LA GAZETTE DE L'A.R.B
Anyvonne Restaurant Bar
 
Salomon Papouasie - Brêves de Mélanésie
N°27 - Octobre2005

Arriver en bateau sur une île mélanésienne

 

Qu'on soit mouillé en face d'un village, ou non, on reste généralement à bord quelques heures pour attendre la venue d'une pirogue.

Souvent une des premières à arriver est celle du chef. Premières conversations, palabres, accueil avec des fruits, troc ou achat... etc…
C'est le moment de se renseigner sur les possibilités de débarquement et d'annoncer nos intentions de visite. Les réponses expriment le plus souvent une bienvenue enthousiaste à laquelle s'ajoutent parfois quelques détails pratiques. (Ne pas atterrir là bas, c'est une zone "tabou". Attachez votre dinghy ici, c'est plus facile. La maison du chef c'est celle là…)

Au premier débarquement, on se fait conduire chez le chef (souvent c'est lui même qui vient nous accueillir sur la plage.) auquel on apporte un cadeau "coutume": 1,50m de calicot, bâton tabac ou cigarettes…; il se chargera de la redistribution. Après les présentations réciproques, parfois rapides, il mandate quelqu'un pour nous accompagner dans la visite du village et des environs; quelquefois un adulte parlant notre langue, plus souvent un enfant.
Et nous voilà partis, souvent suivis par un groupe d'enfants s'il n'y a pas école (on leur distribue généralement quelques bonbons s'ils ne sont pas trop nombreux).
Il est préférable de suivre le guide et de ne pas faire des écarts hors du chemin sans prévenir : On se retrouve très vite chez les gens, à piétiner leurs cultures sans y prendre garde ou pire, à enfreindre des tabous de la collectivité (certains lieux, passages ou sentiers, sont réservés à un sexe…).

On a remarqué curieusement que si on retourne plus tard au village, personne ne nous attend plus ni ne nous guide. C'est un peu comme si l'accueil ayant été fait, on est maintenant les bienvenus dans le village qui s'est ouvert. Il reste alors à faire attention à la propriété privée et aux tabous.

On ne répétera jamais assez que les terres et les jardins, et surtout les fruits et tout ce qui y pousse, appartiennent TOUJOURS à quelqu'un; il ne faut donc JAMAIS se servir tout seul.
Au Vanuatu, cette propriété inclut le rivage corallien et si vous voulez snorkeler ou chasser, il est bon d'en demander l'autorisation préalable lors de votre première visite.


 

La religion dans les lagons


Devant les villages sans voiture ni électricité des Iles Salomon où nous avons mouillé, le silence n'était généralement troublé que par les quelques coups de gong qui appelaient périodiquement les fidèles à l'office ou les enfants à l'école. (Le gong est en général une vieille bouteille de gaz vide, suspendu à un bout de ficelle.)

La culture, traditionnellement très religieuse des populations de cette région s'est montrée un terreau fertile pour les organisations religieuses occidentales qui sont venues là, faire du prosélytisme. Parmi elles, celle des "Adventistes du septième jour" (SDA pour Seventh Day Adventist) paraît être la plus rigoureuse et semble avoir été largement écoutée.
Souvent, dans ces îles, on est maintenant adventiste comme on était chasseur de tête il y a quelques décennies: Sérieusement, consciencieusement, assidûment…
Ces organisations religieuses se sont profondément enracinées dans la société rurale où on peut considérer qu'elles ont pris une part du pouvoir civil. Elles inspirent et organisent complètement la vie des villages.
Les mœurs, l'école, l'impôt… Personne ne fume ni ne boit dans un village adventiste… Pas de bétel non plus. Tout y est plutôt propre: les corps, les vêtements, l'environnement…
Tout le réseau d'écoles primaires, secondaires et supérieures du New Georgia group semble géré par les SDA. Les villageois laissent un pourcentage convenu de leurs revenus à cette église et ceux qui peuvent se le permettre paient spécifiquement, très cher, pour la scolarité de leurs enfants.

Arriver dans un tel village un samedi - jour consacré au repos et à la prière - est pour le moins mal perçu et la population habituellement si accueillante peut se transformer en un mur d'indifférence hostile.

Quelques villages sont tout de même bi-confessionnels. Nous en visiterons un près de New Georgia où des  "SDA" coexistent avec des "United Church"… Les uns boivent, les autres pas… Tous semblent se tolérer mais on nous a quand même expliqué que les SDA habitaient à gauche de la rue du village alors que tous les autres habitaient à droite.
Un décor de choix pour rejouer "Roméo et Juliette" ???


 

Les sculpteurs des Iles Salomon


La spécialité des villageois du Marovo Lagoon est la sculpture. Sur bois, sur pierre, sur corail… Les sculptures des îles Salomon sont célèbres dans cette région du Pacifique et la plus grande partie en est produite aujourd'hui dans les villages de ce lagon.
S'appuyant sur une tradition de sculpture ancestrale (qui produisait essentiellement des objets rituels: masques de cérémonie, figures de proue de pirogues, bâtons de danse…) ils ont développé depuis quelques années une production pour les touristes qui est généralement de bonne facture. Les thèmes en sont beaucoup plus figuratifs et décoratifs que ceux de la tradition et on fabrique maintenant beaucoup plus de coupes à fruit et de panneaux décoratifs ornés de dauphins bondissants que de bâtons de danse… Ça ne nous paraît pas vraiment un progrès mais il reste que la qualité de ce travail artisanal est plutôt bonne.
Nous avons rencontré dans le village de Telina, l'homme qui depuis une quinzaine d'année est un acteur important de ce renouveau artisanal. John Wayne il s'appelle. (Ça ne s'invente pas! - Surtout qu'il n'a pas du tout l'air d'un cow boy…)

La quarantaine avancée, il nous a parlé de ses efforts pour développer le tourisme dans le lagon. Pas vraiment pour faire beaucoup d'argent d'ailleurs, plutôt pour faire connaître sa culture et sa façon de vivre aux visiteurs qui y sont tellement étrangers.

Comme le chef Kerelly, au Vanuatu, il a construit sa Guest House sur le rivage. Entièrement confectionnée en matériaux naturels, ventilée naturellement aussi comme le permet l'architecture traditionnelle, c'est le séjour idéal, dépaysant et raisonnablement confortable, pour l'occidental qui rêve de quelques jours d'aventures et de découverte…
(Il a la visite de pas mal de jeunes sacs à dos).


 

La pirogue, compagne indispensable du quotidien
mélanésien.


Les habitants des côtes des îles mélanésiennes vivent en permanence sur l'eau.
Se déplacer d'un point de la côte à un autre, est généralement beaucoup plus court et facile par voie de mer que par la terre. Dans les archipels rapprochés, les déplacements inter-îles sont courants car souvent les jardins et les habitations ne sont pas établis sur les mêmes îlots.

Quand ils ne cultivent pas leurs légumes, les villageois pêchent. Petit poisson par petit poisson, ils sortent des eaux côtières leur ration de protéine quotidienne. Le poisson n'est pas si abondant par ici et sans aller en mer, on doit se contenter de petites tailles. La pêche dure donc longtemps… Tôt le matin et tard le soir…

Les mélanésiens ont donc un véhicule quasi personnel pour se déplacer sur l'eau: La pirogue.
Creusée dans un tronc d'arbre elle mesure de 1,5 à 3 mètres et est équipée selon les régions d'un flotteur latéral (Vanuatu), de deux (Papouasie/Indonésie) ou de pas du tout (Salomon)…

Là où l'argent est moins rare, on a vu apparaître les barques en alu et les moteurs hors bord, (comme en Polynésie française par exemple, où la pirogue quotidienne a quasiment disparu pour devenir un instrument sophistiqué de sport et de compétition.)

Mais dans la majorité des îles Mélanésiennes, puis Papoues, la pirogue, propulsée par une pagaie ou par une voile taillée dans une feuille de plastique, est le moyen de transport familial et l'instrument de travail quotidien.


 

Le jardin nomade des mélanésiens.

Les îles de Mélanésie ont un profil plutôt abrupt et les plaines côtières y sont souvent absentes. C'est donc sur les pentes raides des collines que les habitants établissent leurs cultures.
Sans doute pour préserver la fertilité de la terre, chaque famille se prépare un nouveau jardin tous les ans et cela les entraîne parfois assez loin de l'habitation. Les hommes défrichent un demi hectare de terrain, par un piochage de surface, autour des arbres qui poussent là, sans les arracher. Les femmes plantent ou sèment ensuite (sans beaucoup d'ordre?) les légumes, fruits et arbustes: Manioc, ananas, papayers, bananiers, tarots, choux, haricots… Il y a pas mal de variété.
Ce qui nous a beaucoup surpris dans cette manière de faire, c'est que les surfaces cultivées ne sont pas vraiment spécialisées ni protégées. Sur une parcelle donnée les variétés sont un peu mélangées n'importe comment, mais surtout le déplacement annuel du jardin laisse les parcelles anciennes sans défense face à leur reconquête par le bush. Les arbres continuent à s'y développer, herbes et arbustes s'y réinstallent rapidement.
Du coup les plantes pluriannuelles comme les bananiers, les papayers, les citronniers… se rencontrent au sein d’un bush qui n'apparaît plus défriché.
Ça donne à ces jardins un caractère sauvage qui va jusqu'à les rendre invisibles à nos yeux européens.
En cours de promenade dans le bush, piétiner une plantation sans y prendre garde est très facile.
Pourtant, tout fruit ou légume que vous pouvez y trouver appartient à quelqu'un, dont toute la communauté alentour sait très bien que c'est lui qui l'a planté là…