittons le cratère. Dès sa sortie, nous sommes cueillis par une bonne brise de plus de
25 nœuds, à laquelle nous n'étions pas du tout préparés
car on ne sentait rien au fond du mouillage. Joran, qui nous suit de près,
en profitera pour embarquer dans ses fonds une partie du Pacifique, à la
faveur d'une lame plus forte que les autres…
Réaction rapide: deux ris sont pris en catastrophe et c'est
plein vent arrière, à près de huit nœuds que Getaway
se précipite vers Tegua.
Malgré la nuit noire, le capitaine est très impatient d'essayer
le régulateur d'allure qu'il vient de remonter cet après midi.
Celui ci avait été démonté à Nouméa
pour libérer l'espace nécessaire au transport de l'annexe accrochée
sous le portique. Cette possibilité est surtout précieuse pour
les petites étapes de cabotage, mais le régulateur est plus
utile pour les longues traversées qui nous attendent et il a été remonté.
Les lecteurs attentifs se souviennent sans doute que Getaway souffrait d'une
malformation des safrans, particulièrement néfaste au fonctionnement
du régulateur et ils ont sûrement encore en mémoire la
tentative du skipper de soigner cette malformation à Port Vila.
Tout ceci explique pourquoi le skipper a tellement hâte de vérifier
l'efficacité du remède, mais sommes nous actuellement dans
des conditions vraiment favorables pour procéder à de tels
essais? Avant d'avoir pu procéder au réglage de l'engin, un
empannage violent et "mal contrôlé" se charge de nous
faire savoir que non, pas du tout… Ce n'est vraiment pas le moment!
Plus de peur que de mal mais c'est le retour immédiat, la mine basse,
au pilote électrique qui n'est pas rancunier (apparemment…).
On procèdera aux essais plus tard!!!
Et vole la galère vers Tegua, à plus de sept nœuds de
moyenne.
Les Torres Islands: dernière station avant l'autoroute…
C'est, comme souvent, plus tôt que souhaité que nous approchons
Tegua. Plus tôt, mais pas trop: la visibilité est tout de même
suffisante pour le faire en toute sécurité et vers huit heures
du matin nous mouillons dans la baie Lonakwarenga.
Une seule famille vit là, dont on aperçoit les quelques huttes
au bord de la plage et le chef Donald a tôt fait de venir en pirogue
nous souhaiter la bienvenue… En français s’il vous plait!!!
Il nous propose pour l'après midi une
visite de son domaine et de son jardin. Ce sera l'occasion d'un troc pour compléter notre avitaillement
en produits frais.
Nous apprendrons aussi que cette famille vit seule dans la baie, mais qu'une
centaine de personnes habitent le reste de l'île, principalement dans
un village situé sur la côte au vent. C'est là bas qu'ils
doivent se rendre demain dimanche, pour l'office à l'église.
En attendant il nous propose d'aller cette nuit nous pêcher quelques
langoustes livrables demain matin, avant la messe et notre départ.
Marché conclu…
Le lendemain, il n'aura pêché que deux petites langoustes mais
il y a ajouté deux beaux crabes de cocotiers.
Nous pouvons donc partir tranquilles, le premier repas de la traversée
est maintenant assuré, il n'y a plus qu'à faire la mayonnaise...
Les Îles Salomon.
Les deux premiers jours de notre traversée vers les îles Salomon
seront ventés et rapides mais, arrivés à proximité,
nous constaterons que leur réputation d'avoir des alizés instables
est pleinement justifiée et nous devrons mettre régulièrement
le moteur à contribution.
La contrepartie positive de cet état de chose, c'est que nous naviguons
confortablement sur une mer plate et calme, et que nous produisons de l'électricité…
Enfin justement, en matière d'électricité, voilà t-y
pas qu'au plus noir d'une nuit sans lune, alors que nous longeons au moteur
la côte nord de l'île de San Cristobal, la lampe rouge du témoin
de charge se met à éclairer sinistrement la cabine. Un coup
d'œil à l'ampèremètre nous montre que l'alternateur
s'est mis à boiter et ne produit plus qu'une faible part de sa capacité.
La
remise en état de l'engin, payée à prix d'or à Nouméa,
vient de montrer ses limites… Et M…
Enfin, comme il n'est pas tout à fait en panne et produit encore un
peu, on attendra d'être arrivés à Honiara pour explorer
ce nouveau problème.
Maître Getaway, sur un arbre perché…
Un heure ou deux après cette alerte électrique, alors que
nous empruntons le passage à terre d'un îlot proche de la côte,
le capitaine est réveillé en sursaut par un raclement bref
mais très net sur la coque.
- Que se passe t il?
- Des hauts fonds auraient ils poussé sur notre route?
Vérification sur la carte: Il n'y a aucun danger, là où nous
situe le GPS. Comme il n'y a aucun feu, ni rien de remarquable dans la nuit
noire, il faut bien s'en contenter…
- Pourtant ça a raclé, c'est sûr!!!
- Est on bien là où on croit être???
Soudain, ça recommence. Plus longuement cette fois… Puis le
moteur s'arrête… Le raclement aussi d’ailleurs...
Silence total, plus rien ne bouge...
Le sondeur, qu'on vient de mettre en route, confirme qu'il n'y a pas d'eau
sous le bateau…
- Cette fois nous sommes bien échoués… Et sur quelque
chose qui a même bloqué l'hélice…
- Mais échoués sur quoi B.D.Q.M.!!! Sur une baleine?
- Et où c’est y qu’on est vraiment?
La nuit est noire, on n'y voit goutte. Plus rien ne semble raisonnable dans
ce genre de situation où l'adrénaline envahit la machine à penser.
Mais enfin, le bateau n'est pas encore en train de couler… Alors reprenons
nos esprits!
Aidés d'une torche électrique, on tente de sonder visuellement
les fonds autour du bateau mais on ne distingue rien sous la surface de l'eau…
C'est tout noir et ça a même l'air drôlement profond pour
un haut fond…
La perplexité gagne…
Sauf que…
L'explication apparaît vers l'arrière: Les racines d'un gros
arbre flottent derrière le tableau de Getaway. Le tronc doit être
retenu par la dérive et les safrans et une branche a pu ainsi coincer
l'hélice et bloquer le moteur.
Nous ne sommes pas échoués; nous dérivons, perchés
sur un tronc d'arbre mort!!!
Voilà qui explique le problème, mais ne le résout pas:
Comment se débarrasser d'un tronc d'arbre qui s'accroche sous l'eau
aux appendices de votre voilier? Le capitaine essaie de faire plonger l'énorme
chose (enfin c'est ce qui nous paraît.) à l'aide d'une gaffe… Sans
succès… Il pourrait aussi bien tenter de vider la mer à la
petite cuillère…
Le Second suggère finement: "On pourrait peut être remonter
la dérive, ça ferait un point d'accrochage en moins…"
Ainsi soit fait de toute urgence!
Et ça marche… Le tronc, déséquilibré sur
ses points d'accrochage, fait tout seul ce que la gaffe n'avait pu provoquer:
Il s'enfonce un peu, pivote autour des safrans et se détache lentement
de Getaway pour aller vivre plus loin sa vie d'arbre flottant. Soulagement à bord…
Il reste à vérifier que le blocage brutal du moteur, en plein
régime de croisière, n'a pas causé d'avarie grave. (Silentbloc
arraché, arbre tordu, hélice faussée… Le choix
des possibles est large…) Eh bien non, à première vue, la chance ne nous a pas totalement
abandonnés et aucune déformation ou fuite ne paraît s'être
produite. A peine sollicité, le démarreur fait tourner le moteur et aussitôt
embrayé, celui ci propulse normalement le bateau…
Plus de peur que de mal. Juste un incident palpitant à vous raconter
...
Honiara la rouge…
Voiles et moteur aidant, nous finissons tout de même par arriver à Honiara,
la capitale des Iles Salomon, où nous devons accomplir les formalités
d'entrée, avant de continuer plus avant dans l'archipel.
Mouillés dans une petite anse, un peu à l'écart du port
et juste en face d'un joli bâtiment qui abrite le Yacht Club local,
nous y découvrons une grande terrasse couverte et bien ventilée
où on sert à la pression et pour pas très cher une excellente
bière locale…
C'est un bon début…
Le Yacht Club est aussi une sorte de sas qui isole de la "vraie" ville
qui commence à sa porte.
Ce qui saute aux yeux, à peine avons nous mis le pied dehors, c'est
le rouge qui maquille les bouches des mâcheurs de bétel et macule
en larges taches la surface des trottoirs et le bas des murs des immeubles.
Tout le monde dans la rue, hommes, femmes, jeunes gens, mâche du bétel,
lèvres mouillées de salive sanglante. Tous ont un sourire comme
une plaie découvrant une bouche aux dents noires et souvent absentes.
L'air un peu assommé, ils mâchent et crachent… Rouge… Partout… Abondamment… Hallucinant… Ca
nous met mal à l'aise et on ne s' y habituera pas vraiment.
Tout autour, le décor nous paraît un peu irréel. Tout
semble s'y abîmer, dans l'atmosphère poussiéreuse et étouffante
de la rue presque unique où se succèdent immeubles fatigués,
constructions sommaires et bazars chinois qui semblent tous offrir à la
vente le même bric à brac.
Le long de cette rue principale s'alignent les restes d'ambitions qui n'ont
clairement plus cours aujourd’hui.
Ainsi, le "Parc de la culture mélanésienne" qui voulait
sans doute témoigner il y a dix ans de la fierté de ce pays
nouvellement indépendant, pour sa culture traditionnelle, est aujourd'hui
fermé au public. On n'aperçoit plus, à travers la clôture,
que des fantômes de huttes traditionnelles et de sculptures monumentales,
qui finissent de s'écrouler, envahis peu à peu par la végétation
tropicale, sous les yeux indifférents des gardiens, enfermés,
eux aussi!
La situation est la même pour les quelques immeubles administratifs
alentours, qui ne sont pas si vieux, paraissent avoir été bâtis
pour l'efficacité et s'abîment doucement dans une décrépitude
qui semble sans retour. Poste, musée, administrations…
Là aussi, en dépit de l'activité qui continue à s'y
dérouler, la saleté et l'absence d'entretien gagnent partout,
sans paraître gêner personne et surtout pas les gardiens chamarrés,
ripolinés, "casquettés, militaires", dont on trouve
au moins un exemplaire à chaque coin de couloir…
Car s'il n'y a personne pour entretenir, maintenir, nettoyer, il y a des
gardiens partout dans les endroits publics. Ça semble être la
profession de prédilection des hommes de cette ville rongée
par le sous emploi.
Il paraît que cette situation d'abandon date des troubles "ethniques" qui
ont eu lieu ici, il y a deux ou trois ans.
En 1978, sitôt l'indépendance proclamée dans un grand élan
de fierté nationale, le gouvernement
du pays aurait été accaparé par
les malaïtiens (les habitants de Malaïta, une île voisine
de Guadalcanal). Peut être plus actifs et ambitieux politiquement que
leurs compatriotes, ceux ci ont fait naître jalousies et rancœurs
qui ont abouti à des émeutes et des tueries qui voulaient les
repousser dans leur île d'origine.
Les australiens, appelés à l'aide, sont venus rétablir
l'ordre et maintenant le calme est revenu. Les malaïtiens sont toujours
au gouvernement mais on a l'impression que toute ambition nationale a disparu
du pays. Tout ce qui fonctionnait "correctement" jusque là (Approvisionnement
des îles, transports intérieurs, organisation des fonctionnaires…)
est devenu aujourd'hui très aléatoire.
Bref, le cœur n'y est pas… Et on mâche du bétel…
Parcours de bizutage aux Îles Salomon.
A peine sommes nous mouillés devant Honiara ce jeudi 9 juin, nous
apprenons que demain est l'anniversaire de la reine Elisabeth II. Dans
ce pays du Commonwealth, c'est évidemment un jour férié et à partir
de ce soir, tout va fermer dans la ville jusque lundi; surtout les administrations.
Un sandwich à peine avalé, nous nous précipitons vers
ces dernières, pour effectuer notre parcours initiatique (dans l'ordre:
Douanes, Quarantaine et Immigration) et tenter d'obtenir notre "clearance" avant
la fermeture. Nous aimerions bien pouvoir conserver ainsi notre liberté nautique
et quitter la ville avant ce long week-end…
Les Douanes et la Quarantaine sont situées dans la zone portuaire
voisine, nous en trouvons vite le chemin et en moins d'une demi heure nous
en avons terminé avec elles.
Pour les services de l'immigration, c'est un peu plus difficile. Même
la police ne paraît pas bien savoir où ils sont installés.
On arpente, on questionne… Et finalement peu avant 15 heures (heure
de fermeture… on le sait!) nous finissons par trouver, au second étage
d'un immeuble administratif, verdâtre, quasi désert et sans
aucune signalétique (c'est comme ça qu'on dit pancarte en techno-langue
moderne occidentale.), le bureau qui s'occupe de la délivrance des
visas.
Allons nous réussir à boucler notre parcours avant la fermeture?
Dans ce bureau, derrière un comptoir, deux ou trois fonctionnaires
paraissent s'occuper à des travaux personnels, sans se soucier du
reste du monde.
De ce côté du comptoir une demi douzaine de personnes semble
attendre que quelque chose leur arrive, avec beaucoup de patience et de fatalisme.
Nous tentons bien à plusieurs reprises de savoir si quelqu’un
va pouvoir s'occuper de nous avant la fermeture, mais la réponse n'est
pas claire. L'interlocuteur qui paraît le mieux informé nous
dit qu'un avion est arrivé cet après midi et que le fonctionnaire
responsable des visas est en ce moment à l'aéroport pour l'accueillir.
Il estime que cet homme ne devrait pas tarder à revenir et que oui… sans
doute… peut être… il pourrait bien s'occuper de nous à son
retour.
Alors nous continuons donc à attendre, dans un univers où le
vide se fait progressivement autour de nous.
Les fonctionnaires de derrière le comptoir ont rangé leurs
crayons et sont partis chez eux… Tous nos compagnons d'attente nous
ont quittés aussi, après avoir eu chacun un court échange
de vues ou de papiers avec des fonctionnaires de passage…
"We are poor lonesome cow boys
Far away for home..."
Finalement, vers 16h, alors que le découragement gagne spectaculairement
du terrain dans nos rangs, le fonctionnaire attendu revient de sa mission
aéroportuaire.
Il a l'air plutôt surpris de nous trouver là. Sans doute revenu
pour simplement déposer ses tampons et formulaires au bureau, son
intention n'était clairement pas de travailler plus longtemps.
Il nous fournit tout de même, gentiment, les formulaires à remplir
ainsi que le papier carbone nécessaire aux copies multiples. Nous
nous exécutons. Coups de tampons sur les passeports et voilà…
- Terminé?
- Non, pas encore: Vous devez aller à la perception payer les droits
pour les visas que je viens de vous accorder. Ce n'est pas très loin
d'ici mais c'est certainement fermé à l’heure qu’il
est. Il faudra y aller lundi matin et me rapporter le reçu correspondant,
afin que je puisse fermer votre dossier…
Comment Getaway perdit son annexe…
(C’est d’la faute à la Reine???)
Ouais, eh bien c'est raté… Nous ne pourrons pas repartir vers
l'Ouest avant mardi…
Concertation des équipages:
- Bon, d'accord, on ne peut pas continuer vers l'ouest, mais c'est quand
même un week-end de trois jours et on peut au moins aller se mettre
au vert, sur une plage pas trop loin…
Analyse de la carte et décision rapide: Nous irons mouiller demain,
devant une plage à une quinzaine de milles à l'Est. Comme c'est
convenablement protégé du Sud Est, ça devrait être
carrément le bonheur…
Et le bonheur ce fut, quand nous y sommes arrivés le vendredi après
midi. Immense plage de sable blanc, déserte, bordée par un
bush où n'apparaît aucune trace d'habitation. Nous sommes revenus à l'origine
du monde!!! Oh il doit bien y avoir quelques habitations derrière
la lisière du bush car le soir venu des pirogues de retour de la pêche,
débarquent là en nous saluant au passage. Mais enfin, depuis
la mer, on ne voit rien.
La nuit tombée trouve l'équipage de Getaway installé pour
dîner dans le cockpit, à la lumière d'une baladeuse et
protégé par l'immense moustiquaire confectionnée par
Anyvonne à Port Vila. La nuit est très noire et depuis notre
bulle de lumière nous ne voyons strictement rien à l'extérieur.
Mais nous entendons...
Des voix proches nous interpellent en anglais:
- Hello… On peut s'arrêter un instant pour se reposer? Et causer
un peu?
Dans l'obscurité, nous distinguons deux jeunes gens dans une pirogue, à peine éclairés
par une lampe de poche en fin de vie et dirigée vers nous…
Ils ont plutôt bonne mine et nous accordons évidemment la permission
demandée.
La conversation s'engage alors... Habituelle:
-Comment vous appelez vous?
-D'où venez vous?
-Avez vous des enfants?
-Vous venez souvent ici? Vous habitez chez vos parents? T'as d'beaux yeux
tu sais…
Non, là je dérape; complètement hors sujet…
Conversation aidant, eux par contre finissent par débarquer sur la
plateforme arrière de Getaway, afin de permettre à deux autres
copains qui sont eux aussi en pirogue de s'accrocher au bateau. Nous ne les
voyons pas mais nous les entendons. "Bonsoir, comment ça va?..."
Cet envahissement de la plateforme ne nous plait pas trop, mais on ne proteste
pas. Serait-on timides ou trop bons?
Bref, on continue à causer gentiment…
Arrive le moment de quelques questions indiscrètes: Vous avez de l'alcool?
Des cigarettes? De l’herbe?
Nos réponses vigoureusement négatives ne les surprennent manifestement
pas, les feraient même plutôt rigoler et ils prennent bientôt
congé sans insister.
Remerciements croisés pour cette rencontre, souhaits de bonne nuit,
de bon voyage; de bon tout, quoi… Ça dure bien une minute, puis
ils s'éloignent dans la nuit et le silence retombe.
Le capitaine qui a fini de dîner en profite pour aller vers l'arrière
hisser l'annexe sous le portique, pour la nuit, ,en position antivol.
- Mais M…, cette P… d'annexe n'est plus là!!!
Le capitaine se frotte les yeux… Croit rêver… Il doit pourtant
se résoudre à admettre l'évidence: Il vient de se faire
piquer l'annexe sous son nez!
Elle ne doit pas encore être bien loin d'ailleurs, mais à la
nage ce sera toujours beaucoup trop…
Dans le faisceau du projecteur, sorti en urgence, on aperçoit sa forme
claire qui flotte entre la plage et le bateau.
Mais Starsky et Hutch ne sont pas des navigateurs.
Et vice versa…
Joran alerté par VHF remet son annexe à l'eau (Qu'il avait
relevée dès la tombée du jour, lui...), remonte son
moteur hors bord et passe chercher le capitaine pour engager la poursuite…
Mais notre temps de réaction a été un peu long et le
faisceau du projecteur d'Anyvonne a perdu sa cible alors qu'elle approchait
de la plage. Quand nous arrivons à notre tour à l'endroit où elle
pense les avoir aperçus en dernier, il n'y a plus rien à voir… Voleurs
et butin se sont évanouis quelque part dans le bush…
Le lendemain matin, nous débarquons en face des bateaux et découvrons,
derrière la lisière du bush, un petit village familial. Nous
allons trouver son chef pour signaler le vol et offrir une récompense à qui
ramènerait l’embarcation.
Notre interlocuteur a l'air plus attristé que surpris.
Il nous informe que lui aussi s'est fait dérober cette nuit une pirogue
qui stationnait sur la plage et qu’il l'a retrouvée ce matin,
un petit kilomètre à l'ouest, sur cette même plage.
Ce n'est pas la première fois que ça arrive par ici.
Il nous parle de hooligans qui errent dans le coin, à la recherche
d'argent facile, pour survivre au chômage tragique qui sévit à Honiara…
Il s'engage à informer immédiatement les communautés
alentour, du vol et de la récompense promise, puis nous prenons congé alors
qu'il s'élance sur la plage vers les villages voisins.
Le dimanche midi, notre chef de village viendra au bateau nous faire part
de ses recherches infructueuses.
Personne, dans les villages voisins, ne semble avoir su quoi que ce soit
et lui même a ratissé le bush alentour, sans rien découvrir
.
Notre annexe semble bien définitivement perdue et nous voilà maintenant
prisonniers de Getaway dont nous ne pouvons plus nous évader qu'en
traversant le fossé à la nage.
Comme dans les prisons de Nantes…
Non, ce n'est pas tout à fait vrai car nous sommes toujours avec Joran
et nous pouvons profiter de la leur quand ils débarquent.
Dans les semaines qui viennent, on va donc leur coller aux basques d'autant
plus près que l'occasion de remplacer le youyou perdu semble lointaine…
Retour à l'action urbaine…
Le retour à Honiara du dimanche soir est moins euphorique que le
départ du Vendredi.
Un mélange d'accablement, de colère et de honte. L'équipage
est vraiment vexé: Se faire ainsi piquer l'annexe sous le nez... Il
faut dire que nos voleurs ont fait montre d'une audace et d'un sang froid étonnants… Et
nous même avons été d'une naïveté (pour ne
pas dire d'une c…) digne de la préadolescence… Il faut
bien le dire aussi!!!
Enfin, trêve de lamentations, retour à la ville et à l'action…
Pendant que les autres terminent les formalités d'entrée,
le capitaine se lance dans un marathon urbain: déposer une plainte
pour vol, explorer les possibilités locales de remplacement de l'annexe
et enfin, trouver un pont de diodes qui permettrait de réparer l'alternateur
de Getaway et retrouver notre capacité à produire de l'électricité…
Eh oui, en bateau c'est comme à la SNCF, un train peut toujours en
cacher un autre… C'est sans doute pour ça qu'on ne s'ennuie
pas…
Au bout de trois jours d'exploration incessante, après avoir fouillé chaque
mètre carré de la ville, nous sommes en possession d'un récépissé de
dépôt de plainte, de la conviction qu'on ne trouve pas d'annexe
convenable à Honiara et d'un alternateur tout neuf.
Ce n'est pas si mal: le capitaine a pu déposer sa plainte auprès
de la police locale sans être jeté en prison et il a trouvé de
quoi bricoler pour rétablir nos moyens de productions d'électricité.
Car évidemment il n'a trouvé ni pièce de rechange adéquate,
ni alternateur identique. Celui qu'il a acheté n'est pas compatible
mécaniquement avec l'ancien et il faut lui bricoler une nouvelle fixation.
Alors réglet et pied à coulisse en main, Gégé s’agite,
cogite, dessine, corrige… Sur la foi de ses croquis, l'atelier du vendeur
lui usine la pièce nécessaire avec un peu de ferraille et trois
boulons… Aussitôt fait, aussitôt monté et essayé… Et ça
marche…
Voilà au moins un problème réglé.
Pas de quoi oublier la perte de l'annexe, mais ça réconforte
quand même un peu.
Pour permettre le retour à la navigation.
Notre programme de navigation ne nous laisse pas le loisir d'un long séjour
aux Salomon et nous devrons aller à l'essentiel.
Notre projet est de nous concentrer sur le New Georgia Group et surtout de
traverser le Marovo Lagoon, réputé être un des plus beaux
lagons du monde – certains, dont James Michener, disent le plus beau – avant
de rejoindre Ghizo d'où nous sortirons du pays.
Pour toutes ces raisons et parce que nous ne sommes pas vraiment tombés
sous le charme d'Honiara, nous repartons vers l'ouest dès que possible,
le jeudi midi, au grand soulagement de Joran qui n'avait rien de précis à y
faire mais qui n'allait pas nous y abandonner sans annexe…
C'est quand même super les copains!!!
Une nuit de navigation calme et confortable nous amène, au petit matin,
en vue des côtes Est du New Georgia Group où nous espérons
trouver le mouillage "secret" de Peava. Ni carte marine détaillée
ni guide de navigation ne mentionnent cet endroit dont l'existence et les
coordonnées GPS, nous ont été révélés
par un cyber-récit de voyage.
Effectivement, au point indiqué, nous apercevons sur la rive un petit
village devant lequel une barrière de corail semble délimiter
un minuscule lagon.
Une branche plantée dans le corail et un flotteur blanc paraissent
indiquer une passe que nous empruntons avec précaution. Et "tout
soudain", nous voila mouillés dans une eau transparente et bien
abritée de la mer du vent.
Vu du large, rien ne laissait deviner l'existence de ce petit paradis marin
et il est clair que sans l'information de Mérovée, on ne risquait
pas de s'y arrêter…
Nous ne resterons qu'une nuit à Peava. Une promenade vendredi après
midi nous apprend que le samedi est jour de prière dans ce village
adventiste. Pas le meilleur jour pour y être les bienvenus… Comme
nous sommes impatients d'aller vérifier la réputation du "Marovo
lagoon" dont l'entrée, par Mbili Passage, est située à 5
milles au nord, nous décidons de repartir le lendemain en début
de matinée.
En réalité, nous en sommes repartis quand nous avons pu, car
au moment de lever l'ancre de Getaway, le guindeau a refusé obstinément
de fonctionner.
Problème déjà rencontré et donc solution connue… On
n'apprend pas à un vieux singe…
Bref: plongeon immédiat et bruyant dans le puit à chaîne
où se trouve le relais de commande du guindeau (le capitaine s'exprime
sans retenue dans ces cas là...). Inversion des deux fils montée-descente
du moteur et le problème est provisoirement réglé. Plus
tard on démontera pour réparer définitivement.
La série de nos ennuis commence à nous paraître un peu
longue. Peut être la malchance…
Mais on en reparlera plus tard; pour l'instant partons découvrir le
lagon.
Et vive la navigation de lagon!!!
Une barrière d'îlots et de corail borde sur près de
40 milles la côte Nord des îles Vangunu et New Georgia, à une
demi douzaine de milles au large, formant ainsi le Marovo Lagoon.
C'est un bassin de croisière quasi idéal. Bien cartographié et
même balisé, protégé du vent dominant par les
deux grandes îles, parsemé de centaines d'îlots sous le
vent desquels on trouve autant de mouillages calmes… On doit pouvoir
naviguer plusieurs semaines sur cette eau plate, sans se lasser.
Ce matin le temps est un peu gris et le vent tout juste suffisant pour déhaler
Getaway à quatre nœuds, mais c'est tout de même à la
voile que nous négocions la chicane de hauts fonds qui encombre "Mbili
Passage" pour entrer dans le "Marovo lagoon".
Dans cette ambiance légèrement brumeuse, le paysage est magnifique
et un peu irréel. Les îles se détachent doucement du
flou de l'horizon pour venir progressivement se poser sur l'eau, juste assez
près de nous pour agacer Getaway… Ou plutôt son skipper
dont l'attention pour le paysage reste distraite par la carte et le sondeur…
Le long de la côte, quelques hameaux se remarquent de loin en loin, à leur église
qui en est le seul édifice important, le plus souvent construit sur
son point culminant.
Au plus captivant de cette découverte, le pilote électrique
va lui aussi se faire remarquer: A peine avons nous franchi la passe qu'il
se déclare à nouveau en panne… Une de plus à voir
plus tard… Pour le moment on barre à la main et on continue
de s'enchanter…
Mais la série commence vraiment à paraître longue…
Notre escale à Telina, le village des sculpteurs
(et des boat builders).
Telina occupe un petit îlot situé près de la côte
et notre arrivée, un samedi en fin d'après midi, y passe presque
inaperçue. Seuls deux piroguiers viennent nous souhaiter la bienvenue
et nous proposer leurs sculptures. Nous éludons leurs propositions
en évoquant vaguement notre intention de débarquer le lendemain
matin au village… Disons vers 10 heures…
Tôt le lendemain matin, d'autres piroguiers "carvers" viennent
nous proposer leur production. Ceux des environs, manifestement en cachette
de ceux du village… Quelques uns passent sans retenir notre attention,
puis nous nous laissons séduire par un "Nguzu nguzu" taillé dans
du corail. L'objet est assez différent du reste de la production "touristique" que
nous avons pu voir jusque là. Il semblerait que ce soit un objet "custom" -
c'est à dire un vrai objet rituel - et nous commençons à marchander
notre coup de cœur.
Et ça dure et ça dure… Négociation d'argent pour
commencer, qui se complique par un troc de T-shirts, d'outils,…
Même de notre gros ventilateur, acheté pendant notre séjour
au chantier, que nous n'avions pu nous résoudre à abandonner à Port
Vila.
Finalement, l'affaire se conclura là dessus et nous verrons notre
gros ventilateur, débordant d’une fragile pirogue, s'éloigner
vers un lointain village.
L'image nous a paru assez surréaliste…
Notre guide nautique, vieux d'une quinzaine d'années, mentionne l'existence à Telina
d’un jeune homme dénommé John Wayne - il a été prénommé ainsi
par des parents qui adoraient les westerns… - qui aurait eu une influence
importante sur l'évolution de l'activité de sculpture traditionnelle
de la région.
Dans la matinée, ce dernier vient se présenter et nous propose
de passer le voir à son domicile, sur la rive opposée au village.
Pour ce faire, nous changerons un peu de mouillage et c'est ainsi que nous
ne débarquerons pas au village comme prévu.
Daniel croisera dans l'après midi notre interlocuteur de la veille
et – un peu surpris par sa véhémence - se fera copieusement
engueuler pour avoir manqué à notre promesse de débarquement.
Nous avons mieux compris plus tard, dans un autre village: quand vous annoncez
ainsi vos intentions, votre interlocuteur organise pour l'heure dite, avec
tous les autres vendeurs, une sorte d'expo vente à votre intention
exclusive. On imagine mieux leur frustration quand on leur fait faux bond
et on ne recommencera plus…
Ghizo et nos adieux aux îles Salomon.
Située tout à l'ouest du New Georgia Group, Ghizo est la deuxième "ville" du
pays. On pourrait plutôt parler d'un gros bourg, ou même d'un
bourg tout simplement: le long du port, une seule rue sans revêtement
s'étire sur un demi kilomètre, bordée de bâtiments
plus ou moins vétustes. Quelques boutiques, une ou deux quincailleries,
un marché aux fruits et légumes, permettent un ravitaillement
de base.
Un hôtel de bonne tenue atteste que des touristes viennent ici visiter
le lagon, bronzer et plonger.
La beauté des fonds et des îlots environnants nous laisse penser
que cette région est (était!) sans doute un bon choix pour
passer tranquillement sur Getaway une saison cyclonique.
Mais on verra ça à notre prochain tour…
Ce matin, Ghizo est surtout pour nous un endroit doté des moyens
administratifs capables de nous délivrer notre clearance de sortie:
Douanes et immigration.
Vers 8 heures, nous nous mettons en quête des bureaux correspondants.
Trouver la douane n'est pas trop difficile: près du quai des navires,
dans un baraquement de trois bureaux dont un est ouvert aux quatre
vents et "abrite" aux yeux de tous des piles d'archives administratives
poussiéreuses - C'est probablement là qu'aboutiront les
2 ou 3 exemplaires des formulaires que nous remplirons tout à l'heure.
- Pour l'instant, un seul bureau est fermé et c'est celui qui
nous intéresse. Renseignements pris, il semble qu'il ouvre habituellement à huit
heures, mais comme il est maintenant près de huit heures et
demie… On
ne sait pas…
En attendant, on part chercher le bureau de l'immigration. Avec quelques
difficultés cette fois. Il sera même nécessaire qu'un
villageois serviable se déplace pour nous le montrer:
Au fond d'un terrain envahi d'herbes hautes, un petit baraquement
presque en ruine et sans aucune indication visible de la rue, "abrite" deux
bureaux. L'immigration et la perception… C'est, en tous cas, ce qui
se devine sur les minuscules cartons délavés, épinglés
sur les portes toutes les deux cadenassées. Et alors là, on
ne sait pas du tout à quelle heure ça ouvre. Il faudra
revenir.
Retour devant les douanes pour attendre l'ouverture.
Un peu après neuf heures, nous voyons arriver joyeusement une fonctionnaire
en uniforme qui nous salue gaîment et nous demande d'excuser son retard
parce que" vraiment ce matin le marché était trop joli"…
Les formalités sont alors très vite expédiées
et rapidement nous pouvons retourner voir si l'immigration est, elle aussi,
revenue du marché.
En chemin, nous croisons un fonctionnaire en uniforme qui nous
interpelle:
- C'est vous les touristes qui veulent sortir du pays?
-Eh bieeeen… Ouiiii…
- Ah c'est bien. On m'a dit que vous me cherchiez, alors je venais à votre
rencontre…
Le bouche à oreille fonctionne mieux que le téléphone
par ici…
Nous rejoignons ensemble le bureau que nous avions identifié tout à l'heure
et dont le ramage ressemble tout à fait au plumage: Une table couverte
de tas de papiers, deux chaises, classeur rouillé, rideau en loques…
Notre interlocuteur nous trouve, avec quelques difficultés, les formulaires à remplir
puis, avec encore plus de difficultés, le papier carbone nécessaire
aux 3 exemplaires.
Comme ce sont les mêmes que ceux que nous avons déjà remplis à Honiara,
nous nous en acquittons rapidement et un nouveau tampon vient vite décorer
nos passeports.
Adieu Ghizo, c'est comme si on était partis…
Un parfum d'aventure nous attire chez les Papous… de
Papouasie.
Notre prochaine étape sera la Papouasie
Nouvelle Guinée.
Ce simple nom a nourri longuement nos rêves d'exotisme. Réputation
d'inaccessibilité, de mystère, de culture non pervertie par
le modèle occidental dominant…
La culture et les arts surtout nous attirent ici. Ce pays est réputé avoir
les artistes les plus créatifs du monde des arts premiers. L'utilisation
de matériaux divers (plumes, peaux, fleurs…) et de couleurs
vives pour décorer leurs sculptures et leurs masques permet une originalité et
une grande diversité. La perspective d'accéder à cela
nous remplit d'enthousiasme et d'appréhension.
Évidemment nous ne sommes pas les explorateurs qui iront débusquer
les dernières tribus du centre du pays qui n'ont encore jamais été en
contact avec l'homme blanc… Mais on espère bien quand même
avoir, à partir de Port Moresby la très anglo saxonne capitale,
l'occasion d'apercevoir un peu la réalité indigène du
pays. C'est pour ça qu'on a préféré venir ici
plutôt que d'aller visiter l'Australie, sa grande barrière,
et ses réserves aborigènes…
Les papous à poux et les papous pas à poux… Papous
papas et papous pas papa???
(Je suis désolé, mais je n'évite jamais de réutiliser
cette "citation" d'Achille Talon, parue dans Spirou autour de 1966)
Pas trop grand chose à dire sur la traversée de 3 jours qui
nous a menés jusqu'à notre première escale en P.N.G.,
dans l'archipel des Louisiades.
Nous avons toujours eu suffisamment de vent pour faire de la voile et compter
sur notre régulateur d'allure.
C'est heureux car notre pilote électrique ne fonctionnant plus, si
nous avions dû marcher au moteur, il nous aurait fallu barrer aussi.
Les Louisiades sont un archipel de petites îles, très excentré,
situé à l'extrême Est de la PNG. (À quatre - cinq
jours de navigation de Port Moresby.)
Presque entièrement entouré par une barrière de corail
plus ou moins immergée, situé à l'écart de tout
et ne possédant aucun centre urbain, cet endroit est peu visité.
Comme le gigantesque lagon est semé de corail et parcouru de courants
assez rapides, mal connus et non cartographiés, les guides nautiques
qui en parlent multiplient avertissements et conseils de précautions.
Il font ainsi à cette région une réputation de bassin
de navigation, superbe mais dangereux, qui explique peut être sa faible
fréquentation.
Et pourtant, superbe, il l'est!
Temps magnifique, vent modéré, nous apprécierons plus
la beauté des Louisiades que nous n'en craindrons les dangers
Nous y sommes arrivés à la tombée de la nuit, après
avoir emprunté le large "Wuri wuri passage". Premier mouillage,
presque dans le noir, près de l'îlot "Bobo Eina" où nos
amis Anne et Daniel sont déjà arrivés depuis midi.
A peine ancrés, Wasaki, notre premier"papou" vient nous
saluer en pirogue. Juste pour nous souhaiter la bienvenue: on se reverra
demain, au jour…
Il reviendra le lendemain dans la matinée pour nous inviter à venir
visiter sa famille, logée dans une hutte sur la plage en face. A notre
arrivée, il étend une natte neuve devant la famille réunie
(plusieurs membres sont venus d'autres villages) pour nous faire asseoir:
sourires, questions habituelles, cadeaux, bonbons, cigarettes.
Ensuite ce sera la visite rituelle au
jardin pour laquelle il nous faudra
grimper en tongs dans le bush glissant. (On n'avait pas prévu ça…)
Durant cette promenade, il nous racontera qu'il est venu s'installer ici
parce que la terre y est plus fertile que près du village voisin dont
il est originaire. Et puis parce qu'il y a de l'eau ici. En fait la source
est située très haut sur les pentes abruptes de la colline
qui nous surplombe. Wasaki a pu trouver un peu de tuyau pour la canaliser
jusqu'à mi chemin de sa maison mais c'est encore un sentier de chèvres à parcourir
pour s'y rendre. Il attend de pouvoir se procurer un autre bout de tuyau
pour achever sa canalisation jusqu'à la côte…
Ces îles semblent avoir un important problème d'eau douce pendant
la saison sèche. On vient de loin à cette source, en pirogue,
pour remplir quelques bidons.
Les quelques jours que nous passerons là seront rythmés par
les visites qu'on vient nous rendre depuis le village voisin, dans le but
de troquer: fruits, légumes, noix de coco, poissons, langoustes… contre
T-shirts, farine, riz, sucre, fil de pêche, hameçons, tabac…
On nous proposera même de troquer de la "monnaie coquillage".
C'est un moyen de paiement traditionnel mélanésien qui consiste
en minuscules coquillages enfilés sur une fine et longue tige de bambou.
(Pour acheter une femme, il vous faudrait compter au moins huit mètres
de monnaie…) Aujourd'hui, les navigatrices de passages s'en font de
jolis colliers…
Tout cela dans le calme et la bonne humeur; comme au Vanuatu.
Il n'y a pas de tradition artistique ou de sculpture dans les Louisiades
mais quelques uns ici, ont entendu parler du "juteux" commerce
de "carving" qui se pratique dans les Salomon et dans les grandes îles
de PNG. Ils aimeraient bien se faire, eux aussi, quelques revenus dans ce
domaine auprès des quelques touristes de passage. Wasaki nous parle
de cette ambition et souhaiterait voir les sculptures que nous avons déjà achetées
aux Salomon et ailleurs; pour aider son inspiration. Nous lui laisserons
quelques photos de nos sculptures et aussi de celles que nous admirons sur
notre beau livre d'art consacré à l'art papou.
Peut être qu'un jour, "Bobo Eina" deviendra un centre important
de l'art papou… Grâce à Getaway…
Après ce premier mouillage, nous passerons encore un ou deux jours
sur un îlot désert proche, dans une eau "crystal clear",
sans quasiment voir personne que deux ou trois pourvoyeurs de fruits et légumes
de passage.
Puis nous quitterons les Louisiades pour la capitale: Port Moresby.
Port Moresby: Chicago des mers du Sud???
La réputation désastreuse de Port Moresby, en matière
de sécurité, en éloigne beaucoup de navigateurs de passage
dans la région.
On nous en a parlé, pour la première fois aux Gambier alors
que nous évoquions notre intention d'y faire escale un jour.
- Vous êtes fous! L'espérance de vie d'un occidental dans les
rues de Port Moresby ne dépasse pas une demi heure!!!
Et pourtant notre interlocuteur d'alors n'était pas précisément
un timide…
On a entendu ce discours plusieurs fois depuis et on avait presque abandonné l'idée
d'y faire escale.
Pourtant, dans les guides nautiques où le problème est évoqué,
on parle aussi de la sécurité farouchement gardée de
la marina du Royal Papoua Yacht Club (RPYC pour les intimes).
Comme, en plus, Getaway espère pouvoir y trouver une annexe, pour
se débarrasser de temps à autre de ses occupants… Nous
avons décidé de faire cette escale, si possible dans la marina
super protégée.
Le RPYC contacté par email depuis plusieurs jours, nous a promis
une place de ponton. Contacté par VHF sur son canal de travail dès
que nous en arrivons à portée, il nous confirme sa bienvenue… C'est
donc avec beaucoup d'assurance que ce dimanche matin, nous poussons notre étrave
dans la rade de Port Moresby.
A notre approche, deux employés du Yacht Club viennent en barque nous
accueillir et nous indiquent un mouillage d'attente, à l'intérieur
de l'enceinte de la marina. Nous y serons en sécurité mais
nous devrons attendre lundi, la venue des fonctionnaires chargés des
formalités d'accueil des bateaux étrangers, pour venir au ponton.
Dans la passe d'entrée de la marina nous remarquons, abritant un garde
armé, une guérite établie à l'extrémité de
la jetée qui protège le bassin. Coté terre, une haute
clôture de grillage ferme totalement l'emprise des bassins; continuellement
gardée par des équipes de vigiles…
Fort Knox???
Nous voilà donc installés bien au calme, au cœur du danger,
dans l'œil du cyclone…
A l'intérieur de ces frontières, l'accueil au RPYC est très
agréable. A l'étage d'un grand bâtiment moderne on trouve
un immense bar-restaurant qui semble être le rendez-vous habituel de
la communauté privilégiée de la ville, pour boire les
bières de fin de journée et dîner sur la terrasse qui
surplombe les bassins…
Le cuisinier du restaurant est vraiment très bon et cosmopolite. Sa
carte couvre plusieurs cuisines régionales (Anglaise, Italienne, Chinoise,…)
et on peut y manger tous les jours sans ennui.
Le bar est équipé de grandes télés pour les matches
de rugby… et de quelques "bandits manchots" ou "Black
Jack" électroniques…
Les murs y sont recouverts de trophées et de grandes photos de "gros-pêcheurs
blancs exhibant de gros- poissons sur leurs grosses-vedettes". Pas un
soupçon de décoration traditionnelle Papoue... Réussir à éviter ça
dans le pays le plus riche et imaginatif du monde en la matière… C'est
vraiment très fort!
Le personnel (noir of course) est extrêmement serviable, attentif aux
pauvres navigateurs de passage, et nous viendrons régulièrement
ici reconstituer nos forces après nos escapades urbaines.
Sous le bar-restaurant est installée une salle de gym surtout fréquentée
par la gent féminine du Yacht Club et on entend régulièrement
les hurlements d'adjudant hystérique qu'y pousse en rythme leur professeur
d'aérobic.
On voit aussi tous les matins ces mêmes sportives tenter d'éliminer
leur surcharge pondérale en joggings endiablés le long des
digues du bassin, à l'abri de la clôture, sous l'œil vigilant
d'une trentaine de gardiens… En toute sécurité donc…
Bref, plus anglo-saxon tu meurs…
Mais Port Moresby n'est quand même pas qu'un Yacht
Club…
A deux kilomètres de la marina, le centre ville arbore fièrement
les quelques tours modernes qui abritent les avant gardes habituelles du
néo-libéralisme économique: Sociétés de
conseil, d'investissement, banques, hôtels,…
Tout autour le long de la côte, les villages de pêcheurs forment
un cordon de tôles rouillées.
Depuis le Yacht Club on accède à ce centre ville par une demi
heure de marche le long d'une voie express que bordent les docks du port
de commerce. Cette marche nous a été vivement déconseillée
par nos interlocuteurs locaux. "Ce n'est pas sûr… Prenez
un taxi…".
Pour le reste, les résidences diplomatiques, les centres administratifs,
commerciaux, industriels… sont éparpillés à plusieurs
kilomètres, dans des quartiers périphériques desservis
par de larges voies express.
Cette ville n'est pas organisée pour les piétons. Pour parcourir
ces distances on peut utiliser bus ou taxis. Les premiers sont très
déglingués et régulièrement bondés. Un
peu trop pour notre goût et nos appréhensions… Malgré leur
coût élevé, nous utiliserons massivement les taxis pour
nous déplacer hors du centre ville.
La seule marche à pied autorisée, même aux pauvres femmes
fragiles et seules, est celle qui conduit au super marché, à deux
minutes de la marina, où on trouve tout ce qui est nécessaire à l'avitaillement
d'un honnête bateau de voyage…
Où même les navigateurs ne peuvent éviter les aéroports…
Nos formalités d'entrée ont été rapidement expédiées
le lundi, comme prévu, par toute une équipe de fonctionnaires
qui sont venus nous visiter au bateau. Pas plus intéressés
que ça par le contenu de nos cales et de notre frigo, leur visite
sur Getaway fut assez rapide. Sur Joran ce sera la même chose.
Pourtant, le même jour, ils sont restés près de trois
heures à visiter et fouiller de fond en comble le voilier d'un navigateur
solitaire japonais battant pavillon US… Nous avons sans doute eu de
la chance…
Mais nos formalités ne sont pas tout à fait finies. Avant de
pénétrer dans le pays, nous aurions dû demander un visa
auprès d'une de ses ambassades à l'étranger. A Honiara
par exemple… Comme nous ne l'avons pas fait, nous devons maintenant
l’obtenir auprès du service central d'immigration, situé dans
les faubourgs administratifs.
Une première expédition en taxi dès le mardi, pour
permet d'apprendre que c'est jour de fermeture… Retour le mercredi
et interminables files d'attente pour accéder à une fonctionnaire
qui nous explique:
- Oui, je peux vous accorder un visa, mais vous devez d'abord aller en payer
le montant à la perception, puis revenir me voir avec le reçu…
- OK, mais c'est où la perception? Peut on s'y rendre à pied?
Air embarrassé de la fonctionnaire…
- Non, ce n'est pas vraiment tout près. Vous pourriez prendre un bus… Ou
un taxi, si vous en trouvez un…
- Ah…
- Ce serait peut être plus simple que vous alliez à l'aéroport
international au moment de l'arrivée d'un avion. Là, les fonctionnaires
de l'immigration pourraient vous délivrer le visa et encaisser le
paiement.
- Ah…
- Oui… Aujourd'hui il y a un avion qui arrive à 14 heures. Allez
y avant, vers 13 heures par exemple.
Vous demanderez au vigile qui garde la sortie des salles d'arrivée
de vous amener aux fonctionnaires de l'immigration qui travaillent à l'intérieur…
- Bon, on va faire comme ça…
Tankyutumas…
Je vous épargne la visite à l'aéroport, où convaincre
le vigile de service de nous laisser "entrer par la sortie des salles
d’arrivée" n'a pas été si simple…
Mais nous avons tout de même obtenu notre visa.
Découverte qu'il existe une vie touristico-culturelle
en Papouasie.
Notre visite de l'aéroport a tout de même eu une conséquence
bénéfique inattendue: Nous y avons découvert le "Tourism
Office".
N'ayant encore aperçu aucune agence ni bureau de tourisme en ville
et ne possédant pas de guide touristique pour ce pays, nous n'avions
aucune information sur les moyens de le "visiter".
Nous découvrons donc avec plaisir au "Tourism Office" des
dépliants vantant quelques possibilités de transport et d'accueil
vers les "villes" de l'intérieur ou les autres grandes îles
du pays. L’ennui c’est que pour la plupart, ils datent des années
précédentes...
Nous découvrons aussi un calendrier de "festivals culturels" qui
doivent avoir lieu cette année. La plupart aux mois d'août-septembre,
mais dès juillet le « festival des masques »,
qui est le premier de la saison, se déroule à Rabaul, en Nouvelle
Bretagne.
Même que c'est à la fin de la semaine prochaine…
Ne disposant d’aucune autre information mais impressionnée
par notre intérêt prononcé pour cet évènement,
l'employée du tourism office nous guide vers un bureau administratif
d' "Air Niugini", la compagnie d'aviation intérieure nationale.
Nous y faisons la connaissance de Tuana qui est l'employée en charge
des Tour operators. Elle ne s'occupe manifestement pas du public, dans ce
bureau qui d'ailleurs ne lui est pas ouvert; mais comme elle est sympa et
serviable, elle s'intéresse à notre cas.
Ce que proposent les dépliants que nous avons pris au Tourism Office
n'existe plus nécessairement et en tous cas pas aux dates, ni pour
les prix indiqués… Tuana passe une bonne heure au téléphone à s'enquérir
pour nous des possibilités réelles d'exploration du cœur
du pays. Chaque fois c'est trop cher ou trop sportif ou trop aventureux…
Finalement nous conviendrons de nous concentrer sur le seul "Festival
des masques" de Rabaul, la semaine prochaine.
Après cela, il faudra tout de même quatre jours à Tuana
pour nous obtenir billets d'avion et réservations d'hôtel mais
le lundi suivant nous sommes en possession de nos documents et le jeudi matin
nous partons pour Rabaul.
Les éructations du monstre
En approche de Rabaul après deux heures de vol, alors que notre avion
a déjà bien entamé sa descente, nous apercevons par
le hublot une énoooorme colonne de fumée grise - genre champignon
nucléaire – crachée par un volcan voisin de la ville.
Supeeeeeerbe!!!
Tous les passagers sont au balcon pour admirer ce panache. Nous ne savons
pas encore que ce n'est que le premier d'une longue série qui "agrémentera" notre
séjour…
On savait que Rabaul avait été très éprouvée
par une éruption du volcan voisin (le Tavurvur) en 1994. On avait
bien lu que si la ville se remettait lentement de cette catastrophe, les
choses n'y étaient plus comme avant; mais on n'imaginait vraiment
pas ce qu'on allait trouver.
Après l'explosion de 1994 le volcan s'était un peu endormi
: Juste une petite éruption de temps en temps… Au moment du
Tsunami de fin 2004, tout s'est accéléré pour atteindre
la cadence actuelle: Une explosion éruptive toute les 5 à 10
minutes, chacune libérant dans le ciel son énorme panache de
cendres.
Le faubourg de Rabaul où se trouve notre hôtel et où se
déroule le festival étant juste sous le vent du monstre, les
jolis champignons qu'on voyait depuis l'avion viennent sans relâche
y déposer leur contenu. Ainsi, jour après jours, ce volcan
disperse sur la ville plusieurs dizaines de tonnes de poussière en
une sorte d'éternel crachin brestois.
De ce quartier qui était avant 1994 le centre commerçant de
la ville, il ne reste qu'un champ de ruines avec effet de paysage enneigé de
gris. Mais comment respire donc la maigre végétation qui persiste à survivre
sur les talus de cendres? Explication le lendemain: l'humidité nocturne
l'arrose et la nettoie un peu.
On n'avait pas bien compris que Tuana nous parle de "dust" (poussière)
et de mask en nous remettant nos billets; maintenant on comprend… En
descendant du minibus, devant l'hotel, on est entrés dans un MONDE
de cendres: Talus de cendres, murs cendrés, arbres gris, poussière
de cendres, nuage gris… Tout disparaît, gommé de gris,
noyé dans la cendre… Et la fine poussière continue et
continue sans fin à tomber... A vous rentrer dans les yeux, le nez,
la bouche… Beaucoup de gens se promènent à l'abri d'un
parapluie. D'autres se font un masque d'un foulard, d'un mouchoir… Chacun
tente ainsi d'échapper un peu à l'envahissement intime par
cette farine grise.
Le personnel de l'hôtel s'évertue à balayer ses abords
en un combat incessant et perdu d'avance: cette neige ne fondra jamais… Les
congères s'accumulent partout, parfois à plus d'un mètre
de hauteur…
Rapidement l'émerveillement du début pour ces éruptions
spectaculaires se transforme en une phobie pour la cendre, nous prend la
tête et nous fera souhaiter repartir… Mais…
Pendant l'éruption, le Fest Noz continue…
Heureusement il y a le festival et ses danseurs que nous irons voir à pied,
car l'hôtel est tout près.
L'évènement est organisé au cœur du quartier détruit
par l'éruptionde 1994, dans le "Queen Elizabeth II Park".
Cet endroit au nom un peu pompeux est une sorte de terrain de football non
aménagé, entouré de grillage occulté par des
sacs plastique.
Tout autour, des cahutes proposent bétel, boissons, fruits, coupe
faim locaux, carrés de tissu pour se protéger les cheveux,
parapluies anti-poussière très colorés …
Au centre du "park", une petite estrade couverte d'une bâche
et garnie de chaises accueille une cinquantaine de spectateurs à l'abri
de la cendre (De temps en temps, une rafale de vent soulève la bâche
et envoie d'un coup toute la cendre qui s'y est accumulée, sur les
spectateurs assis dessous…). Le reste des spectateurs est debout/assis/accroupi
dans l'herbe rare, autour d'une zone à peine balisée où se
produisent les groupes successifs.
Au milieu du champ, face à l’estrade, un micro installé devant
les ensembles de musiciens/ chanteurs, assure la sonorisation par deux hauts
parleurs.
Un peu à l'écart, un rideau d'arbustes isole du public une
partie du terrain qui sert de coulisses où les groupes se préparent
avant leur exhibition.
Voilà pour le décor.
Le spectacle sera plus que captivant. Les groupes qui se produisent représentent
chacun un village ou une île.
Les costumes? - Cela va du quasi nu avec juste un pagne, à une tenue
confectionnée de feuillages, plumes, boue, dents de cochon, en passant
par le simple lavalava de couleur unique pour tout le groupe.
Les hommes sont maquillés, corps et visage, à la terre de couleur
fixée par de la graisse de porc.
La structure de chaque exhibition est presque toujours la même:
Un groupe de 10 à 50 musiciens/chanteurs – généralement
des hommes, mais il y a quelques exceptions - arrivent des coulisses en chantant
ou poussant des cris, puis s'accroupissent, dos à l'estrade, en un
groupe compact. Ils chantent une mélopée rituelle, racontent
des histoires, en s'accompagnant de tam-tam rudimentaires.
Arrivent ensuite un, deux ou trois danseurs, entièrement couverts,
masqués et costumés, figurant souvent les mauvais esprits;
ils sautent, dansent, se trémoussent… longuement… jusqu'à épuisement…
Chanteurs et danseurs sont en permanence stimulés par un ou deux
chefs d'orchestre. Ces derniers, armés d'un long bâton, souvent
beaucoup plus âgés que les acteurs, montrent une autorité qui
les identifie comme des notables de leur village.
Par la chaleur qu'il fait, alourdis par leur lourd costume végétal
et leur masque, les danseurs fatiguent vite. Souvent l'un d'eux quitte la
scène au milieu de sa danse, pour revenir quelques minutes après.
Nous pensions qu'ils étaient remplacés, en une sorte de relais.
Il n'en est rien, on nous a expliqué qu'ils allaient se refaire une
santé pour revenir plus vigoureux. Fumée? Alcool? On ne saura
jamais avec quoi ils refaisaient leur plein d'énergie…
Ça chauffe, ça chauffe…
Le clou du festival, était la très attendue (et annoncée…) "Danse
du feu" qu'ont exécutée, dans la nuit du vendredi, des
danseurs "Baining" du centre de la Nouvelle Bretagne. Une bonne
cinquantaine de danseurs, porteurs d'immenses masques, a officié durant
plus d'une heure autour d'un grand feu, alimenté en permanence en
bois frais. Régulièrement, chacun balançait de grands
coups de pieds dans le tas de bois, envoyant bien haut des escarbilles et
des brandons incandescents… Parfois sur les spectateurs… De temps à autres,
ils traversaient le feu en quelques bonds, certains s'attardant un instant
au sein de la fournaise, pieds nus évidemment…
Ce rituel spectaculaire est lié à la cosmologie traditionnelle.
Que représentent ces spectacles?
Laissons parler Mr Leroi-Gourhan: "l'art sert notamment à représenter
les mythes, à se remémorer et à re-présenter
les récits mythologiques et mythiques constitutifs de l'identité d'un
groupe…"
La plupart des spectateurs sont venus en voisins, beaucoup sont venus de
la grande île pour l'occasion, d'autres accompagnent les groupes d'autres îles.
Tous sont manifestement captivés par ces spectacles cérémoniels
et fiers de leur culture.
Un jeune étudiant nous a longuement expliqué en anglais que
les gens d'ici étaient très attachés à leurs
traditions, même si ces dernières s'étaient un peu modifiées
au contact du modernisme occidental. "Vous ne pouvez pas espérer
nous voir tous les jours vêtus à la mode traditionnelle, après
nous avoir tellement incités à porter des T-shirts…"
On croirait entendre un breton le jour du festival inter celtique de Lorient…
Les spectateurs blancs étaient rares ici et ce furent des journées
très riches en émotions et en contacts avec les gens, malgré le
satané volcan toujours en éruption.
Après le spectacle, c’est encore l'aventure …
Nous comptions bien reprendre l'avion de Port Moresby le dimanche après
midi aussitôt après la fin du festival, pour échapper
ainsi au plus tôt, à l'emprise poussiéreuse du volcan.
Las, dès le Samedi, nous étions prévenus que l'avion
serait retardé au lundi matin et que nous devions passer une nuit
supplémentaire à l'hôtel. (Aux frais d'Air Niugini tout
de même…)
Le dimanche soir, le chauffeur de l'hôtel nous prépare au départ:
- Vous devriez vous présenter à l'aéroport une bonne
heure et demie avant le décollage. Il arrive que dans de telles situations
il y ait du surbooking et que ce soit un peu la pagaille au départ...
Comme l'avion est prévu à 7 heures, il faudrait arriver à l'aéroport
avant 5 heures 30... Et donc partir d'ici vers 4 heures 30…
Après un petit dej' à 4 heures…
- Ouaaouuuuu!!!
Ainsi fut fait…
Pourtant, même en arrivant à cette heure "matinale",
nous trouvons l'aéroport en grande effervescence et prenons place
au bout d'une très longue queue, où se mêlent familles
et monceaux de paquets, devant les guichets d'enregistrement…
Mauvais ça… L'avion n'est pas si grand…
A mesure que le temps passe nous progressons bien un peu mais arrive un
moment où il devient clair que ça ne sera manifestement pas
suffisant pour faire partie des partants.
Les passagers ayant obtenu une carte d'embarquement sont d'ailleurs dès à présent
installés dans l'avion et nous ne sommes pas les seuls à nous
voir laissés pour compte… Ça commence à chauffer
devant les guichets…
Notre chauffeur qui ne nous a pas abandonnés et qui n'a pas les deux
pieds dans le même sabot vient récupérer nos billets
et se précipite dans la cohue qui se forme maintenant devant les préposés à l'embarquement. Ça
discute sec et fort.
Inquiets, nous observons de loin notre champion combattre pour nous… Il
n'est pas le seul à lutter là bas devant…
Enfin le miracle s'accomplit, la justice éclaira à nouveau
le vaste monde et nos billets furent échangés contre des cartes
d'embarquement.
Après des adieux émus à notre protecteur, nous pourrons
nous aussi monter dans l'avion pour rejoindre Getaway et faire ainsi les
premiers pas vers de nouvelles aventures indonésiennes que nous vous
raconterons la prochaine fois…
Bibliographie conseillée:
La faille. Jorn Riel - Editions 10/18, domaine étranger.
(Roman extraordinaire pour découvrir le coeur de la Papouasie primitive
encore peu influencée par l'occident.)
Arts Premiers. Berenice Geoffroy-Schneiter - Éditions
Assouline.
Art Papou. Livre de l’exposition d’Avril Aout 2000 au musée
de Marseille - Réunion des musées nationaux.
|